DEUX CENT TREIZIÈME JOURNÉE.
Mercredi 28 août 1946.

Audience de l’après-midi.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal vient de recevoir une requête du 18 août du Dr Berges. Cette requête est rejetée. Je donne maintenant la parole au Dr Bôhm.

M. GEORG BÖHM (avocat des SA)

Monsieur le Président, Messieurs les juges.

Il est en contradiction avec le droit fondamental de chaque homme de n’être rendu responsable que dans la mesure de sa propre culpabilité, si par le résultat possible de l’accusation collective portée contre les organisations, il est soumis à la loi numéro 10 du Conseil de contrôle allié. Depuis qu’il existe des hommes, une sanction sans infraction n’a jamais été considérée comme juste. Celui qui veut punir doit rechercher la faute de chaque individu, même lorsque plusieurs ont participé à un crime. Si le fait d’avoir projeté un crime est déjà punissable comme acte préparatoire, seuls peuvent être punis selon les principes juridiques et moraux jusqu’ici en vigueur, ceux qui ont participé à un tel projet, c’est-à-dire seuls ceux qui se sont réunis à cette fin en coopérant d’une manière voulue et consciente.

Les principes de droit que je viens de développer et qui résultent des droits fondamentaux des hommes, n’ont été évincés à aucune époque et dans aucun code pénal national par la notion juridique d’une « conspiration ». Au sens de la notion juridique de la conspiration, présentée par le Procureur général principal, il y a culpabilité lorsque :

1. Il existait une association visant un but commun et général ;

2. Ces buts étaient de caractère criminel ;

3. La poursuite de ces buts entraînait automatiquement, c’est-à-dire de façon prévisible, le fait criminel, et enfin,

4. La manière d’exécuter l’acte correspondait à des méthodes déjà convenues au moment de la réunion, ou au moins ultérieurement approuvées.

Dans la suite, nous aurons donc à examiner : a Dans quelle mesure les éléments caractéristiques du crime de conspiration et développés ici, correspondent à la notion juridique présentée par l’accusation et,

b Dans quelle mesure ces éléments caractéristiques du crime ont été réalisés par les membres de l’organisation.

Vu d’ici, les éléments caractéristiques du crime de conspiration délimités ci-dessus non seulement selon les notions allemandes du Droit, mais aussi selon la législation notoire en matière pénale d’autres pays civilisés, semblent correspondre complètement à la délimitation formulée par l’Accusation lors de l’audience du Tribunal du 28 février 1946, de sorte que, après avoir reconnu la constatation faite ici, il ne nous reste plus que l’examen de la deuxième question, c’est-à-dire dans quelle mesure un tel fait, désormais délimité par ses éléments caractéristiques, a été exécuté de façon délictueuse par les membres des SA.

Cette manière de poser la question comporte un jugement dû valeur et une question de fait. D’abord un jugement de valeur en ce que le terme « criminel » employé à propos du but de l’organisation a besoin d’une délimitation nette.

Pour des sujets allemands, des actes commis dans le domaine de la souveraineté allemande ne peuvent être « criminels » que lorsqu’ils sont des actes punissables selon les lois pénales allemandes. Selon les principes de Droit international reconnus jusqu’ici, la législation d’un peuple n’est pas engagée par ce que d’autres peuples considèrent comme criminel, mais uniquement par ce que ce même peuple a reconnu comme « criminel » dans sa propre conscience morale et juridique. Toutefois nous pouvons constater, après un examen consciencieux de cette question, également que le peuple allemand sans exception, et par conséquent aussi la masse des membres des SA accusés à Nuremberg, ne se sont distingués à aucune époque pour l’ensemble de leurs conceptions morales et juridiques, des lois fondamentales en vigueur dans le reste du monde civilisé. Ses millions de membres, eux aussi, considèrent une guerre d’agression du type décrit à l’article 6 du Statut comme un crime ; aucun des membres des SA, sans exception, ne songerait jamais à contester que des actes comme ceux qui figurent à l’article 6 du Statut sous la rubrique « Crimes contre l’Humanité » ont toujours été contraires à leurs principes aussi et méritent par conséquent à leur point de vue aussi d’être jugés criminels.

Il ne reste plus à la Défense, abstraction, faite des conditions premières justifiant le Procès et qui donnent lieu à contestation, qu’à examiner la question de fait de savoir si l’organisation des SA accusée a poursuivi à une époque quelconque la réalisation de semblables buts criminels ou celle de buts légaux, au moyen de méthodes comprenant l’accomplissement ’de crimes.

L’Accusation l’a affirmé.

Les buts de l’organisation accusée étaient nettement circonscrits par le programme du Parti et par les Statuts. Les moyens de réalisation de ces buts trouvaient une limitation visible dans les lois et ordonnances du Reich publiées dans le Reichsgesetzblatt. Les SA, en leur qualité d’organisation accusée, ne peuvent être considérées que comme une réunion de personnes dont les aspirations communes et générales tendaient uniquement à réaliser les buts fixés en recourant à des moyens autorisés par la loi allemande. Les buts et les moyens de réalisation légaux de ces buts, entièrement patents non seulement pour les membres de l’organisation accusée, mais également pour le monde entier, ne peuvent être considérés comme criminels par un monde qui, malgré la connaissance des buts et des méthodes légalement circonscrites n’a pas seulement — même après que l’unité du Parti et de l’État eût été consacrée par la loi — formellement reconnu le Gouvernement du Reich national-socialiste qui était le responsable de ces buts et de ces méthodes, mais a de plus, à différentes reprises, confirmé cette reconnaissance aux yeux même du peuple allemand par toute une série d’accords internationaux, dont les derniers en date furent l’accord de Munich du 29 septembre 1938, le pacte de non-agression germano-soviétique et le protocole secret du 24 août 1939.

Par conséquent, le caractère criminel que l’Accusation attribue aux SA doit être établi autrement que par un simple renvoi au caractère criminel de l’idée nationale-socialiste en soi. Si l’idée elle-même n’est pas criminelle, le caractère criminel d’une organisation servant à la réalisation de cette idée ne peut être déduit, le cas échéant, que des méthodes criminelles qui, pour reprendre une formule du Tribunal, « étaient si patentes ou, d’une manière générale, si connues de quelque autre façon par les membres de l’organisation accusée, qu’on peut d’une façon générale supposer à bon droit que ses membres étaient au courant de ses buts et de ses activités ». Ainsi le Tribunal a mis en évidence lui-même, d’une façon nette et sans équivoque, quels sont les critères objectifs et subjectifs qui doivent être établis pour que le Tribunal Militaire International puisse reconnaître le caractère criminel desi SA.

Pour caractériser une organisation, comme pour caractériser des individus, on ne peut prendre en considération que des manifestations typiques. Or, des manifestations que l’on retrouve dans d’autres pays, sans que jusqu’à présent elles aient fait déclarer criminel leur auteur, ne peuvent en toute justice, dans la procédure du Tribunal Militaire International, servir à justifier le caractère criminel de l’organisation accusée. Ainsi, il ne semble pas juste à la Défense que l’Accusation essaie par exemple de déduire le caractère criminel de l’organisation accusée de la constatation que le Parti et son organisation exerçaient un contrôle effectif sur l’appareil gouvernemental, abstraction faite de ce que les SA ne possédaient pas ce pouvoir.

De semblables méthodes, même si on veut faire croire que les SA y ont recouru, ne sont pas uniques dans le monde et n’appartiennent pas au passé. Mais tant que ces méthodes ne seront pas reconnues criminelles dans le monde entier et traitées comme telles, on ne saurait en toute justice les considérer comme ’des manifestations typiques d’un caractère criminel appartenant précisément aux organisations nationales-socialistes mises en accusation.

Les affirmations faites par l’Accusation dans ce sens doivent donc nécessairement, du seul fait de cette constatation, être éliminées de l’argumentation tendant’ à prouver un caractère criminel.

Pour établir le caractère criminel des SA, on ne peut pas davantage utiliser des événements qui se sont déroulés complètement en dehors de l’organisation, donc des événements au sujet desquels en général on ne peut plus admettre à bon droit que les membres en aient été informés.

La défense des SA aura donc à démontrer que :

1. A aucun moment n’a existé un plan général et commun des membres des SA en vue de commettre des crimes du genre indiqué à l’article 6 du Statut ;

2. Que, ni au moment où ils se sont constitués, ni à une époque ultérieure quelconque, la grande masse des membres SA n’a été éduquée en vue de réaliser le programme du Parti ou les buts particuliers aux SA en utilisant des moyens illégaux, en particulier en utilisant la terreur et la violence ;

3. Qu’en admettant que l’on puisse établir des actes illégaux, le résultat de l’instruction et l’interrogatoire de milliers de membres démontre que ces événements n’ont pas un caractère de plan systématique qui s’étendrait à la masse des membres et pour cette raison (parce qu’ils sont complètement en dehors d’un plan général commun) ne peuvent être relevés qu’à la charge de certains individus déterminés ou de certaines catégories ou groupes de personnes étroitement délimités à l’intérieur des SA.

Il n’est pas exact que derrière ces événements terribles et humiliants, il y ait eu, dès le début, un plan général et commun d’organisation de masse en vue de commettre des actes de ce genre. Il n’est pas exact que ces actes « aient été manifestement évidents ou qu’ils soient parvenus en général d’une autre manière à la connaissance des membres, de telle sorte que, du point de vue pénal, on puisse à bon droit, reprocher à l’ensemble des membres d’avoir eu connaissance de ces faits ».

En ce qui concerne les crimes contre la paix présentés par l’Accusation, il convient de constater en premier lieu que les préparatifs d’une guerre d’agression, dans le cas où ils doivent aboutir au but désiré, doivent rester absolument secrets. Même s’il était exact que le Gouvernement du Reich ou l’État-Major général avaient préparé une guerre d’agression, une supposition presque irréfutable permet de dire que, non seulement ils n’ont pas informé la masse indifférente des millions de SA de ces préparatifs mais que, bien au contraire, ils se sont donné toutes les peines du monde pour que ces préparatifs restent secrets. Mais si de tels préparatifs restaient inconnus, ces millions de personnes ne pouvaient, à aucun moment, acquérir la certitude que la guerre défensive commencée par le Gouvernement du Reich était, ainsi que le prétend l’Accusation, en réalité une guerre d’agression et que le fait d’y avoir participé pourrait peut-être être considéré comme un crime contre la paix.

Les crimes contre les usages et lois de la guerre sont aussi, d’après leur nature, des actes individuels de petits groupes ou de formations réduites qui sont également tenus secrets par le commandement supérieur pour prévenir les effets du principe de représailles établi par le Droit international. Même s’il était possible de voir dans la seule acceptation de ces violations des règles et des lois reconnues de la guerre une participation coupable, l’Accusation se trouverait encore devant le problème jusqu’à présent non résolu et sans doute impossible à résoudre, de produire tout d’abord la preuve qu’au moins la très grande majorité des membres des SA était au courant de l’exécution systématique de crimes contre les usages et les lois de la guerre. Sans tenir compte de ces suppositions de preuve, en contradiction avec des affirmations essentielles de l’Accusation, la Défense peut prouver après l’interrogatoire de plusieurs milliers de membres ’des SA que, s’il s’est produit des actes contraires à la loi, ceux-ci ont été exécutés suivant un échelonnement légalement prévu fixé pour le temps et pour le lieu et ne constituent dans leur ensemble cependant pas autre chose que des actes sans but commun et indépendants d’individus ou de groupes réduits de personnes, et il ne paraît donc pas qu’il soit justifié de les traiter comme manifestations typiques d’un plan homogène qui, en conclusion, seraient appelées à justifier le caractère criminel des SA.

On ne saurait objecter contre cette production de preuves par la Défense que les conclusions qu’elle en tire ne peuvent prétendre à leur reconnaissance sans réserves, parce que l’enquête ne s’est étendue que sur une partie des millions de membres de ces organisations visés par l’accusation de ces organisations, et que, par conséquent il n’apparaît pas justifié de généraliser le résultat dans le sens des conclusions tirées par la Défense.

Ce n’est pas la faute de la Défense si une partie des membres des SA ne fut pas entendue, car en collaboration avec le Secrétariat général, la Défense a tout essayé afin que des témoins avec lesquels elle avait pu correspondre jusqu’à leur désignation en qualité de témoins fussent transférés de la zone russe. Je constate aussi que les membres des SA vivant d’ans la zone russe ne furent pas dûment entendus, puisque, d’après mes informations, dans la plupart des cas, on ne les renseignait pas sur l’accusation contre les organisations. C’est une des objections les plus importantes contre la procédure, que l’histoire se rappellera toujours.

LE PRÉSIDENT

Docteur Böhm, c’est une remarque tout à fait déplacée que celle que vous venez de faire. Il n’y a aucune preuve que des membres des SA n’ont pas su ce qui se passait. Au contraire, les mêmes affiches étaient placardées dans la zone russe et dans les autres zones, et le Dr Servatius qui a été en zone russe n’a élevé aucune plainte à ce sujet devant le Tribunal. Le Tribunal estime que c’est une remarque qu’aucun avocat ne devrait faire.

M. BÖHM

Oui, Monsieur le Président, mais je tiens précisément ce renseignement de mon confrère, le Dr Servatius.

LE PRÉSIDENT

Docteur Böhm, le Dr Servatius n’a absolument rien dit de ce genre au Tribunal ; au contraire, il a dit qu’il avait été très bien traité en zone russe.

Dr ROBERT SERVATIUS (avocat de l’accusé Sauckel et du Corps des chefs politiques)

Monsieur le Président, je suis allé dans la zone russe et, selon mon désir, j’ai pu visiter deux camps. Dans ma conclusion, je l’ai fait remarquer et dit qu’autant que je le savais, cette proclamation avait été affichée dans tous les camps. Je vous répète que je n’ai visité que deux camps ; et je l’ai déjà dit ici.

LE PRÉSIDENT

Je vous remercie.

M. BÖHM

Sans doute, j’ai très mal compris l’information qui m’est parvenue, Monsieur le Président.

De plus, je voudrais souligner les limitations qui se présentaient à la Défense par le fait que, malgré tous les efforts, et malgré des adresses correctes, un nombre de témoins vivant dans des zones différentes ne sont pas arrivés ici. Avant tout, il y a les témoins Fust, Lucke, Alvensleben et Wallenhofer qui manquent. En conséquence, étant donné l’absence de ces témoins, il manque aussi les statistiques des SA et de la caisse auxiliaire qui seules permettraient un jugement équitable, pour les événements précédant l’année 1933, qui démontreraient la terreur exercée contre les SA. La Défense, encore, n’est pas en possession d’un nombre de documents qu’elle avait demandés et qui furent approuvés par le Tribunal, dans l’examen préalable.

Par conséquent, le Tribunal Militaire International, dans la sentence qu’il va prononcer, ne peut que partir du fait qu’un nombre d’actes illégaux fut commis par un nombre limité de personnes, ou de groupes de personnes dont le nombre fut limité, et dont les activités dans leur ensemble ne peuvent imprimer le sceau de « criminalité » aux organisations, aussi peu qu’un nombre de crimes, comme on en trouve dans chaque nation, pourrait imprimer à cette nation un caractère criminel.

En résumé, on pourra donc constater, du point de vue de la Défense, que l’accusation soulevée contre l’organisation des SA dans sa totalité et englobant dans ses effets même les morts de la guerre, manque de prémisses formelles et matérielles fondamentales, dont le mépris, comme il est inhérent à chaque condamnation prononcée par une Cour de Justice, concorde aussi peu avec l’esprit sain du peuple qu’avec les efforts des Nations unies, efforts issus des expériences pénibles, et qui cherchent à rétablir la confiance dans les droits fondamentaux des hommes et à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect du Droit international.

L’Accusation expose que la déclaration de criminalité est nécessaire pour créer les conditions d’une condamnation des auteurs immédiats dont, en grande partie, la culpabilité ne peut pas être établie, et aussi pour punir les complices moraux. Selon les reproches formulés par l’Accusation, l’Oberste SA-Führung (le Commandement suprême des SA) aurait exécuté ou respectivement toléré pour ne citer que les reproches principaux, les faits suivants : a) D’avoir préparé, projeté ou ordonné une guerre d’agression ; b) D’avoir toléré ou exécuté des atrocités ou d’autres crimes dans les camps de concentration.

Par la présentation des preuves, il a été prouvé sans équivoque que de tels ordres n’ont pas été donnés par le Commandement suprême des SA, et que des méfaits n’ont pas été tolérés.

Par ailleurs, l’affirmation que dans la plupart des cas les vrais coupables ne pourraient être pris est inexacte. Au cas où une guerre d’agression aurait été effectivement préparée, pour cette préparation seul un petit nombre de personnes entre en ligne de compte, et non pas 4.000.000. Les auteurs des persécutions contre les Juifs, limitées dans le temps et dans l’espace, sont connus ou peuvent être identifiés. Étant donné que les lieux des persécutions contre les Juifs en novembre 1938 sont connus et que la culpabilité peut être établie grâce aux témoignages ou autrement, à l’aide de documents, comme les procès actuels de Weissenburg et de Hof, ouverts pour les pogroms de novembre 1938 le prouvent, il est inutile de créer ici par la déclaration, de la criminaLité une condition, d’autant plus que la plus grande partie de ces actes a été réprouvée par les membres des SA, De même on connaît les endroits où se trouvaient les camps de concentration ainsi que les noms des responsables pour des actes commis dans ces camps. Cela ressort des nombreux procès intentés aux commandants de camps de concentration et aux gardiens. Les millions de membres des SA, dont 70% se trouvaient sur le front lorsqu’au cours de la seconde guerre mondiale les événements horribles eurent lieu dans les camps de concentration, doivent-ils être rendus responsables de ces faits, alors que d’anciens ministres prétendent avoir tout ignoré de ces actes ? Que l’on appréhende les coupables directs ! Mais une responsabilité collective de 4.000.000 de personnes est un fait nouveau et unique dans l’histoire du Droit pénal. Elle est inhumaine et se base sur l’extension de la notion de complice, extension écartant toute sécurité légale et tous les principes fondamentaux de toutes les procédures pénales.

L’idée fondamentale du complot (conspiracy) est celle que l’adhésion à un groupe organisé de personnes qui, au moment de cette adhésion, est déjà interdit, constitue un fait punissable. Les adhérents doivent donc savoir au moment même de leur adhésion qu’ils commettent un acte contraire à la loi.

La déclaration de criminalité faite ultérieurement dans le but de permettre d’engager des poursuites individuelles contre les membres viole le principe : nulla pœna sine lege. Le Conseil de contrôle international a établi expressément ce principe dans sa première loi concernant l’administration de la justice en Allemagne. Le Tribunal international ne peut passer outre à un principe de Droit de caractère général et qui est établi par l’organisme interallié chargé de la législation en Allemagne.

La déclaration de criminalité violerait encore un autre principe. Par la reconnaissance de l’État allemand, et, par conséquent, de ses dirigeants, par la participation constante de délégués à des manifestations importantes, entre autres aux jeux des SA, par les différents accords conclus, les puissances alliées ont prouvé qu’elles ont reconnu les ’dirigeants allemands et leurs organisations. Le document SA-229 cité par mes soins, intitulé « Les ordonnances politiques de la Commission interalliée du Rhin » et leur application pendant les années 1920-1924 prouvent que la commission du Rhin a levé, le 21 mars 1925, l’interdiction frappant le parti allemand de la liberté et le parti national-socialiste. Une déclaration faite sous la foi du serment provenant du Palatinat (affidavit gén. SA-42), présentée par la Défense démontre que toutes les manifestations de la NSDAP, de même que des SA ont été autorisées avant l’année 1930 par les autorités d’occupation françaises. La politique extérieure des Etats alliés devait posséder une meilleure vue de la situation politique générale que les millions de simples membres des SA, qui, en raison de cette situation de politique extérieure ne pouvaient comprendre que le fait d’entrer ou de rester dans les SA fût contraire à la loi. La poursuite actuelle des organisations reconnues à cette époque est en contradiction avec le principe juridique universellement reconnu : nemo in factum proprium venire potest, c’est-à-dire « personne ne doit se comporter contrairement à son attitude antérieure ». Ce principe du Droit romain, utilisé comme règle d’interprétation dans le Droit international, demande une application générale.

En ce qui concerne les SA, l’Accusation emploie une série de simplifications concernant le but, le lieu, le temps et les catégories de personnes impliquées, simplifications qui seules permettent à l’Accusation de motiver le caractère criminel des organisations. En d’autres termes, l’Accusation fait comme s’il s’agissait pendant toute cette période, d’une personne uniforme, « les SA », ayant une direction, une responsabilité uniformes, un but, des desseins, une équipe d’adhérents uniformes et une attitude uniforme. Sans de pareilles simplifications, l’Accusation n’atteint pas son but, par exemple dans la question de la guerre d’agression et de la persécution des Juifs. Ainsi, elle escamote le vrai problème qui est celui de la responsabilité collective, qui ne peut trouver sa solution équitable qu’à l’aide d’un grand nombre de constatations individuelles et qui, pour la majorité des membres, exige l’examen de la concordance de l’action avec le but. Par contre, on ne peut souligner avec assez de vigueur la diversité effective des SA, précisément en ce qui concerne le but poursuivi par les cercles dirigeants, les effectifs des membres, ainsi que la limitation locale et temporelle des actes qui transforment les événements ayant eu lieu du fait d’une organisation de 4.000.000 de membres en des actes individuels limités dans le temps, dans l’espace et dans les personnes et se répartissent sur une période de plus de vingt ans.

L’intention, la volonté interne, ainsi que la connaissance du but criminel et des éléments caractéristiques d’un. fait criminel, comme aussi la conscience générale de l’illégalité, auraient dû être prouvées par le Ministère Public pour la majorité des membres des SA. Comme cela est impossible, le Ministère Public établit le principe que les faits et les buts ont été tellement clairs, que chacun pouvait les reconnaître. Si tout cela était vraiment tellement clair pour des millions de gens simples, pourquoi alors les Alliés ont-ils soutenu des relations et signé des conventions avec cet État qui était supporté par des bandes de criminels ? Le principe établissant que dans ces conditions les membres auraient pu et auraient dû connaître les actes et les buts criminels, renonce à un examen réel des connaissances qu’en avait la majorité des membres.

En fait, l’Accusation se contente de la fiction de la préméditation. Elle néglige les discours innombrables qui furent faits pour tromper le peuple allemand, elle oublie :

1° Que des citations de journaux étrangers parlant des mérites de l’État national-socialiste furent reproduites dans la presse ;

2° Que pendant ces douze ans, les événements réels ont été présentés au peuple allemand et à la foule des membres des SA, d’une façon voilée ou au moins adroitement arrangée.

D’ailleurs, il est tellement évident que la préméditation ne saurait être discutée que par rapport à des faits concrets, dont je parlerai plus tard dans mon exposé, qu’il est inutile d’en dire davantage. Il me suffit de souligner que d’innombrables déclarations faites sous la foi du serment réunies et présentées en bloc prouvent qu’ils n’ont ni connu les crimes ni participé aux crimes suivants : persécutions des Juifs, préparation d’une guerre d’agression ou exécution d’atrocités de tous genres.

Je voudrais surtout attirer l’attention sur le fait qu’il n’existe aucun rapport entre les accusés principaux et leurs actes d’une part, et d’autre part les membres des SA. De toute façon, les SA ne peuvent être tenus pour responsables que des actes commis par des personnes agissant en qualité de membres ides SA ou chefs des SA, mais pas comme ministres du Reich, Reichsleiter, Gauleiter, Gebiets-kommissare (commissaires de zones), etc. A part une brève carrière se situant avant le 9 novembre 1923, Göring ne jouait aucun rôle dans les SA ; son rang, plus tard, n’était que celui d’un chef honoraire ; c’est exact aussi pour le cas de l’accusé Frank ; les actes commis par lui en qualité de Gouverneur Général de Pologne ne peuvent pas être reprochés aux SA. Il ne fut pas le chef des formations SA, qui se composaient d’Allemands du Reich et d’Allemands de sang, stationnés dans le Gouvernement Général. Rosenberg, Bormann, Schirach, Streicher, Hess, Sauckel n’entretenaient aucune relation avec les SA. Comme l’a souligné la déposition du témoin Jüttner, Bormann fut un des adversaires les plus acharnés des SA. Streicher est l’homme qui a éliminé l’Obergruppenführer SA Stegmarin.

La propagande dont l’Accusation, elle aussi, est devenue victime, présente un État national-socialiste où le Parti, l’État et la Wehrmacht d’une part et le Parti et ses formations d’autre part, forment un ensemble homogène. En réalité, il existait des divergences sérieuses. Ce sont particulièrement ces divergences qui permettaient à Adolf Hitler d’exercer un pouvoir inouï sur les individus et une indépendance inouïe, situation dont il partageait le secret avec quelques rares intimes, comme c’est maintenant seulement devenu évident. Qu’il me suffise de rappeler ici les conceptions différentes existant au sein même du Parti, comme aussi entre les dirigeants. Comme par exemple Göring, Goebbels, Himmler, Lutze, pour la question des Églises et dans la question juive. Pour l’homme moyen et pour le membre moyen d’une organisation, il n’était pas simple de reconnaître et de découvrir une ligne claire à travers la multiplicité des tendances.

En tout cas, aucune question, surtout celle de la guerre ou de la paix, ne se prêtait à une solution telle qu’elle pourrait faire l’objet d’une « conspiracy ».

Les déclarations du témoin Jüttner, ainsi que les affidavits de Hörauf et de Freund, indiquent que la Direction supérieure des SA, jusqu’au moment où elle fut écartée de la politique, était en relation étroite avec des milieux anglais et français en vue de créer un pacte de l’Ouest. J’ai prouvé qu’une aide financière pour les SA existait dans le cadre de ces négociations ; d’autre part, j’ai démontré qu’en 1932 la direction des SA se livrait à des négociations de coalition contre Hitler avec des personnes appartenant au Gouvernement allemand. J’ai prouvé qu’il existait politiquement trois opinions différentes en matière de politique extérieure, comme j’ai prouvé également que les lignes de l’Est et de l’Ouest s’affrontaient. Ici il me sera permis de citer une phrase prononcée par le Ministère Public anglais ; elle se trouve dans le procès-verbal du 31 juillet 1946 : S’il pouvait être démontré du côté allemand que le Gouvernement anglais avait appuyé par des moyens économiques les SA afin de les faire arriver au pouvoir et à condition que le pouvoir fût pris par Rôhm, alors, en effet, la Défense aurait considérablement avancé son affaire. Il irait de soi que le Gouvernement de 1946 ne pourrait pas prendre part au procès contre les SA, s’il avait appuyé les SA en 1934. »

Le fait que les négociations entre les milieux politiques anglo-français et la direction des SA ont été menées sans équivoque, est clairement démontré par l’affidavit de Hôrauf. J’ai aussi prouvé que la prise de contact avec les milieux anglais et français a mené directement aux événements de l’année 1934.

L’Accusation reproche aux SA d’avoir toujours été un instrument docile entre les mains des conjurés. Comme meilleure preuve du contraire peuvent être considérés les événements du 30 juin 1934. Au sujet des événements du 30 juin 1934, on entend toujours la conception erronée selon laquelle on aurait réussi, dans ces journées, à mater un putch des SA, putch organisé par une clique avide du pouvoir. Rien de plus erroné que cette idée ; les SA menaient plutôt dans le cadre du Parti — comme le montre l’affidavit de Freund (Allgemeine SA n° 83) — leur existence propre. Il est hors de doute que la grande masse des SA, du temps du Stabschef Röhm, n’avait aucun ou peu de contact avec le Parti ; en 1934, la situation était déjà telle que toute expression libre de l’opinion était supprimée, surtout au sein même du Parti, et que le schéma était déifié. Tout était soumis à la tendance de la mise au pas ; la contrainte triomphait, elle dominait la vie publique tout entière. Déjà à ce moment, le Gouvernement du Reich était plus ou moins écarté. Le Parlement n’était qu’un simulacre et n’avait aucune valeur positive.

Jadis, les SA avaient appuyé avec enthousiasme l’État-Major des chefs ; maintenant ils voyaient que Hitler, comme s’exprimait le Stabschef Röhm, s’entourait de démagogues et de non-politiques et était devenu non pas le Führer du peuple, mais le dictateur. Une telle évolution fut observée par la Direction suprême des SA avec une méfiance croissante, puisqu’elle comportait le danger que le peuple — après avoir délégué les pleins pouvoirs au Führer — ne se trouvât complètement exclu de la direction des destinées du Reich et de sa politique. Ce danger et l’état de choses exceptionnel créèrent une situation intenable. Ainsi naquit, d’abord rigoureusement camouflée, l’opposition au sein de la Direction suprême des SA sous la conduite de son chef d’État-Major Röhm.

Il était projeté de renverser le système d’alors et de le remplacer par un véritable gouvernement du peuple avec une participation active du peuple lui-même. Tous les préparatifs tendaient vers ce but, ce qui a été mentionné également par le témoin Jüttner au cours de la séance de la commission. Il fut prouvé que, lors de la réunion projetée de Kulmbach, Röhm voulait s’informer de la situation des ouvriers telle qu’elle se présentait après la dissolution des syndicats par Ley. Qu’on me permette de mentionner ici expressément que Röhm avait délégué des membres des SA pour la dissolution de syndicats uniquement parce qu’il y avait dans les immeubles. des syndicats des armes appartenant aux organisations de gauche et qu’il fallait s’attendre à chaque instant à ce que la guerre civile naquît dans ces immeubles et se propageât dans le peuple.

Röhm voulait dissoudre les SS. Cela est prouvé par les déclarations faites sous la foi du serment de l’ancien chef de brigade des SA Freund. Il faut mettre en rapport le nouvel état qui devait être créé avec l’action de Röhm tendant à parvenir, par voie de négociations avec les puissances occidentales, à la consolidation de l’espace de l’Europe centrale. Il a été établi que ces négociations étaient déjà en cours depuis des années (déclaration Jüttner, affidavit Freund). Un des derniers négociateurs a été le SA-Obergruppenführer von Detten, ainsi qu’il ressort de la déclaration sous la foi du serment du chef de brigade Freund. L’ensemble des documents afférents au chapitre « politique de défense » dans l’accusation des SA est en rapport avec la malheureuse tentative du chef d’État-Major Röhm. Röhm pensait, ainsi que l’a exposé clairement le témoin Jüttner, à la création d’une milice populaire sur le modèle suisse, sortant du cadre des SA, et ceci à l’intérieur du grand projet de la formation d’un pacte de l’Ouest. Il est regrettable que l’on n’ait pu amener devant le Tribunal quelques témoins qui auraient pu donner ’d’autres détails à ce sujet. La tentative de Röhm échoua. En outre, des différends avec la Reichswehr contribuèrent à sa chute.

Le 30 juin 1934 est la conséquence de cette évolution. La première tentative faite en vue d’écarter la dictature de Hitler avait définitivement échoué. Plus de 200 membres des SA furent fusillés. Depuis lors, Heinrich Himmler devint en Allemagne un roi sans couronne.

Les véritables dessous du 30 juin 1934 ne devaient pas être connus en Allemagne ni à l’étranger, étant donné que cela eût risqué d’ébranler très gravement le prestige de Hitler et ide son Gouvernement. D’où aussi la mise en action de la presse en tant que mécanisme de brouillard artificiel propre à leurrer les masses et d’où ce grand nombre de fusillés qui ne pouvaient plus ou qui ne devaient plus parler. Dans le Parti, il était interdit de parler du 30 juin.

Il est intéressant de constater qu’un chef des SA participa également au 20 juillet 1944, le SA-Obergruppenführer comte Helldorf. Il fut pendu.

Depuis le 30 juin 1934, les SA avaient perdu toute espèce d’importance. Après le 30 juin 1934, les SA furent considérées comme un fardeau gênant et on cessa de leur faire confiance au point de vue politique. C’est pourquoi aucune tâche ne leur fut plus confiée, fait qui a été constaté dans des témoignages entendus devant la commission. Le sort des SA, à partir de ce jour, n’était plus autre chose que la recherche d’une tâche. Officiellement les SA devaient prendre en main l’éducation paramilitaire et le sport.

Mais, en réalité, le Parti chargea les SA de tâches tout à fait subalternes. L’attitude du Parti envers les SA apparaît surtout en 1939. Ce fut Bormann (et le témoin Jüttner l’a clairement exprimé) qui sabota l’ordonnance du 30 janvier 1939 et empêcha les SA de mener à bien, comme il avait été prévu, leur tâche d’éducation prémilitaire. Le témoin Bock a parlé des préparatifs et des débuts d’exécution du programme d’éducation pré-militaire. Mais il a dit aussi que ce travail des SA avait été arrêté. Il fallut attendre la guerre pour voir apparaître ce qu’on a appelé les « Kriegs-SA-Wehrmannschaften » (formation paramilitaire des SA).

Ainsi, les SA n’ont jamais pu participer fébrilement aux préparatifs de guerre, comme. le dit l’Accusation. Il est absolument impossible que, comme l’affirme l’Accusation, 25.000 officiers aient été formés dans des écoles de SA. A ce sujet, l’accusation a été clairement réfutée par les déclarations des témoins Jüttner et Bock. Il y a un fait qui montre à quel point les SA étaient suspectes aux yeux de Bormann : ce n’est pas sur les SA que le Volkssturm, s’est appuyé au moment de sa création. Un des affidavits déposés nous indique la raison de ce fait, c’est que les SA était considérées comme suspectes (Allgemeine SA-67). On peut voir par un signe tout extérieur que les SA était évincées, si l’on se rappelle que Röhm avait été Stabschef et ministre du Reich, Lutze, Stabschef et Reichsleiter et que Schepmann n’était plus que Stabschef.

On a beaucoup discuté dans les commissions sur la tâche des SA concernant le sport paramilitaire. Rien n’a été plus mal compris que cette tâche. L’Accusation dépeint les SA comme une organisation semi-militaire de volontaires, bien que les tâches de la Wehrmacht et des SA fussent clairement délimitées. Des malentendus se sont produits surtout parce qu’il n’existe pas en anglais de traduction exacte du mot « Wehr ». Malgré cela, cette notion peut être expliquée ; le Ministère Public présente lui-même le document PS-2471. Il est dit dans ce document :

« Les SA, dépositaires de la volonté de défense. Les SA prétendent être dépositaires de la volonté et de la force de défense du peuple allemand. Eh insistant sur cette qualité on a peut-être créé des malentendus à l’étranger, en partie du fait que des langues étrangères ne peuvent pas exprimer les notions de volonté de défense « Wehrwillen » ou de force de défense « Wehrkraft » d’une manière correcte, mais la traduisent, faute d’une autre expression, par « volonté de guerre » ou « force de guerre », tandis qu’il faudrait traduire correctement par « volonté de se défendre » ou « force de se défendre ». Car (sich wehren) « se défendre » est une dérivation linguistique d’Abwehr (défense). Celui qui se défend est donc dans tous les cas celui qui est attaqué ; c’est pourquoi supposer des desseins d’agression militaire est un véritable non-sens ».

La Wehrmacht est en définitive la synthèse des forces entraînées et dirigées que constituent tous les hommes valides. A aucun moment, les SA n’ont eu de rapport avec cette éducation militaire et technique donnée dans la Wehrmacht. L’insigne sportif SA a donc été faussement jugé par le Ministère Public. On reconnaît que l’insigne sportif des SA a pour but l’éducation visant à faire du citoyen un homme valide. Et de fait, il est bien dit dans le premier document du 15 février 1935 : « Le nouvel État exige une race dure et résistante ». Dans les dispositions d’exécution jointes au document du 18 mars 1937, il est dit :

« L’éducation physique dans un sens combattit n’est pas une fin en soi, mais le moyen de renforcer intellectuellement et physiquement les Allemands, d’augmenter leurs capacités et de les rendre aptes et prêts à se mettre au service de la nation pour assurer son existence ».

On reconnaît également qu’il existe un parallélisme entre le travail de la Wehrmacht et celui des SA. L’idée était la suivante : les SA éduquent l’Allemand pour en faire un combattant national-socialiste et politique, la Wehrmacht lui donne la formation du soldat en armes ; au point .de vue du caractère et au point de vue technique, elle en fait un défenseur de son pays. Mais c’est aller trop loin que de parler des SA comme d’une troupe militaire. Une association qui certes atteignait plusieurs millions, mais ne faisait que marcher au pas, voilà ce qu’étaient les SA. De temps en temps on exécutait des exercices sur le terrain, mais au cours de ces exercices, il était interdit de se baser sur des exemples militaires ; les SA écoutaient un exposé et comme c’est le cas dans une société de tir, une fois tous les quinze jours, on faisait des exercices de tir avec des armes de petit calibre. C’est pourquoi les SA étaient loin d’être une troupe, même si chaque Sturm (section) avait eu à sa disposition un nombre maximum de 5 carabines de petit calibre, ce qui en général n’était pourtant pas le cas. Jamais les SA n’ont possédé d’armes lourdes, et encore moins, ne se sont exercés avec de telles armes. Les. rapports des SA avec la Wehrmacht étaient en conséquence. A aucun moment elles n’ont été reconnues par la Wehrmacht. Le grade dans les SA, si élevé qu’il fût, n’a jamais eu la moindre influence sur le grade dans la Wehrmacht. Au contraire, il avait souvent pour effet de retarder l’avancement. Les certificats de formation spéciale délivrés par les SA comme le certificat de cavalier, d’infirmier, de radiotélégraphiste, n’étaient pas reconnus dans la Wehrmacht. Il est vraiment plaisant de lire dans les affidavits que les SA d’unités du génie ont été utilisés dans des régiments de transmissions, et des SA de sections de transmissions dans des unités de génie de l’Armée. On constatera les points de détail suivants :

1° L’uniforme SA était le plus impropre qu’on puisse imaginer pour des fins militaires. Je renvoie à ce propos aux déclarations du témoin Bock ;

2° En dehors des carabines de petit calibre déjà mentionnées, seuls poignard et pistolet étaient autorisés. De plus, le poignard n’a été introduit qu’après 1933. Seuls les Sturmführer possédaient des pistolets, et encore n’était-ce qu’une partie des Sturmführer qui avaient le droit d’en porter car, dans ce cas, seules jouaient les conditions habituelles en Allemagne pour le permis du port d’armes ;

3° Dans les SA il n’y avait pas de moyens de transport ;

4° Dans les SA il n’y avait pas de dépôts d’armes lourdes ni d’arsenaux d’armes à feu portatives. On ne pouvait donc pas s’exercer au tir dé ces armes ;

5° Les unités SA ne correspondaient pas aux formations militaires. La composition et la structure des SA n’ont pas obéi à l’idée d’une éventuelle utilisation militaire. A l’exception de la Standarte « Feldherrnhalle », les SA n’étaient pas encasernés. Les compétences de caractère militaire (Wehrmeldeamt et régions militaires) ne cadraient pas avec la répartition des unités SA. Une Standarte à la campagne était par exemple divisée territorialement en une foule de petites unités (Sturm ou Trupp), en nombre indéterminé, que l’on ne peut comparer à un régiment de la Wehrmacht.

6° Une transmission rapide des ordres n’était pas possible ;

7° Des exercices de formation militaires n’avaient pas lieu ;

8° Les formations spéciales SA n’exécutaient aucune tâche militaire. Elles ne possédaient aucun équipement militaire, et n’avaient aucune valeur militaire, ni mission militaire. Les unités SA de cavalerie servaient pour l’équitation ou les transports, les Stürme du génie formaient des équipes de sauvetage en cas de sinistre, les Stürme des transmissions voyaient leur tâche dans la lecture des signaux au cours des manifestations et se servaient pour cela de moyens primitifs, et démodés, sans radio, qui, comme il ressort d’un affidavit, était interdite. Les Stürme sanitaires des SA entraient en action en cas d’accident. Ils avaient en outre leur tâche dans le domaine des services sanitaires. Leur instruction fut faite dans le cadre de la convention de Genève (déclaration Bock, affidavit Allgemeine SA-90) ;

9° Les unités militaires « Feldherrnhalle » ne se trouvaient pas sous le commandement de la Direction suprême des SA, comme il ressort de l’affidavit de l’ancien major général Pape (SA-18).

10° Les dirigeants des SA n’ont pas été sélectionnés d’après des points de vue et des capacités militaires (déclaration Bock). Il ressort de l’interrogatoire de l’accusé von Schirach que les SA étaient incapables de réaliser une instruction militaire. Pendant la guerre on proposa plus d’un projet d’accord afin que les SA missent, comme les SS et la Police, à la disposition de la Jeunesse hitlérienne, des personnes chargées de l’éducation de la jeunesse dans des camps de préparation militaire. Le document USA-867 établit que la Direction supérieure des SA n’a pas donné suite à ce désir. L’accusé von Schirach indique comme raison que les SA n’étaient pas aptes à le faire.

Le Ministère Public a confondu les deux termes « Wehrmannchaften » et « SA-Wehrmannschaften ». Dans les territoires occupés, les « Wehrmannschaften » représentaient la réunion de services civils locaux, qui en général ne s’occupaient que d’administration, mais qui en cas de danger dans les territoires de l’arrière étaient groupés pour leur défense. En outre, dans les territoires occupés, les Wehrmannschaften comprenaient des autochtones tels que Lituaniens, Lettons, Estoniens ou Ruthènes, qui voulaient également se défendre contre les bandes.

Les « SA-Wehrmannschaften », par contre, sont des formations sur le territoire du Reich même, qui devaient réunir surtout les membres des SA, démobilisés après leur service militaire, pour conserver leurs aptitudes militaires. Elles devaient donc remplacer, en quelque sorte, les anciennes associations de combattants.

Le Ministère Public britannique présente (et nous lui en sommes reconnaissants) parmi ses documents d’accusation des articles parus dans le SA-Mann qui montrent ce qu’il faut vraiment entendre par instruction militaire. C’est sans doute à titre de comparaison, pour voir si les SA avaient pratiqué une éducation militaire qu’il cite ces articles qui traitent de l’éducation de la jeunesse anglaise, française, russe et italienne, mais qui prennent en considération celle de la jeunesse des dominions anglais, tout comme celle de la jeunesse française. Il en ressort clairement que le Commandement suprême des SA n’a pas pratiqué cette sorte d’éducation.

Une série d’articles sur ce que l’on appelle l’espace vital devait être le trait d’union entre l’éducation militaire des SA et la guerre d’agression. Depuis, le Ministère Public anglais les a retirés, car ces articles ne font pas ressortir ce qu’il prétend. Les articles sur le problème des colonies qui furent cités par le Ministère Public anglais ne parlent que d’une récupération pacifique des colonies. Il n’y avait aucun esprit belliqueux dans ces articles comme on le montra au cours des interrogatoires devant les commissions. C’est pourquoi le saut que fait le Ministère Public pour prouver que les SA ont provoqué une guerre d’agression est un saut dans le vide. J’ai prouvé au contraire que le Commandement suprême des SA avait tout fait pour contribuer à la bonne entente des nations. C’est ce qu’ont clairement fait ressortir les déclarations du témoin Oberlindober. J’ai également prouvé que les écoles de cadres des SA donnaient seulement une éducation politique et idéologique et non pas militaire. Des affidavits montrent que le Commandement suprême des SA a interdit des chansons, où on aurait peut-être pu voir des tendances agressives. J’ai montré que certains SA, qui avaient essayé de prêcher une guerre de revanche, ont été expulsés des organisations SA.

J’ai enfin .démontré que pour le Congrès du Parti de 1939, la direction des SA a fait des préparatifs, qui étaient opposés à des plans de guerre éventuels. Nous avons également éclairci ce point grâce à la déposition du témoin Dr Geyer, aux affidavits de Koch et Zellenhöfer. Enfin, au cours des interrogatoires devant la commission, nous avons été mis en présence d’un accord entre les SA et la Wehrmacht, qui devait constituer un contrepoids à d’éventuelles tendances militaires et agressives de Hitler, Himmler et Goebbels (affidavit Allgemeine SA-1).

Le Ministère Public a une conception fausse des choses quand il prétend que les SA ont été fondées pour abattre par la terreur les adversaires politiques et frayer ainsi le chemin à une guerre d’agression. Celui qui est au courant de la politique et n’a pas la vue faussée par la propagande s’étonne de voir comment on peut en arriver à avoir une telle conception. Les dépôts d’armes du Parti communiste d’Allemagne officiellement constatés et l’attitude évidente de ce parti parlent un langage clair (document SA n° 287). Le témoin Bock, dans sa déclaration faite devant la commission, a montré les proportions prises par la lutte politique que le parti communiste d’Allemagne et d’autres éléments radicaux de gauche ont menée et qu’ils ont transformée en combats de rue. Bock a prouvé que la fondation de la caisse auxiliaire de la NSDAP était nécessaire pour venir en aide aux victimes que la terreur du radicalisme de gauche avait causées dans les rangs de la NSDAP. Rappelons que ce fut le parti communiste allemand qui considéra la guerre civile, la grève générale, la grève politique massive comme des moyens nécessaires de lutte politique. C’est ce que montre la décision du tribunal d’État pour la protection de la République allemande, que j’ai présentée au Tribunal dans mon livre de documents. (SA-285). Le fait que cette terreur politique ait eu lieu dans le cadre de la révolution mondiale, ressort également d’une décision du tribunal d’État pour la protection de la République allemande. C’est à cela que le témoin Jüttner a fait allusion lorsqu’il a parlé du pacte défensif des pays occidentaux dirigé contre les aspirations de révolution mondiale. Il est prouvé que cette terreur s’insérait dans le cadre d’une révolution mondiale (document SA-286), dans le cadre où, d’après son propre aveu, l’Internationale communiste déclencha les révolutions en Finlande, en Autriche, en Hongrie, en Bulgarie et en Syrie. Il n’est pas exagéré de dire que sans la théorie marxiste de la lutte des classes et les événements qui sont à l’origine de cette théorie, les principes qui ont exigé la protection d’un mouvement d’idées par les SA n’auraient certainement jamais vu le jour. C’est également le point de vue du témoin Gisevius quand il dit :

« Les SA naissent pendant cette époque d’après guerre, où, en Allemagne, la révolution est en train, ou a déjà commencé. C’est, si l’on veut, le dernier sursaut du mouvement spartakiste de 1918. La pression rouge provoque une réaction brune. La forme extérieure que prend cette réaction, ce sont les SA ».

De son côté, le Ministère Public a présenté des documents irréfutables du SA-Mann qui n’était pas un organe officiel de la direction des SA, mais qui contient à ce propos des preuves indiscutables, montrant de quel côté se trouve la terreur et c’est certainement du côté du parti communiste. Je ne veux pas nommer en détail les articles qui en parlent. Je voudrais simplement signaler le document du Ministère Public PS-3050 dans lequel sont reproduits des articles du SA-Mann, du reste déformés par le Ministère Public et séparés de leur contexte (voir aussi les déclarations Klähn et Bock devant la commission).

COLONEL POKROVSKY

Monsieur le Président, l’avocat de la Défense a recours, en qualité de preuve, à des documents qui n’ont jamais été présentés par le Ministère Public. Je proteste énergiquement contre une telle méthode de défense du Dr Böhm, qui essaye d’apporter, dans ses éléments de défense, des idées fascistes et nationales-socialistes. Je demande que la lecture de l’alinéa suivant ne soit pas autorisée ; dans le texte russe c’est le premier alinéa de la page 29. Je voudrais attirer l’attention du Tribunal sur le fait qu’il y a là une déformation très nette des faits. Le document PS-3050 a été effectivement présenté, mais c’est tout un ensemble de journaux SA, non officiels, de recueils du SA-Mann .

D’après les décisions du Tribunal, le défenseur pourrait s’il le voulait se rapporter à une partie quelconque de ce document comme les autres défenseurs. Il pouvait ainsi présenter cette partie du document PS-3050 qu’il aurait voulu citer au cours de sa plaidoirie ; il ne l’a pas fait. Il reproche au Ministère Public le dépôt de documents que ce dernier n’avait pas l’intention d’effectuer. Et ce n’est pas juste. Il me semble que l’avocat ne doit pas se référer à ce premier alinéa de la page 29.

LE PRÉSIDENT

Je ne comprends pas très bien votre objection. J’ai devant moi une traduction qui déclare que ce document provient de l’Associated Press, comme on l’a démontré devant la commission, et je comprends que ce document a été présenté par le Ministère Public. Est-ce exact ?

COLONEL POKROVSKY

Le document PS-3050, Monsieur le Président, selon les données dont je dispose, représente un recueil du journal allemand SA-Mann pour les années 1934 à 1939. Une partie des questions traitées par ces journaux ont été reprises par le Ministère Public, mais je croyais que si le défenseur voulait citer une partie des questions qui ne l’avaient pas encore été, il était obligé de le faire en présentant les documents, sans quoi il ne devait pas les citer. C’est ainsi que nous comprenons cette question. Il s’agit de citation du journal SA-Mann .

LE PRÉSIDENT

Mais le Tribunal n’a-t-il pas établi dès le début que les accusés pouvaient utiliser n’importe quelle autre partie du document admis par le Tribunal, même si le Ministère Public n’en avait présenté qu’une partie. Vous parlez bien d’un autre passage d’un document qui a été présenté par le Ministère Public, n’est-ce-pas ? Et c’est bien la même situation que celle que le Tribunal avait envisagée ?

COLONEL POKROVSKY

Le Ministère Public se souvient de cette décision du Tribunal, Monsieur le Président, mais il la comprenait comme je viens de vous l’exposer. Nous estimons, et notre point de vue est confirmé par la pratique précédente de la Défense que, pour le présent, le défenseur aurait dû déposer la partie qui a déjà été soumise en qualité de preuve par le Ministère Public, mais ne l’a pas été. Le Dr Böhm ne l’a pas fait.

M. BÖHM

Monsieur le Président, me permettez-vous de m’expliquer ?

LE PRÉSIDENT

Non. Colonel Pokrovsky, il ne dit pas que ce document a été utilisé par le Ministère Public, il déclare qu’il veut s’y référer et je considère qu’il est parfaitement admissible de se référer ainsi à une autre partie de ce document.

COLONEL POKROVSKY

Je pense, Monsieur le Président, que la manière d’utiliser le document de la part de la Défense n’est pas un moyen auquel elle doit recourir, justement pour la raison que je viens d’exposer au Tribunal. Je voudrais dire encore que je considère qu’il était obligé, lors du dépôt de ses moyens de preuve, de déposer également cette partie du document PS-3050.

LE PRÉSIDENT

La partie du document dont il parle est une partie du document que le Ministère Public n’a pas utilisée précédemment. Ce que vous désiriez a été réalisé.

COLONEL POKROVSKY

C’est exact ; vous avez parfaitement raison, Monsieur le Président ; je vous remercie.

LE PRÉSIDENT

Continuez, Docteur Böhm.

M. BÖHM

Monsieur le Président, lors de mes explications, je me suis référé au document PS-3050 qui a été présenté non par moi, mais par le Ministère Public. En sortir des articles serait un travail qui demanderait, comme devant la commission, une journée entière. Le document PS-3050 comprend beaucoup d’articles, mais je ne vois aucune objection à les énumérer. Je n’avais pas à les numéroter puisque ce n’est pas moi qui les ai présentés ; c’est pourquoi je n’étais pas obligé de le faire. Je vais donc continuer. Le Ministère Public a également présenté des documents provenant de l’Associated Press, ainsi qu’on l’a prouvé lors d’une séance de la commission, dans lesquels on voit la lutte politique dans le cadre des tendances révolutionnaires. Je vous rappelle l’article : « Le danger rouge à l’Est », et la caricature : « Staline veut la révolution mondiale, Budjenny a déjà senti le rôti », présentés par le Ministère Public.

En conclusion, la Défense voudrait se reporter aux consignes du parti communiste sur les batailles de rues. C’est pourquoi je vous fais remarquer l’ordre exprès de la direction des SA qui ’dit que toutes armes, quelles qu’elles soient, sont interdites aux SA et que la violation de ces prescriptions sera punie par le renvoi du corps des SA. Je me réfère aussi aux déclarations du témoin Dr Kurt Wolf qui a dit que cette interdiction du port d’arme a eu pour conséquence un grand nombre de victimes parmi les SA. Le témoin a dit que le nombre des morts de la NSDAP a été plus élevé que celui du parti communiste. Il a aussi expliqué que les SA, contrairement à ce qui se passait chez les radicaux de gauche, ont toujours subi des inspections de la part de leur chef responsable qui vérifiait s’ils portaient des armes. Je renvoie également aux affidavits de Freund, Zöberlein et Hahn. Ils décrivent clairement la situation telle qu’elle était réellement. Les témoignages montrent à plusieurs reprises qu’avant 1933 nous étions à deux doigts de la guerre civile. Les excès qui ont réellement été commis en 1933 s’expliquent par cette psychose de guerre civile. C’est ce que montre la déclaration de l’ancien secrétaire d’État Grauert.

M. Gisevius, parlant de cette période (comme je l’ai exposé dans le document SA-301), dit : « Si l’on jette un coup d’œil rétrospectif sur cette première phase de la Révolution on peut dire avec certitude qu’elle a coûté un’ nombre de victimes relativement peu élevé. »

II reconnaît ensuite dans le document SA-302 :

« Au fond, c’est seulement une toute petite clique qui s’est rendue coupable d’excès. »

Dans son témoignage devant le Tribunal, il met à part, plusieurs fois, la grosse masse des SA. Les témoignages ont aussi clairement montré que la direction des SA intervint chaque fois que des excès lui furent connus. L’affaire Vogel montre que ce fut le cas. C’est surtout ce que montre la déclaration faite par l’ancien préfet de Police Habenicht au sujet du camp situé près de Wuppertal. Une collaboration étroite entre Grauert et la direction des SA permit d’éliminer les éléments qui avaient commis des excès. M. Diels, que le Ministère Public présente comme témoin à charge, parlant du cercle de Berlin, dans son affidavit concernant les SA, se limite aux sections de renseignements sorties de l’État-Major d’Ernst. Nous savons d’autre part, d’après l’affidavit collectif, que le chef SA tristement célèbre sous le nom de « Schweinebacke », fut exclu des SA et condamné à une sévère peine de prison pour avoir extorqué de l’argent à un Juif. Les témoignages de Burgstaller et de Jüttner montrent que les SA n’ont pas pris une attitude extrémiste dans la question raciale ; car s’il en était autrement, des Juifs baptisés n’auraient jamais été acceptés dans les SA à Berlin et jamais on n’aurait fait des baptêmes de Juifs en présence de SA en uniforme. Le témoignage de Diels montre que les SA de Berlin n’étaient pas antisémites. Il fait expressément ressortir que la propagande antisémite avait été l’affaire de M. le Dr Goebbels. Nous possédons également la déclaration du Dr Menge qui a déclaré qu’à Varsovie des magasins juifs ont été protégés par des sections de SA, et qu’en compensation les propriétaires juifs de ces magasins ont mis des bons d’achat à la disposition des membres SA (affidavit Allgemeine SA-1). D’après les déclarations collectives sous la foi du serment, nous voyons en outre que, dans d’autres villes également, des maisons et des magasins appartenant à des Juifs ont été protégés par des SA contre les pillages. D’après le témoignage du témoin Jüttner, nous voyons que l’attitude de la Direction suprême SA coïncide avec celle du célèbre professeur juif Karo qui se prononce contre les Juifs d’Europe orientale. Cette hostilité contre les Juifs d’Europe orientale est une conséquence de la première guerre mondiale, époque où d’innombrables Juifs quittèrent la Galicie pour venir en Allemagne.

Les incidents qui eurent lieu à l’occasion du 9 novembre 1938 sont un des points les plus importants à la charge des SA ; la prétendue dépêche du chef de la brigade « Kurpfalz » joue ici un grand rôle. De toutes les circonstances qui entourent cette prétendue dépêche d’exécution (PS-1721), il résulte qu’il s’agit ici d’un faux fait sans habileté. A l’appui de cette affirmation, nous avons cité les témoins Lucke et Fust, que malgré les efforts faits pendant des mois par le Secrétaire général on n’a pu faire venir à Nuremberg, bien que la Défense eût indiqué les camps dans lesquels ils se trouvaient.

LE PRÉSIDENT

C’est une remarque ou une suggestion de votre part qu’il n’était pas indiqué de faire. Le Secrétaire général a pris toutes les dispositions possibles pour faire venir les témoins dont les noms ont été donnés. Il n’existe aucune preuve démontrant que les témoins dont vous parlez se trouvaient dans les camps que vous avez indiqués. Vous pouvez continuer.

M. BÖHM

Je prends maintenant position sur le document PS-1721.

1° Jamais, dans la correspondance des SA, il n’est arrivé que dans le cas d’une dépêche d’exécution, l’ordre donné eût été répété dans sa teneur.

2° L’ordre du chef de groupe « Kurpfalz » contiendrait, selon l’Accusation, la formule : « Sur l’ordre du Gruppenfuhrer ». En admettant qu’un ordre ait été donné, la formule serait : « On ordonne », ou bien « Le groupe ordonne », mais en aucun vas on ne peut avoir :

« Sur l’ordre du Gruppenfuhrer ».

3° L’expression « synagogues juives » n’existe pas en allemand. Cette expression « synagogues juives » n’existe pas non plus dans la bureaucratie du Parti. Le mot synagogue inclut déjà la notion de Juif. La notion d’« aryen » n’est également pas à sa place dans le contexte. Si l’ordre était authentique, on aurait parlé dans ce passage de « camarades allemands » (Volksgenossen) par opposition aux « Juifs ».

4° « Émeutes et pillages sont à éviter » est-il dit ensuite. La situation dans l’Allemagne de 1938 était telle que personne, et pour sûr aucun chef de groupe ou de brigade, n’aurait pensé à une telle émeute, encore moins aurait-il mis ces mots dans un ordre à propos de telles circonstances.

5° « Compte rendu d’exécution jusqu’à 8 h. 30 au chef de brigade ou au service » est-il dit dans le soi-disant ordre. En. aucun cas le groupe n’ordonnait un compte rendu d’exécution à la brigade qui recevait l’ordre, mais seulement au groupe. Il aurait fallu, d’après le sens : « Au Gruppenfuhrer. »

6° Il est tout aussi invraisemblable que le chef de la brigade n’ait pas transmis l’ordre ou n’ait pas donné de lui-même des ordres aux chefs des Standarten, mais qu’il ait seulement « mis au courant les Standartenführer et leur ait donné des informations de la plus grande précision ». Il n’y a jamais eu dans les SA de compte rendu d’exécution rédigé dans ce style de roman.

7° Dans la dépêche, il est dit : « ...et commencer immédiatement l’exécution ». Cette façon de formuler est, elle aussi, dénuée de toute vraisemblance. Le chef de la brigade annonce d’ans la phrase précédente qu’il a mis immédiatement au courant ses Standartenführer. Il aurait alors été tout naturel (et aucun chef SA n’en aurait plus fait mention dans sa dépêche), que l’on commençât aussitôt à appliquer (non pas à exécuter), l’ordre.

Au cours de l’interrogatoire du témoin Jüttner, l’Accusation a voulu sauver le document en disant que le cachet de la lettre de Jüttner (PS-1721) et celui de la dépêche adressée au groupe (PS-1721) étaient identiques. Mais on a constaté que les signes manuscrits proviennent de différentes personnes.

LE PRÉSIDENT

Nous allons suspendre l’audience.

(L’audience est suspendue.)
M. BÖHM

Monsieur le Président, Messieurs les juges, j’ai parlé des points qui ont été présentés pour réfuter la véracité du document PS-1721. Je continue donc : Cela seul ne serait pas concluant, si je ne possédais pas les déclarations sous la foi du serment du Gruppenführer du groupe Kurpfalz 2 et du membre de l’État-Major du groupe Zimmermann présent en son temps. Ces déclarations disent qu’un ordre tel que le prétend l’Accusation n’a jamais été donné. Si un tel ordre n’a jamais été ’donné, il ne peut pas non plus y avoir de dépêche d’exécution. Il est en outre démontré sur la base des déclarations sous’ la foi du serment du recueil collectif, qu’un ordre dans le sens de l’Accusation n’a pas été donné aux Standarten de la brigade 50. C’est ce que nous montrent les Standarten 115, 221, 126, 168, 145. Toutes ces Standarten faisaient partie de la brigade 50. Toutes ces Standarten n’ont pas reçu un ordre sinistre de ce genre, comme l’affirme l’accusation. De plus, il a été prouvé par la déclaration de l’ancien Obergruppenführer Mappes, que Lutze a donné des ordres contraires à l’ordre du Dr Goebbels. Il a donc été prouvé que le Commandement suprême des SA a interdit la participation à l’action de Goebbels. Il a été constaté que ce contre-ordre a atteint sûrement les groupes suivants : Ostpreussen, Mitte, Hochland, Hessen, Niedersadisen (affidavit Allgemeine SA-90). De même on indique dans un affidavit comment Lutze s’est comporté lorsqu’il a appris les événements du 9 novembre 1938 (affidavit Allgemeine SA-71). Comme cela est prouvé par la déposition de Siebel, Lutze interdit pour l’avenir, à la suite des événements du 9 novembre 1938, l’exécution des ordres de la direction politique. Lutze donna cet ordre, parce qu’il avait constaté qu’à l’occasion du 9 novembre 1938, on avait abusé de Stürme SA ou de membres isolés des SA (affidavit SA-80). Si des excès ont été commis avec la participation de membres des SA, ces excès ne permettent nullement à l’Accusation de demander un jugement qui déclarerait les SA criminelles Puisque le contre-ordre donné par Lutze est prouvé, ces événements se sont produits en dehors des SA. Nous voyons par la déclaration faite par Edgar Steizner sous la foi du serment comment des Führer isolés des SA ont été opposés à cette action (affidavit Allgemeine SA-89). Ainsi beaucoup d’unités des SA eurent une attitude correcte. Il y a des districts entiers où rien ne s’est Produit.

Dans le résumé statistique et collectif ’des affidavits, j’ai montré, que les synagogues suivantes ont été préservées de la destruction grâce à des membres des SA : Bebra, Hoechstedt, Waldburg, Sau-beiin, Grossumstadt, Buckeburg ; de plus, des tentatives ont été faites par des SA pour sauver les synagogues de Marbourg et de Giessen. Du reste, la plus grande partie des districts ruraux ne possédaient pas de synagogues et n’avait pas de Juifs. D’une façon générale, dans ces districts aucune persécution antisémite n’eut lieu. Ainsi, les SA rurales échappent tout simplement au point de l’accusation dont il est question ici. Il me paraît superflu de souligner que la grande majorité des membres des SA était opposée à ces excès. J’ai parlé des différends que la direction ’des SA eut avec la rédaction du journal SA-Mann , et avec la maison d’édition Eher, au sujet des articles parus dans ce journal : ces différends permettent de voir comment la direction des SA considérait la question juive. La direction des SA était opposée à ces articles, mais n’avait pas le pouvoir d’obtenir satisfaction. La position prise dans la question juive est complètement éclairde, quand on sait que dans différents groupes, la direction des SA a expressément interdit la lecture du Sturmer. Ce fut par exemple le cas du groupe Nordmark (déclaration Klähn, déclaration Jüttner).

La position prise par la Direction suprême des SA dans la question des Églises est très nette. Il ressort des déclarations du vicaire général Dr David, du curé Burgstaller et du conseiller du consistoire Dr Rathke, que le reproche d’intolérance religieuse adressé par l’Accusation aux SA est injustifié. La très grande majorité de tous les membres des SA appartient encore aujourd’hui à une confession chrétienne.

Des prêtres protestants servaient dans les rangs des SA, comme par exemple l’évêque régional Sasse de Thuringe. Cela montre que le commandement des SA n’a pas exercé de pression pour que les membres quittent l’Église. Ce fait ressort avec une netteté absolue de nombreux affidavits. Je me permets de rappeler que le cardinal comte Galen était accompagné par des SA au cours de ses tournées diocésaines, et que dans d’autres arrondissements, il y avait une interdiction générale pour les SA d’assurer leur service aux heures des offices et à proximité des églises ; on sait également que les SA avaient des services religieux de campagne. En 1933, ce furent les SA qui assurèrent le service de garde lors de l’exposition des vêtements du Christ à Trêves (déposition du Dr David). Lors du contre-interrogatoire du Dr David, la Défense a démontré que dans la fameuse affaire de Freising, où le sermon du cardinal Faulhaber devait être capté par des écouteurs, le commandement des SA avait entrepris une action en vue de punir les auteurs de ces abus.

En ce qui concerne la participation des SA à la garde des camps de concentration et dans la Police ou ses services auxiliaires, l’Accusation n’a cité que des cas isolés. Ainsi selon l’Accusation même, les SA ne sont pas associés aux charges relatives aux grands camps de concentration comme Auschwitz, Maidanek, Belsen, Dachau et Buchenwald. Dans le cas de Vogel, les intéressés ont été l’objet d’une sanction. Le malentendu suscité par l’affidavit Schellenberg a été éclairci par la déclaration sous serment de Gontermann (Affidavit Allgemeine SA-16). Schellenberg a confondu, à Londres, le service détaché dans les camps de concentration et la Police avec le service affecté à la garde des villes et des campagnes.

Il est exact qu’après le 30 janvier 1933, dans quelques régions, un certain nombre de policiers et d’auxiliaires furent affectés à des tâches diverses. Une partie de ces hommes fut prélevée dans les SA : a) Parce que l’on désirait s’entourer de certaines garanties du point de vue politique ; b) Parce qu’il y avait, parmi les nombreux chômeurs SA des candidats à des postes de la Police ou des services auxiliaires.

En ce qui concerne les SA qui choisissaient une nouvelle profession, par exemple celle de policier, il s’agissait uniquement d’hommes qui exerçaient cette profession. Lorsqu’ils étaient provisoirement employés comme auxiliaires de la Police, ce qui constituait souvent en même temps une période d’essai avant leur engagement définitif dans la Police, ils n’étaient plus soumis à l’autorité des SA, mais à celle du service de Police compétent. A ce moment-là, ils gardaient encore parfois pendant quelque temps l’uniforme des SA, mais uniquement à cause du manque d’uniformes, et portaient un brassard « Police auxiliaire ». Ils se faisaient établir un laissez-passer délivré en conséquence par la Police, le Landrat ou toute autre autorité. Ils recevaient leur congé des SA pour la durée de leur affectation, si bien qu’ils s’en trouvaient extérieurement détachés et que les SA perdaient ainsi toute possibilité d’exercer une influence quelconque. L’intéressé n’agissait donc jamais dans ce cas, en qualité de SA. L’uniforme à brassard qu’il conservait quelquefois pendant un certain temps était le seul lien, de caractère purement extérieur, qui subsistait avec les SA, et qui ne peut être considéré comme déterminant. Ce port de l’uniforme d’une organisation dans un but et une affectation étrangers à ladite organisation était un fait fréquent dans les SA et les autres organisations, par exemple dans la Wehrmacht ou le Volkssturm. Le brassard permettait de donner à l’uniforme, voire même au costume civil, et cela selon le Droit international reconnu, le seul caractère de la nouvelle affectation, qui n’avait plus rien à voir avec les SA.

Les divers reproches adressés aux SA en ce qui concerne les camps de concentration, les services de Police et de Police auxiliaire, ne peuvent se rapporter qu’à ces rapprochements purement extérieurs, que le port de l’uniforme a fait à tort imputer aux SA. Car ce n’était pas la direction des SA, mais l’État qui détenait l’autorité de commandement.

L’Accusation a tenté de réfuter cette argumentation dans le contre-interrogatoire de Jüttner, en introduisant des documents qui prouveraient que les SA auraient pris part aux atrocités commises dans les territoires occupés ainsi que dans les camps de concentration et de travail forcé. Elle n’y est pas parvenue.

Il a été établi sans équivoque qu’il avait été interdit au Commandement suprême des SA de détacher des unités SA dans le « Reichskommissariat Ostland », c’est-à-dire en Lituanie, Lettonie et Estonie. L’Accusation a confondu ici le groupe SA Ostland, formé en Prusse Orientale, avec le Reichskommissariat Ostland, créé à une date ultérieure. Les cas de Schaulen, Kovno et Vilna, d’ailleurs. avaient déjà été imputés par l’Accusation à une autre organisation. Les commissaires territoriaux (Gebietskommissare), les commissaires régionaux (Landkommissare) et les fonctionnaires du Reichskommissariat Ostland n’étaient pas plus placés sous l’autorité du Haut Commandement des SA que les Obergruppenführer SA Killinger et Kasche qui y avaient été envoyés. L’accusé Ribbentrop a clairement élucidé la chose. Le cas Ilkenau a été tranché en faveur des SA par l’affidavit de l’accusé Frank.

Dans le contre-interrogatoire de Jüttner, la prétendue violation die la justice, qu’a fait ressortir Sir David, a joué un rôle spécial. Elle n’est pas l’affaire des SA, mais celle du ministre compétent.

En outre, l’affaire du camp de concentration de Hohnstein est passée au premier plan. Au cours du contre-interrogatoire on a pu prouver qu’ici il ne s’agissait pas d’un camp uniquement destiné aux adversaires politiques. De vieux militants politiques y étaient internés. Du reste, les autorités judiciaires ont pris en mains l’affaire du camp de Hohnstein sur une dénonciation du Gruppenführer SA Killinger, alors qu’il commandait encore le groupe SA Saxe ; c’est un procédé d’un nouveau genre que de reprocher aux SA des cas qu’elles ont elles-mêmes dénoncés pour les faire sanctionner. A ce propos, il est intéressant que l’Accusation ait pré-sente un document incomplet où manquent les lettres de Lutze et de Hess, dans lesquelles la défense des SA, d’après les informations qui lui sont parvenues, aurait pu trouver des éléments favorables.

Pour pouvoir démontrer le caractère criminel des SA, le Ministère Public s’est procuré des affidavits d’anciens adversaires politiques de la NSDAP ; parmi ceux-là se trouvent les affidavits du président, Dr Wilhelm Högner, et du Procureur général, Dr Staff de Brunswick. Ils ont été produits sur l’ordre du Gouvernement militaire, ainsi qu’il ressort de l’affidavit du Dr Staff. Les deux derniers ont été présentés par la Défense. Il a déjà été établi devant le Tribunal que le Dr Högner a commis plusieurs erreurs. Sa description de la marche sur Cobourg est absolument fausse. En réalité, ainsi que le témoin Jüttner et l’affidavit Zöberlein (affidavit Allgemeine SA-21) l’ont établi, les choses se sont déroulées de la manière suivante : Une société allemande (Schutz- und Trutzbund) fut contrainte par l’administration municipale alors en fonctions de tenir une séance à huis clos. La NSDAP fit valoir le droit de liberté de réunion, assuré à tous par la Constitution. C’est pourquoi un détachement de sécurité se rendit à Cobourg. Au moment où il quittait la gare, il fut attaqué dans la rue par des gens des organisations de gauche, armés de tuyaux de plomb, de planches ferrées. Il a surtout été démontré que les déclarations du Dr Högner selon lesquelles, en Bavière, les SA auraient été instruites par la Reichswehr, ne peuvent être exactes. C’est le général Lossow de la Reichswehr de Munich qui fit échouer le putsch de Hitler. Comme l’a dit le témoin Jüttner, les dépôts d’armes, ouverts avec l’autorisation de la commission interalliée, étaient accessibles à toutes les organisations sauf aux SA. Il est également faux de prétendre que Ludendorff avait été choisi pour déclencher la guerre nationale contre la France à une époque où, en Saxe, des émeutes communistes faisaient rage et où Ludendorff avait essayé dès 1921 d’obtenir un rapprochement avec la France. Ses efforts conduisirent à la fin de 1923, à un projet : le plan Foch. Si nous considérons que dans la maison des syndicats de Munich se trouvaient des dépôts d’armes des organisations de gauche, l’occupation de la maison des syndicats prend un tout autre aspect. Le Dr Högner prétend que les SA ont eu une part dans les persécutions antisémites, tandis que le témoin à charge Diels, présenté par le Ministère Public, indique que les SA n’étaient pas antisémites. Le Dr Högner se met aussi en contradiction avec le prêtre Burgstaller qui insiste tout particulièrement sur l’indifférence des SA dans la question raciale. On peut admettre simplement qu’au cours de l’occupation de la poste de Munich des excès ont été commis. Mais de telles choses se produisent dans toutes les révolutions ; que l’on se souvienne seulement de certains événements de 1918-1928.

L’affidavit du Dr Staff de Brunswick montre quelle fut, objectivement, la situation réelle. Il y est dit notamment :

« L’action des SA a pris une forme qui, vue du point de vue d’un juriste d’un pays civilisé, peut être désignée comme illégale, mais qui cependant n’a pas entraîné des excès en dehors des mesures par elles-mêmes illégales. »

Sous le numéro Allgemeine SA-82, j’ai présenté en outre un affidavit du Dr Priese. Comme il ressort de ce document, le Dr Priese est, en sa qualité de membre du parti communiste allemand, expert auprès des tribunaux et il a donné cet affidavit en accord avec le ministre pour la libération politique ; son jugement indique que les SA ne peuvent être considérées comme organisations criminelles d’après l’article 6 du Statut.

Par suite de l’enrôlement massif dans les rangs des SA après le 30 janvier 1933, le prétendu « ensemble homogène » de la NSDAP se désagrégea encore plus qu’avant cette date. On vit arriver dans les SA des gens appartenant à des milieux allemands dont les aspirations et les buts n’avaient rien à voir avec les buts des SA. Il ressort de l’affidavit de Diels que, par exemple, dans les SA de Berlin, des communistes furent admis en masse. De l’ensemble des dépositions, il ressort que ce fut également le cas dans les autres villes. A ce propos, il faut également se reporter à l’incorporation de l’ensemble des organisations de jeunesse protestante dans la Jeunesse hitlérienne au cours de l’année 1933, organisations qui passèrent ensuite dans les SA.

Le Dr David, vicaire général, a déclaré que ce fut aussi le cas dans de larges milieux de la jeunesse catholique. Les buts qu’envisageaient les personnalités dirigeantes en effectuant ce transfert ressortent clairement de la citation de la Revue mensuelle académique de juin 1933 (SA-317) où il est dit :

« Partant de la reconnaissance de ce fait, il nous appartient, par un travail en commun honnête, avec toutes les forces vives de notre peuple et avec une ferme conviction, de créer du nouveau et du mieux et d’éviter le pire ; c’est pourquoi nous voulons introduire dans la nouvelle Allemagne l’ensemble de notre patrimoine spirituel catholique, nos idées chrétiennes conservatrices aussi bien que les énergies chrétiennes à tendance évolutionniste, former son esprit avec le nôtre et l’approfondir. »

Par une condamnation des SA, la déclaration de criminalité atteindrait également des hommes qui n’avaient aucun point de contact avec l’esprit de la NSDAP et qui, en partie, devaient freiner le côté extrémiste du mouvement.

Un grand nombre d’hommes furent mutés, par ordre, du Stahlhelm dans les SA au cours des années 1933-1934. Ainsi qu’il a été précédemment établi, les SA de tradition ne comptaient à l’origine que 300.000 membres. Le Stahlhelm. par contre, disposait de plus de 1.000.000 de membres qui, par leur attitude et leur conception de l’existence, se distinguaient .pour la plupart des SA de l’époque des luttes. Au cours des débats du 28 février au 2 mars 1946, le Ministère Public a déjà proposé d’exclure, entre autres, la réserve SA de la déclaration de criminalité.

Sur l’ordre du Commandement suprême SA (Hitler) du 5 novembre 1933, on forma la première réserve des SA avec les « Casques d’acier » âgés de 36 à 45 ans qui furent ensuite, selon l’ordre du 25 janvier 1934 de la même autorité, placés sous les ordres des chefs de groupes SA et mutés dans les SA sous la désignation première réserve SA (documents n° 13 et 17 du livre de documents SA « Casques d’acier »). Une partie de cette première réserve SA subsista jusqu’à la fin de la guerre et doit donc être exclue de la déclaration de criminalité. Une autre partie de cette première réserve SA a été assimilée, au cours des années, aux SA actives en qualité de petit groupe de réserve. Le reste fut incorporé au fur et à mesure dans les SA actives au cours des années postérieures à 1934.

Ces mutations s’effectuaient soit d’après les listes soit d’après des ordres individuels. Le motif de ces mutations était en partie d’ordre technique, comme des concentrations locales ’du fait de la guerre, lorsque les effectifs des SA se réduisaient au fur et à mesure de l’appel sous les drapeaux. Fréquemment ces mutations ont eu lieu pour permettre un meilleur contrôle dans les SA. Il ne serait donc pas équitable et il serait incompréhensible de ne pas traiter ce dernier groupe comme les premiers et de laisser le hasard maître du sort des membres du Stahlhelm qui sont restés dans les SA jusqu’à la fin de la guerre.

Les membres du Stahlhelm incorporés aux SA en 1933-1934 y ont été incorporés sur ordre de Hitler. De ce fait ils ne peuvent être déclarés criminels selon les paragraphes 6 a, 2 et 6 b, de la décision du Tribunal du 13 mars 1946. A ce sujet, je renvoie aux explications juridiques de mon distingué confrère, le Dr Klefisch, du 15 août 1946. Elles mentionnent que les personnes involontairement incorporées dans’ une organisation sont considérées comme non coupables et comme n’ayant pas eu l’intention de soutenir les buts et les activités de l’organisation. Le reproche de culpabilité ne peut leur être fait, même dans le cas où il leur aurait été possible de quitter l’organisation.

La mutation se fit ainsi : Le 27 avril 1933, le Stahlhelm entier fut soumis par le Bundesführer Seldte aux ordres de Hitler. Le 21 juin 1933, le Jungstahlhelm, et le 4 juillet 1933, le Stahlheim entier furent subordonnés au Commandant suprême des SA et cela sur ordre de Hitler. Sur ordre du 4 juillet 1933, le Jungstahlhelm et les unités sportives, plus tard appelées Wehrstahlheim, c’est-à-dire les membres du Stahlhelm jusqu’à leur 35e année, furent incorporés aux SA actives (documents 1, 6, 7).

L’intégration du Kernstahlhelm, c’est-à-dire des membres âgés de 36 à 45 ans, se fit comme je l’ai déjà dit, le 25 janvier 1934. La mutation et l’intégration aussi bien du Wehrstahlhem que du Kernstahlhelm se fit sans qu’il fut demandé leur avis aux membres, en partie par la publication des ordres lors des appels, en partie par la remise de listes, en partie par la remise de livrets, de membres des SA, souvent antidatés. Ce fait est prouvé par les affidavits présentés et par les témoignages de von Waldenfels, Hauffe et Gruss.

Les ordonnances de Hitler après le 1er décembre 1933 (loi sur l’unité de l’État et du Parti) doivent indubitablement être considérées comme des ordonnances légales ; les ordres et ordonnances qui furent publiés précédemment portent pratiquement le même caractère et ont été sanctionnés par la loi du 1er décembre 1933 et par les ordonnances et décrets d’application ultérieurs.

Le transfert du Stahlhelm ne se fit pas sans heurts. Dans beaucoup de cas, il y eut coercition. Des milieux importants de l’organisation n’étaient pas d’accord avec la subordination des « Casques d’acier » ou avec cette collaboration. Ce fut surtout Dùsterberg qui s’y opposa, et il peut être considéré comme le chef de l’opposition à la politique de Seldte. Les conséquences de son attitude furent son arrestation et les nombreuses arrestations de membres des « Casques d’acier » au printemps de l’année 1933, opérées par la Police d’État, surtout à Brunswick.

Les membres des « Casques d’acier » qui n’acceptèrent pas le transfert furent contraints au service par les organes de l’État et furent punis dans certains cas (affidavit 1, al. 3, 2 et témoignages de Hauffe et von Waldenfels).

De même que les SA se disloquèrent à la suite des événements d’avant et d’après 1933 par l’afflux d’hommes dont les buts étaient les plus divers, les « Casques d’acier » se désintégrèrent, à la suite des événements ’de 1933 qui eurent des conséquences si graves, si terribles pour le peuple allemand. Les « Casques d’acier » cessèrent d’exister.

Pour une partie de ses membres, il avait été important qu’on leur assurât ce qui leur avait été formellement promis, lors de leur transfert : une certaine autonomie sous la direction de leurs propres chefs et avec le port de leurs uniformes, de même qu’une liaison avec la ligue des « Casques d’acier ». Cela ressort de presque tous les documents, affidavits, déclarations des témoins. Lorsqu’il s’avéra que ces promesses n’étaient pas tenues, la résistance du groupe d’opposition contre Seldte se raffermit. La direction nationale-socialiste de l’État désignait ce groupe comme dangereux du point de vue politique et réactionnaire. Ce fait est confirmé par les affidavits et les déclarations de témoins et particulièrement dans les rapports de presse versés au dossier, qui ne représentent qu’une faible partie des rapports qui existent dans le même sens (documents 32, 33, 35, 36, 37, 39, 40, 48, 51, 53, 54, 55). Dans la NSZ Rheinfront du 22 juillet 1935, on lit :

« Les « Casques d’acier » n’ont intérieurement jamais été nationaux-socialistes ».

Dans un autre journal du 30 juillet 1935, il est dit :

« On pouvait être certain de rencontrer les « Casques d’acier » partout où l’on rencontrait les adversaires du mouvement »

Un autre journal du 8 août 1935 désigne les « Casques d’acier » comme « réceptacle des forces d’opposition et réactionnaires ».

On remarque que la majorité des membres des « Casques d’acier » transférés dans les SA restèrent membres de la ligue des « Casques d’acier » ou ce qu’on appela plus tart le NSDFB. Conformément aux ordonnances des 14 juillet 1933 et 27 janvier 1934 (document 8 et 18), on avait formellement autorisé l’appartenance des « Casques d’acier » aux deux organisations.

Nous renvoyons de plus au document n° 21, d’après lequel le service de presse de la direction des SA fait connaître le 25 avril 1934 que :

« ... des membres de l’ancienne ligue des « Casques d’acier » qui ont déjà été mutés dans la première réserve des SA ne pourront actuellement quitter la première réserve des SA ».

Une grande partie des « Casques d’acier » constituait un groupement idéologique fermé au sein des SA, qui observait les événements avec une grande méfiance. A ce groupement s’oppose un groupe de « Casques d’acier » et d’anciens chefs des « Casques d’acier » qui étaient partisans de la révolution nationale et qui mit à la disposition des SA plus de 60 chefs et chefs supérieurs SA, mais qui naturellement condamna sévèrement les abus et les excès. Nous avons entendu devant le Tribunal les deux porte-parole des deux groupes des « Casques d’acier », les témoins Gruss et Jüttner. L’un des témoins était dans les SA, l’autre n’en était pas membre. L’un, en tant que « Casque d’acier » reconnaît les SA qu’il connaît exactement, l’autre est en dehors des SA et a une attitude négative envers elles. Ce dernier est un représentant de la branche des « Casques d’acier » qui a entretenu des idées d’opposition jusqu’à la fin du IIIe Reich.

Ainsi on peut affirmer sans aucun doute que les « Casques d’acier » représentent un élément opposé à ce que l’on appelle les « Anciens combattants » des SA. Les documents, affidavits et déclarations de témoins que je viens de mentionner en sont une preuve irréfutable.

Les « Casques d’acier » apportèrent aux SA leur idéologie qui est distincte de celle du national-socialisme sur des points essentiels. Politiquement, ils rejetaient en grande partie les prétentions totalitaires de tout Parti politique et le principe du chef. Ils restèrent après comme avant en liaison constante avec leur ancienne ligue qui subsista dans le NSDFB jusqu’à sa dissolution à la fin de l’année 1935. Même après sa dissolution, ils formèrent entre eux des groupes étroitement liés et tenaient presque partout en Allemagne des réunions qui avaient un caractère de camaraderie. Plus d’un de ces groupes a gardé longtemps encore l’espoir d’un renversement de la situation politique.

D’anciens adversaires du national-socialisme, en particulier les marxistes furent admis dans les rangs des « Casques d’acier » comme dans les autres parties des SA. C’est ainsi par exemple que dans le Brunswick le Reichsbanner est entré dans les « Casques d’acier » (D-947). Le camouflage insuffisant de l’activité des hommes du Reichsbanner eut pour conséquence sa dissolution.

Tout comme les membres des SA, les membres des « Casques d’acier » qui avaient été mutés dans les SA étaient opposés aux crimes dans le sens de l’article 6. En tant qu’anciens combattants, il étaient opposés à la guerre et à plus forte raison à la guerre d’agression.

Le refus d’accepter la politique raciale d’un Himmler trouve son expression la plus nette dans le fait que le chef-adjoint de la Ligue Düsterberg, fut candidat aux élections présidentielles de 1932 et qu’il jouissait d’une popularité extraordinaire parmi tous les « Casques d’acier ». Presque tous les affidavits et témoignages attestent combien les Casques d’acier étaient éloignés de l’idée de crimes contre l’Humanité.

En ce qui concerne le rattachement des « Casques d’acier », il convient de tenir compte du fait qu’il eut lieu à une époque de discorde et d’affaiblissement des SA, au moment où, par la prise du pouvoir, la tâche des SA était déjà terminée et non pas à l’époque où Hugenberg, Schacht et Hitler formèrent ce que l’on a appelé le Front de Harzburg. Au moment où le rattachement aux SA fut effectif, celui-ci avait perdu toute importance.

Pour conclure, je ferai remarquer à propos des « Casques d’acier » qu’un demi-million de Wehrstahlhelmer et environ un demi-million de Hernstahlhelmer ont été mutés sur la base d’une contrainte c’est-à-dire sur la base d’un ordre. Il restait un autre demi-million de « Casques d’acier » âgés de plus de 45 ans qui, à défaut d’un ordre de transfert, n’a pas été incorporé aux SA. Dans quelques rares districts seulement ces classes plus âgées ont été incorporées de force dans les SA, du fait que certains services subordonnés aux SA ont transgressé des ordres.

Un autre groupe, dont la position dans les SA est quelque peu particulière, est constitué par le corps de cavalerie SA. Il résulte de l’examen des preuves que le NS-Reiterkorps a joui pendant toute la durée de son existence d’une large autonomie d’organisation. Ses buts, tâches et activités n’avaient pas de caractère politique, mais se limitaient au sport hippique, à l’élevage et aux soins aux chevaux.

Dans la présentation des preuves détaillées devant la commission, le Ministère Public n’a pas réussi à prouver que le NS-Reiterkorps ait été associé à l’accomplissement de crimes quelconques contre la paix ou contre l’Humanité. Compte tenu de ce que l’examen des preuves a été nettement favorable au NS-Reiterkorps, je me contenterai d’exposer au Tribunal un résumé des points essentiels : L’accusation portée contre les SA d’avoir participé à la prise du pouvoir par la NSDAP ne s’applique nullement au NS-Reiterkorps, parce que celui-ci n’a été constitué qu’après la prise du pouvoir. Le NS-Reiterkorps n’est pas issu des Sturmabteilungen d’Adolf Hitler, mais des centaines d’« Associations régionales d’équitation » qui avant 1933 existaient dans toute l’Allemagne, en tant qu’associations ’de sport et d’élevage, absolument en dehors de la politique. L’incorporation de ces associations régionales d’équitation dans les SA après la prise du pouvoir, au cours de l’action dit de « mise au pas », ne s’est pas faite volontairement. Elle fut exécutée sur un ordre officiel, et malgré l’opposition intérieure de la plupart des membres de ces associations. Cet ordre officiel fut le résultat d’une transaction entre le chef des associations hippiques régionales et le chef de l’État-Major des SA, Röhm, sur l’instigation du ministère de l’Intérieur du Reich, au cours de l’été 1933. Les associations hippiques qui voulurent s’opposer à cet ordre furent menacées de dissolution et effectivement dissoutes en cas de refus d’obéissance.

Comme ces sociétés constituaient une nécessité au point de vue agricole, la plupart d’entre elles se soumirent à cet ordre sous la pression des circonstances. Même après son incorporation dans les SA, le NS-Reiterkorps garda jusqu’à la fin le caractère autonome de son organisation. Les anciennes sociétés hippiques qui s’appelaient dorénavant « SA-Reitersturme » constituèrent ensemble le NS-Reiterkorps à la tête duquel se trouvait l’inspecteur du Reich pour l’équitation et les transports hippomobiles Litzmarm, à Berlin.

En ce qui concerne l’importance et la composition du NS-Reiterkorps, il ressort de l’audition des preuves qu’il comptait environ 200.000 membres. Les 80 à 90% d’entre eux étaient des agriculteurs possédant des chevaux. Au NS-Reiterkorps vinrent s’ajouter, après la prise du pouvoir, les clubs hippiques existant dans beaucoup die villes et qui avaient jusqu’à ce jour un caractère purement sportif.

L’activité du NS-Reiterkorps était consacrée au sport et à l’élevage. Le service consistait dans des exercices d’équitation et de conduite de voiture et dans l’enseignement de la technique hippique. L’activité principale des unités des villes consistait dans l’organisation de chasses et de concours comme dans tous les autres clubs hippiques du monde. D’une manière générale, les cavaliers n’étaient pas en uniforme mais en civil. Les femmes et les enfants des membres participaient aux exercices de cavalerie. A la campagne, l’activité se bornait surtout à l’enseignement des questions hippiques essentielles pour les agriculteurs, surtout la conduite des attelages et les soins aux chevaux malades. Les membres du NS-Reiterkorps se considéraient en conséquence dans toute l’Allemagne en premier lieu comme des cavaliers et non comme des SA.

Le NS-Reiterkorps s’est tenu consciemment à l’écart de la politique. Il ne fit ni propagande ni éducation politique. Il n’a jamais été un groupement de combat politique. Dans le NS-Reiterkorps, il n’y avait pour ainsi dire pas de vieux combattants. Les fanatiques et les militants politiques n’étaient pas tolérés, mais écartés. Pour le poste de chef et pour l’avancement dans ; le NS-Reiterkorps ce n’était pas l’activité politique qui était décisive, mais exclusivement les capacités de cavalier et une tenue irréprochable.

L’audition des preuves a montré clairement que le Reiterkorps n’a ’participé en aucune manière à des crimes quelconques contre l’humanité. Il n’a pas davantage participé à des persécutions contre l’Église, les Juifs, les syndicats, les ouvriers étrangers ou les prisonniers de guerre. Au contraire, le NS-Reiterkorps est fréquemment intervenu en faveur des victimes des persécutions politiques. La présentation des preuves a prouvé que le NS-Reiterkorps était loin d’avoir une attitude antisémite. Des relations d’affaires suivies avec des marchands de bestiaux juifs existaient encore à la campagne bien après 1933. Le NS-Reiterkorps a toujours été favorable à l’Église. Le fait est significatif que le non-aryen Fuldauer fut un des fondateurs du NS-Reiterkorps à Wiehl en Rhénanie et appartint à ce Reiterkorps .pendant une période assez longue après la prise du pouvoir, en qualité de membre dirigeant, comme cela ressort de son affidavit n° 20.

Éitant donné que le NS-Reiterkorps se tenait à l’écart du Parti, il devint même, en différentes régions de l’Allemagne, un refuge pour les persécutés politiques. De nombreux francs-maçons, des non-aryens étaient membres du NS-Reiterkorps et cherchaient à se couvrir en faisant valoir leur appartenance à une organisation nationale-socialiste. Dans ces conditions, il n’était pas surprenant que la NSDAP montrât de la méfiance à l’égard du NS-Reiterkorps, comme cela ressort de la présentation des preuves. L’admission dans la NSDAP a été refusée à des membres du NS-Reiterkorps parce que leur appartenance au NS-Reiterkorps ne constituait pas la preuve qu’ils étaient sûrs au point de vue politique.

Le NS-Reiterkorps n’a pas non plus participé à un crime contre la paix, comme cela ressort clairement de la présentation des preuves.

D’après l’affirmation de l’Accusation, Hitler aurait donné l’ordre à la cavalerie SA d’assurer à la Wehrmacht allemande la formation de futurs cavaliers. Le Ministère Public se base à ce sujet surtout sur certains articles de propagande parus dans le périodique le SA-Fuhrer, articles dont l’auteur est inconnu. Tous les témoins entendus au sujet du Reiterkorps ont déclaré que le contenu de ces articles est en contradiction flagrante avec les faits réels. Il a souvent été constaté dans ce Procès que la direction du Parti se laissait uniquement guider par des buts de propagande. Le Ministère Public n’a pas réussi à citer un seul cas effectif dans lequel le NS-Reiterkorps, pendant son existence de plus de dix ans, aurait jamais projeté ou exercé une activité quelconque qui pourrait être considérée comme une préparation ou un encouragement à une guerre d’agression.

Le Chef suprême de la cavalerie allemande de l’époque qui a précédé la deuxième guerre mondiale, le général Guderian, personnalité bien connue, a pris en face de cette question une position bien définie. Je cite :

« Il n’existait entre la Wehrmacht allemande et le NS-Reiterkorps aucune coopération militaire, pas plus du point de vue tactique que du point de vue stratégique. La cavalerie de la Wehrmacht s’occupait elle-même de l’entraînement de ses futurs cavaliers et n’était nullement obligée de coopérer avec le Reiterkorps. La Wehrmacht n’a jamais recherché ni entretenu aucune relation dans ce but avec le NS-Reiterkorps. »

Le général Guderian donne à ce sujet les preuves convaincantes suivantes. Je cite :

« Alors qu’en 1935 il existait encore 18 régiments de cavalerie, il ne restait plus au début de la guerre qu’une brigade de cavalerie qui fut ensuite, au cours de la guerre, transformée en une division de cavalerie. Les blindés avaient pris la place de la cavalerie, ce qui est déjà prouvé par le fait que 40% des officiers des unités blindées sortaient d’anciens régiments de cavalerie. Compte tenu de cette évolution, l’incorporation dans la Wehrmacht d’unités du NS-Reiterkorps n’a jamais été envisagée et n’a jamais eu lieu ».

A l’intérieur même du Reiterkorps, il ne fut jamais donné aucune instruction d’ordre militaire. Jamais le Reiterkorps n’exécuta dans aucune partie de l’Allemagne, à aucun moment, des exercices à cheval tels que ceux de la cavalerie de la Wehrmacht. L’activité se bornait bien plus à l’élevage des chevaux, élevage de grande importance pour les paysans, et à l’équitation en tant que sport pratiqué dans tous les pays du monde.

Même en se référant au Reiterschein (certificat de cavalier), l’Accusation ne peut être maintenue. D’après sa teneur, le certificat de cavalier donnait au titulaire le droit de servir dans l’Armée dans une unité montée. Il était cependant possible à chaque sportif d’acquérir ce certificat de cavalier, même lorsqu’il n’était pas membre du NS-Reiterkorps. Cela répondait au légitime désir de chaque cavalier passionné qui, en cas de mobilisation, espérait être versé dans une unité de cavalerie, tout comme un alpiniste ou un skieur enthousiaste ambitionne d’accomplir son service militaire de préférence dans les chasseurs alpins. Pourtant, pratiquement, ce désir n’était pris en considération par la Wehrmacht que très rarement, parce que, depuis 1933, la Wehrmacht supprimait peu à peu la cavalerie. C’est ainsi que la majorité des titulaires du certificat de cavalier furent en réalité versés, lors de leur appel, dans l’infanterie ou dans une unité motorisée. D’ailleurs, le but de l’activité sportive de chaque membre du NS-Reiterkorps n’était pas l’acquisition du certificat de cavalier, mais l’obtention de l’insigne de cavalier qu’il portait fièrement. Un exemplaire original de cet insigne a été déposé devant le Tribunal et c’est sans doute le seul insigne d’une association nationale-socialiste qui ne porte pas la croix gammée.

Dans le NS-Reiterkorps, on ne cultivait pas l’esprit militariste. L’ensemble du NS-Reiterkorps était formé de paysans. On sait que par nature le paysan n’est pas un ami de la guerre. Pourtant les unités du Reiterkorps des villes entretinrent, jusqu’à la déclaration de la guerre, des relations internationales étroites avec tous les pays pratiquant l’équitation. De nombreux étrangers, occupant en partie des situations officielles, étaient les hôtes constants du NS-Reiterkorps. Au moment où la guerre éclata, la consternation fut générale.

En ce qui concerne le caractère des Allgemeine SA, les membres du corps monté national-socialiste étaient d’avis que les SA auxquelles le NS-Reiterkorps ne fut annexé qu’après 1933, ne pouvaient être considérées comme criminelles. Dans la mesure où des excès ont été commis dans les SA, les membres du NS-Reiterkorps ont pu constater que les abus de quelques-uns ne correspondaient pas au programme des SA, et ils ont appris avec satisfaction que la direction des SA s’est détachée de ces questions et qu’elle a cherché à empêcher le renouvellement de ces abus.

Il faut souligner aussi qu’aucun des principaux accusés n’a eu de relations avec le NS-Reiterkorps. Aucun de ses membres n’a joué de rôle important dans le gouvernement nazi. Le NS-Reiterkorps doit être déclaré non coupable pour la seule raison déjà que les deux autres grandes organisations sportives du Parti, à savoir le corps motorisé national-socialiste et le corps des aviateurs national-socialiste, n’ont pas été accusés eu égard à leurs buts sportifs, et cela avec raison. Le corps motorisé national-socialiste et le corps des aviateurs national-socialiste avaient, en effet, réussi grâce à l’influence de leurs chefs, à se rendre absolument indépendants des SA. Le NS-Reiterkorps s’est efforcé lui aussi, pendant toute la durée de son existence, d’obtenir cette indépendance absolue, mais il ne l’a obtenue que partiellement. Ses chefs continuèrent à dépendre des SA. Sans doute n’accordait-on pas au NS-Reiterkorps une indépendance absolue, parce que le Parti ne le considérait pas comme sûr au point de vue politique.

Un médecin entrait dans les SA en cette qualité, la plupart du temps comme Sturmbannführer, ou tout au moins comme Obertruppführer. Les médecins des SA étaient, jusqu’au médecin de groupe, employés à titre honorifique. Peu à peu une section sanitaire se composant en moyenne de cent membres fut créée auprès de chaque SA-Standarte. Des infirmiers ont été généralement versés dans les diverses sections des SA. Il était prévu que chaque section devait avoir quatre ou cinq infirmiers SA. L’instruction des infirmiers des SA était faite par des médecins dans le cadre de la Convention de Genève. Une partie des infirmiers était même formée directement à la Croix-Rouge. Le domaine d’activité des infirmiers des SA correspondait en grande partie à celui de la Croix-Rouge.

La déclaration faite sous la foi du serment du Dr Menge de Hanovre dit que de nombreuses associations sportives nautiques ont été, sur ordre, versées dans les SA comme sections de la Marine. Ces unités de la Marine SA diffèrent des autres, unités de SA en ce qu’il n’y a dans leurs rangs, pour ainsi dire pas d’anciens membres du Parti. Elles furent toutes créées après 1933. Leur service consistait uniquement en une activité de sport nautique.

L’incorporation forcée dans les SA avait lieu également pour les unités de protection des frontières, comme nous le voyons d’après l’ensemble des déclarations faites sous la foi du serment. Nous voyons là qu’il s’agissait d’une partie des SA qui ne leur était rattachée que pour la forme et pour des raisons autres que les raisons habituelles. Je me permets de souligner qu’il s’agit du rattachement du service de protection des frontières, créé par Brüning et Severing en automne 1931, service qui fut incorporé d’office aux SA en automne 1933.

Je me permets de souligner aussi que les attributions de ce qu’on appelle le service du Reich pour l’éducation de la jeunesse créé en 1932 passèrent dans le domaine des SA. Il y avait dans ce service d’éducation de la jeunesse un chef de la Formation de la jeunesse que nous retrouvons dans les SA.

Les tâches dites AA, c’est-à-dire celles du service de protection des frontières étaient de leur ressort. Ces tâches du AA sont mentionnées dans un des documents de l’Accusation. Cela prouve aussi clairement le rattachement des sections de protection des frontières aux SA en 1933.

J’ai présenté, dans mon livre le document SA-218, un ordre du Chef suprême des SA du 7 octobre 1933. Il en ressort que le ministre de l’Intérieur du Reich avait ordonné par décret BR. 1 A 5400/26,9 du 3 octobre 1933, qu’il fallait verser dans les SA le Service du génie du service auxiliaire technique. Les unités du Service auxiliaire du génie rattachées devaient fournir la plus grande partie du personnel des sections du génie des SA. C’est pourquoi il est naturel que ces unités aient été employées en cas d’urgence, puisqu’elles provenaient du Service auxiliaire technique.

La majeure partie des membres des SA qui y entrèrent après 1933, tels les élèves des classes supérieures de l’enseignement secondaire, les étudiants, les candidats fonctionnaires, ainsi que les membres des entreprises industrielles et artisanales, n’entrèrent pas dans les SA de leur plein gré, mais en vertu de décrets, d’ordonnances et de règlements. L’interprétation subtile et erronée de l’Accusation ne changera rien à ce fait. C’est ainsi que les étudiants assuraient un service à l’Office SA de l’enseignement supérieur après être devenus membres des sections locales des SA. Tous ces gens ne possédaient pas le droit de vote avant 1933. Les élections de mars 1933 leur indiquaient le chemin à suivre. On ne peut en aucun cas les en rendre responsables. Ils sont nés à cette époque et ils en sont les victimes. Ils sont les victimes des élections de mars 1933 faites par la génération de leurs pères. Ils croyaient servir un État reconnu par le monde entier. La plupart de ces jeunes gens sont allés au front. Beaucoup d’entre eux ont sacrifié leur santé et leur vie pour ce qu’on appelait le IIIe Reich, qui leur réclamait l’ultime sacrifice. Ils sont partis en guerre avec la foi en leur devoir, la foi dans les tâches qu’ils devaient accomplir. Une partie est revenue de la guerre mondiale, trompée et déçue. Et maintenant l’Accusation contre les organisations doit les marquer du sceau des criminels. Dans mon recueil de documents j’ai présenté une série de décrets et d’ordonnances qui représentent la base de l’entrée de ces jeunes gens dans les organisations. Je n’ai pas besoin de les citer en détail, le Tribunal les connaît. Ces hommes doivent-ils être punis maintenant pour avoir accompli les devoirs que leur imposaient les lois, les décrets et les règlements ?

De cette jeunesse qu’on a incorporée dans les organisations sont venus les éléments qui ont lutté activement contre l’État national-socialiste.

Qu’il me soit permis de vous citer un exemple : c’est le cas Scholl qui montre bien la résistance à l’oppression exercée par l’État.

Cette jeunesse, née à une époque marquée par les blessures infligées par la première guerre mondiale aux pays d’Europe, a souffert des suites malheureuses de l’évolution due au manque de clairvoyance des hommes qui firent le Traité de Versailles. Cette jeunesse a souffert cet état de choses, mais a toujours voulu — que ce soit la masse du peuple allemand ou la direction des SA — qu’il fût résolu pacifiquement. Le témoin Gisevius l’a compris clairement : il a déclaré que, jusqu’en 1938, il ne pouvait y avoir dans la masse des SA un état différent de celui de la masse du peuple allemand. Cet état d’esprit indiquait clairement que la seule idée d’une guerre était considérée comme une folie. Il a déclaré aussi qu’il conviendrait de répondre par la négative à l’Accusation selon laquelle la masse des SA aurait participé à des ’crimes de guerre. Ce Traité de Versailles et les événements les plus marquants de l’après-guerre, le blocus de la république et sa lutte contre le communisme, l’inflation, la ruine des classes moyennes, le chômage, la guerre civile, les armées des partis, le chaos parlementaire, voici quels étaient les fondements de l’évolution de la jeune génération.

Il ne faut pas oublier tout cela lorsqu’on examine le sort des jeunes gens qui se trouvaient dans les formations et qui, en 1933, ne déposèrent pas leur bulletin pour Hitler. Il est regrettable que la composition des SA en groupes, après le 30 janvier 1933, ne puisse pas être expliquée au Tribunal à l’aide de statistiques. Les statistiques manquent en raison de l’absence de témoins autorisés. Mais je puis présenter un tableau assez précis qu’il convient de donner au Tribunal pour qu’il ait une image exacte et claire des SA. Ce tableau est contenu dans le résumé des affidavits collectifs.

Les SA traditionnelles avaient, le 30 janvier 1933, 300.000 membres.

Lorsque le Stahlhelm fut transféré par ordre dans les SA, on compta : Pour le premier transfert........................ 550.000 membres

Pour le deuxième transfert..................... 450.000 —

Furent également transférés par ordre : Les sociétés hippiques rurales.............….. 200.000 —

Les sociétés de sports nautiques................ 50.000 —

Les troupes de protection des frontières.....100.000 —

Les trains de pionniers auxiliaires du service de secours technique..........……….................. 50.000 —

Les associations de Samaritains et les autres formations de la Croix-Rouge furent également incorporées par ordre et, sur la base d’une ordonnance officielle, les médecins qui entrèrent dans les formations d’infirmiers SA étaient environ 60.000. La ligue du Kyffhäuser y entra également amenant 1.500.000 membres.

Furent en outre enrôlés les étudiants des universités et écoles techniques sur la base d’une ordonnance légale avec ……..... 100.000 membres

Les élèves des écoles techniques et écoles primaires supérieures, sur la base de l’ordonnance du 9 septembre 1933 et les formations de jeunesse confessionnelles avec.............…………………………………............ 150.000 —

Furent incorporées sur ordre, la Brigade Erhard, avec..........................................

……………………………………………………………………….150.000 —

La Ligue de sport aéronautique Oberland et le Frontbann, avec ……………………………………...............................200.000 —

Furent incorporés les fonctionnaires, surtout les jeunes fonctionnaires, à la suite d’une ordonnance des autorités, soit............200.000 —

Les Ehrenführer et les Führer de réserve, comprenaient.....................................

………………………………………………………………………….20.000 —

Divers................................………………........420.000 —

Sur les 420.000, 200.000 membres venaient des organisations de gauche telles que par exemple le Rotfront et le Reichsbanner. Ce qui donne un nombre total de...…………………………………………………….........4.500.000 membres.

Eh 1934, immédiatement après le 30 juin 1934, il y eut des défections : La Ligue du Kyffhäuser, avec......…............1.500.000 membres

Le NSKK (corps motorisé), avec......….......... 450.000 —

Les SS, avec..........................……………........ 250.000 —

Les dirigeants politiques, avec..…….............. 150.000 —

De 1934, jusqu’au moment où le nombre des membres atteignit 1.500.000, il y eut de nouvelles défections : Invalides de guerre et mutilés.........……........ 350.000 membres

Par suite d’exclusion..................………….......... 40.000 —

Par suite d’entrée dans d’autres organisations,etc………………………………………………………

……………………………………………………………………………260.000 —

Ainsi, l’effectif atteint était-il de 1.500.000.

Au cours des années suivantes, il y eut de nombreux changements. Un certain nombre de membres disparurent par suite de maladie ou de décès. Ils furent remplacés surtout par des membres qui venaient des écoles des finances du Reich, 14 écoles, environ 50.000 hommes, et aussi par des étudiants, des jeunes fonctionnaires qui devaient, conformément à la loi, faire du service dans une organisation et aussi par des Jeunesses hitlériennes mutées dans les SA.

La décision du 13 mars 1946, alinéa 6 a, paragraphe 2, indique qu’il est important ide savoir si l’adhésion aux SA était en général volontaire ou si elle était le résultat d’une ordonnance légale. Il résulte de mon exposé, qu’il ne peut être question en général d’adhésion volontaire, mais, dans la majeure partie des cas, d’adhésion conformément à des ordres ou à une contrainte légale.

La plus grande partie des SA a donc été incorporée à la suite d’ordonnances promulguées par les autorités ou par Hitler, ordonnances qui, conformément à la loi sur l’unité de l’État et du Parti, sont légales. Par conséquent, une condamnation des SA en tant qu’organisation collective n’est pas possible, étant donné l’absence de toute unité dans les buts poursuivis.

Reportons-nous à l’époque qui suivit l’année 1933 et nous verrons que le IIIe Reich était un État policier. Les affidavits d’un grand nombre de membres des « Casques d’acier », qui avaient été transférés, montrent que les tentatives de démission des SA étaient considérées pair les services de l’Etat, dès 1933-1934, comme l’expression d’une attitude hostile à l’État, s’il n’y avait pas de raison valable telle qu’une grave maladie, par exemple. C’était la seule raison reconnue. Le décret du ministre de l’Intérieur du Reich et de Prusse, du 27 février 1936, reproduit sous le n° SA-222, est caractéristique. Il y est dit :

« Il conviendra dans chaque cas de procéder à un examen des raisons pour lesquelles le fonctionnaire a quitté le Parti. S’il l’a fait parce qu’il est opposé au programme ou à l’attitude politique du Parti, il ne pourra pas rester fonctionnaire. Mais, même si ce n’est pas le cas, étant donné l’étroite liaison entre le Parti et l’État, si un fonctionnaire quitte le Parti, on peut arriver à en conclure que le lien intime avec l’État national-socialiste ou l’esprit de sacrifice fait défaut. »

Si nous nous reportons au document SA-221, nous y lisons la disposition selon laquelle le serment prêté au Führer rend impossible la démission des SA comme de toute autre organisation et que, seul, un empêchement physique ou un autre emploi permet de quitter les SA. D’autres raisons ne servent qu’à l’exclusion. Le décret-circulaire du ministre de l’Intérieur du Reich et de Prusse admet la possibilité théorique que l’intéressé, étant donné que l’exclusion du Parti et de ses formations est considérée comme une faute grave, puisse être, avec sa femme et ses enfants, privé de son travail et de la possibilité de nourrir sa famille. Le fait que cette disposition ait été appliquée antérieurement déjà, ressort d’un jugement du tribunal de Bielefeld selon lequel, en cas d’exclusion des SA, on ne pouvait demander aux autorités de continuer à employer l’intéressé (document SA-220). Il n’y a rien d’étonnant à ce que, dans, l’État national-socialiste, des dispositions aient été appliquées avant leur entrée en vigueur. Dans le commentaire officiel de Pfundtner-Neubert il est dit à propos de l’ordonnance du 28 février 1939 :

« Cette réorganisation du Droit est conforme aux principes gouvernementaux nationaux-socialistes. On n’a pas procédé comme sous Weimar — où l’on a promulgué des lois de belle apparence, que l’on a pas pu appliquer ensuite parce que les conditions ne s’y prêtaient pas, abstraction faite de ce que les services du Gouvernement étaient trop faibles — mais le Gouvernement du IIIe Reich crée d’abord les conditions effectives nécessaires à l’application d’une mesure gouvernementale et ne promulgue qu’ensuite la loi correspondante ».

Par ailleurs, je me permets de renvoyer aux affidavits 1, 2, 3, 4 des « Casques d’acier » et aux témoignages de Hauffe, de von Waldenfels, de même qu’aux affidavits SA-6-1 et 8-1, qui font ressortir l’impossibilité d’une démission des SA.

La tentative de démission des SA pour des raisons autres que des raisons de santé avait pour conséquence l’exclusion qui entraînait elle-même, à côté d’une surveillance policière qui s’ensuivait automatiquement, la menace de perdre sa situation, en particulier en ce qui concernait les fonctionnaires et les employés, ou le boycottage économique, le danger d’une arrestation sous prétexte que l’intéressé était dangereux du point de vue politique. Ce « certificat de bonne conduite politique » était la condition sine qua non de tout emploi et on ne pouvait l’obtenir qu’en faisant partie d’une organisation. L’administration n’était nullement tentée ’de faire des exceptions basées sur une aptitude professionnelle présumée ou effective ou sur la situation de famille.

Le IIIe Reich exigeait que l’on fût sûr du point de vue politique. C’est pour cela qu’il prévoyait dans ses ordonnances le service dans ses organisations. Lorsqu’on s’y soustrayait on s’exposait à ce qui est indiqué dans l’affidavit N-81 :

« Dans les cercles très étendus on savait que le refus de se soumettre aux ordonnances de l’État et du Parti entraînait une surveillance, étant donné que l’on se soustrayait au service de la communauté du peuple ».

Du reste il n’y avait aucun motif de se refuser à travailler pour la communauté populaire, car on ne connaissait pas ses buts, ses méthodes et ses activités criminelles quelconques. C’est ce qu’indique clairement le résumé collectif de 17.089 affidavits. Du reste, le fait, pour des personnes qui avaient été incorporées sur la base d’un ordre ou par contrainte légale, d’être restées dans l’organisation ne suffit pas à justifier un reproche de culpabilité pour des raisons juridiques si le caractère non volontaire de l’adhésion est prouvé.

Si je résume encore une fois, je puis dire pour conclure :

1° Il est démontré que, si des faits contraires à la loi ont eu lieu, ces actes n’ont été que des actes individuels et, par suite, ne peuvent être mis à la charge de l’organisation.

2° Que la Direction des SA n’a ni ordonné, ni toléré ces abus, et, par conséquent, n’est pas coupable.

3° Que ces excès ne peuvent nullement être attribués à une éducation criminelle ou encore moins à un complot ayant des buts criminels.

La vérité et la justice exigent qu’à cause de ces abus commis par quelques membres isolés de l’organisation, une organisation comprenant des milliers de membres et sa direction ne soient pas déclarées criminelles, puisqu’il est établi que la direction n’a tendu, à aucun moment, à des actions criminelles et que la masse des membres de l’organisation n’a jamais commis d’action criminelle.

Le fait que certains des accusés principaux aient été Führer des SA à titre honorifique ne change rien à l’exposé des preuves relatives aux SA. A l’époque où Hermann Göring, pendant un temps très court, dirigea les SA, celles-ci ne comptaient que quelques milliers d’hommes. A ce moment-là il n’était pas autre chose que ce qu’était le Reichsbanner pour le parti social démocrate.

Les Führer des SA n’étaient ni des chevaliers pillards, ni des égarés de la politique. Un petit nombre de Führer, cinq au total, qui n’avaient pas fait leurs preuves en 1933-1934 furent supprimés dans le cadre du 30 juin 1934. C’est là le seul reproche que l’on puisse adresser à Röhm, qui était alors le chef d’État-Major, de n’avoir pas écarté à temps ces cinq personnes, bien que dans ses faits et gestes politiques il fut toujours guidé par un souci d’ordre et de justice, et d’avoir ainsi donné prise à ses adversaires. Mais il s’agit-là de 4% du corps des Führer, donc d’une fraction infime qui ne pourrait jamais justifier une condamnation. Parmi les Obergruppenführer et Gruppenführer à solde fixe des années 1934 à 1945, il n’y en avait pas un seul qui eût déjà subi une condamnation. La Direction suprême des SA devait l’exiger de ses membres, car une prescription prévoyait qu’il fallait exiger, lors de l’admission d’un membre ordinaire des SA, un certificat de bonne conduite délivré par la Police. Aucun d’eux n’était ce que l’on appelle un « raté ». Tous avaient appris un métier et avaient de bonnes perspectives avant d’entrer dans le corps des Führer à solde fixe des SA.

Que les buts politiques des SA n’aient été dictés que par l’amour de la patrie, l’exposé des preuves l’a montré clairement. Röhm a tout fait pour approfondir dans le peuple allemand la pensée communautaire. Son but fut de renforcer la confiance acquise. Les abus commis pendant la période révolutionnaire ont été poursuivis. Il voulait gagner les syndicats à sa cause et non pas les détruire. Lutze, personnalité faible, à plusieurs reprises, s’est prononcé contre des incidents et des mesures du Parti. Il s’est mis en contradiction avec les directives du Parti. Dans un affidavit que nous avons présenté, il disait qu’il condamnait le prétendu nazisme de la NSDAP. C’est cela surtout qui explique également son opposition irréductible et connue de tout le monde, à Himmler et Bormann. Il n’y avait sans doute pas une seule question sur laquelle en tant que chef d’État-Major des SA, il fût d’accord avec ces deux hommes. C’est surtout vrai aussi pour la question de la race des seigneurs et l’attitude à l’égard des Juifs, pour la question des Églises, ainsi que pour l’attitude à l’égard des ennemis politiques.

Si le Tribunal cherche objectivement les responsables du malheur sans nom qui a frappé le monde entier, qu’il parte alors du point de vue individuel. Ce point de vue nous le trouvons aussi dans un discours du Pape Pie XII prononcé le 20 février 1946 :

« Des conceptions erronées ont cours dans le monde, qui déclarent un homme coupable et responsable simplement du fait qu’il est membre d’une communauté, sans que l’on s’efforce de rechercher ou d’examiner si, de son côté, il y a réellement une faute personnelle du fait de ses actions ou de ses omissions. Cela signifie que l’on s’attribue les droits de Dieu, créateur et sauveur qui, seul, dans les desseins secrets de son règne toujours plein d’amour, est maître absolu des événements et, en tant que tel, s’il en décide ainsi, dans sa sagesse infinie, enchaîne les destins du coupable et de l’innocent, du responsable et de celui qui ne l’est pas. »

M. HORST PELCKMANN (avocat des SS)

Puis-je distraire pendant quelques minutes l’attention du Tribunal ? Lors de ma plaidoirie, lundi, j’ai omis des explications importantes qui portaient par exemple sur la germanisation, les Einsatzgruppen, les camps de concentration, les exécutions en masse. Et j’ai renvoyé à une plaidoirie écrite. Monsieur le Président a expliqué à maintes reprises que le Tribunal étudierait ces explications écrites de la Défense. Hier, le Tribunal a...

LE PRÉSIDENT

Quand nous sont-elles parvenues ? J’ai dit que nous les examinerions si elles nous parvenaient. Mais jusqu’à présent nous ne les avons pas.

M. PELCKMANN

C’est ce que je voulais dire, Monsieur le Président. J’ai appris aujourd’hui par M. le Secrétaire général et par la section de traduction qu’une traduction anglaise ne serait pas faite pour les membres du Tribunal. J’ignore s’il en existe une traduction russe ou française. Sans les passages que j’ai omis une plaidoirie est incomplète et il est impossible de la comprendre. C’est pourquoi je remets au Tribunal un exemplaire complet de ma plaidoirie accompagné d’une annexe en allemand et lui demande respectueusement de les faire traduire.

LE PRÉSIDENT

Ce sera fait quoi qu’il arrive. Docteur Gawlik ?

Dr GAWLIK

Monsieur le Président, je vous demande également de m’autoriser à remettre à la traduction un exemplaire complet de ma plaidoirie, du fait que j’ai abandonné certains passages importants.

LE PRÉSIDENT

Mais, bien entendu. Le Ministère Public désire-t-il commencer ce soir son réquisitoire ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président, Messieurs. En 1938, Hitler déclara au Reichstag :

« Le national-socialisme a donné au peuple allemand cette direction qui, en tant que parti, non seulement mobilise la nation, mais aussi l’organise. Le national-socialisme possède l’Allemagne entièrement et complètement... Il n’y a pas d’institution dans cet État qui ne soit nationale-socialiste. »

Nous savons maintenant le genre de direction que le national-socialisme offrit au peuple allemand. Nous savons comment et dans quels buts le parti nazi mobilisa et organisa la nation allemande : pour la domination du monde au prix de la guerre et de l’assassinat. La possession entière et complète de l’Allemagne par le national-socialisme signifiait la possession du peuple, corps et âme, par les organisations du Parti et du Gouvernement nationaux-socialistes.

Pour quelles fins les nazis visaient-ils à cette possession du peuple ? Leur but était d’avoir un état gendarme contrôlé mais fanatique, réglé et organisé pour l’agression militaire. Si l’on imagine un Machiavel ersatz exposant les conditions requises à cet effet, il eût sans doute considéré comme nécessaire :

1° Une méthode rapide de publication des lois et décrets. Pour ce faire il faut un cabinet docile et complaisant, ayant les pleins pouvoirs législatifs : la Reichsregierung.

2°  La suppression rapide de toute manifestation d’opposition ou de liberté de pensée. Il faut pour cela un service d’espionnage et une police capables de frapper immédiatement : le SD et la Gestapo.

3° La vérification et le contrôle complets de l’opinion publique. On les obtient par la pression d’un corps fanatique de chefs politiques sur un public saturé de propagande.

4° Une garde prétorienne qui vous débarrasse non seulement de tout « prêtre turbulent » mais de tout individu possédant une croyance propre, et pour cela vous avez les SS.

5° Un instrument d’exécution de jour en jour plus perfectionné qui enserre la population dans une étreinte d’entraînement physique et de préparation morale en vue de la guerre ; qui pousse la population dans le gouffre si la violence générale devient nécessaire ; qui la maintient fermement, chez elle et à l’étranger, dans l’idéologie de la terreur. Qui pouvait mieux convenir que les SA qui venaient de gagner « la bataille des rues » ?

6° Un instrument qui amène vos forces militaires existantes à servir vos desseins ; qui les prépare à commettre tout acte, même s’il est contraire à la tradition militaire et répugne aux qualités du soldat ; qui consente aveuglément à la mise en esclavage des autres nations ; qui coopère et laisse le champ libre aux organismes d’oppression pour détruire la vie nationale et la dignité de l’esprit humain. C’était là le rôle que devaient jouer l’Etat-major général et le Haut Commandement.

Rapidité de décision, délation, absence de liberté de pensée et de parole, répression à l’intérieur du pays, force entraînée et calculée à l’extérieur. Ce sont là les armes synchronisées et éternelles sans lesquelles la tyrannie ne peut s’épanouir. Ce ne sont que d’autres noms pour désigner les organisations que nous avons accusées comme criminelles, au moyen desquelles ces accusés et leurs collaborateurs purent conduire, organiser et posséder une nation.

Quand M. Justice Jackson parla devant le Tribunal le 28 février, il souligna que notre intention n’était pas d’accuser de crime le peuple allemand tout entier. Je répète que nous ne cherchons pas à condamner le peuple allemand. Notre but actuel est de le protéger et lui fournir l’occasion de se réhabiliter dans l’estime et l’amitié du monde. Mais comment cela peut-il se faire si nous laissons parmi ce peuple, sans les châtier, ces éléments du régime nazi qui portent la plus grande responsabilité de la tyrannie et du crime nazis et qui, comme le Tribunal peut aisément le croire, sont à jamais perdus pour les idées de liberté et de justice ?

Ce n’est pas seulement le peuple allemand que nous cherchons à protéger. L’Europe entière a besoin de protection. Considérez la position de l’Europe aujourd’hui. Parmi les Allemands qui étaient acquis à Hitler, il y a plusieurs milliers d’hommes et de femmes qui, de leurs propres mains, ont commis des meurtres, meurtres non pas peut-être d’une seule personne, mais de plusieurs. Des centaines de mille, non des millions d’autres, sont devenus des disciples de la croyance de leur Führer en la haine et la cruauté. Parmi eux, figurent ceux dont la profession et la formation consistaient à commander et diriger, militairement et politiquement, des hommes qui ont encore été plus fanatiques et impitoyables dans leur désir effréné de pouvoir qu’à aucun moment de ces 25 dernières années. Vous vous souvenez des paroles suivantes :

« Combat ? Pourquoi parlez-vous toujours de combattre ? Vous avez conquis l’État et si quelque chose ne vous plaît pas, eh bien faites simplement une loi et réglez cette chose différemment ! Pourquoi devez-vous toujours parler de combattre ? Puisque vous avez tous les pouvoirs ! Contre quoi combattez-vous ? A l’extérieur pour des raisons politiques ? Vous avez la Wehrmacht, elle fera la guerre si nécessaire. A l’intérieur pour des raisons politiques ? Vous avez la loi et la, Police qui peuvent changer tout ce que vous n’approuvez pas... »

Tels étaient les préceptes des Hoheitsträger, détenteurs de la souveraineté nationale-socialiste. On ne les oublie pas en un jour.

Ces hommes devraient-ils être laissés en liberté au milieu du peuple allemand et au milieu des peuples d’Europe ? Déjà les difficultés de ce malheureux continent sont accablantes. Indépendamment de ceux qui rentrent dans la définition de ces organisations, d’innombrables adhérents fanatiques du nazisme doivent, de toute façon, rester en liberté. Nous avons une génération entière d’Allemands qui ne connaissent d’autres façons d’agir que celles qui leur ont été prescrites par leurs dirigeants nazis ; jeunes hommes et jeunes femmes dont les premières leçons leur ont été enseignées par des professeurs nazis, dont l’éducation s’est faite dans les écoles nazies, et qui trouvaient leur sport et leur loisir dans les exercices militaires des SA. Les chefs de l’Allemagne nazie — sous la forme des membres de ces organisations — doivent-ils être laissés en liberté pour qu’ils fassent fructifier leur influence sur un terrain si fertile ?

Le droit est une chose vivante. Il n’est ni rigide ni pétrifié. Son but est de servir le genre humain et il doit se développer et évoluer pour répondre aux besoins changeants de la société. Les besoins de l’Europe d’aujourd’hui n’ont pas d’équivalents dans l’Histoire. Jamais auparavant la société de l’Europe n’a eu à faire face au problème ou au danger d’avoir en son sein des millions d’homme ? impitoyables, fanatiques, entraînés et instruits pour le meurtre et la haine raciale — et pour la guerre. C’est une situation, qu’il y ait eu ou non des précédents dans le passé, qui justifierait, et même obligerait à prendre des dispositions légales exceptionnelles. En fait, comme le tribunal s’en souviendra après le discours de M. Justice Jackson, il y a de nombreux précédents à la procédure que nous vous demandons d’instituer. Si vous avez la certitude que ces organisations, prises dans leur ensemble, sont criminelles, que la grande majorité des membres de ces organisations ont, volontairement et en connaissance de cause, apporté leur appui à la politique criminelle, et participé aux activités criminelles des chefs du parti nazi, alors il est de votre devoir en vertu du Statut, de les déclarer criminels.

Vous êtes bien en droit de penser que le devoir que vous donne le Statut correspond à votre devoir envers l’Allemagne, l’Europe et le monde.

Le principe en vertu duquel on demande leur condamnation est clair. C’est une application pratique de la juste théorie du châtiment, telle que nous l’avons apprise dans notre jeunesse, de ce grand penseur allemand parmi tant d’autres, Kant. Si les hommes utilisent la société uniquement comme un moyen pour parvenir à leurs fins, alors la société a le droit de les mettre au ban. L’étendue du problème n’est pas une excuse pour ne pas le résoudre. Manquer d’accomplir ce devoir de justice pourrait bien signifier la terreur et la persécution raciale dans tout un continent, et pour la troisième fois dans notre vie d’adulte, la guerre mondiale.

Le Tribunal et le Ministère Public ont eu l’avantage de lire, si je puis m’exprimer ainsi, la plaidoirie prudente et savante du Dr Klefisch. Cependant, la critique que je me permettrai de faire est la suivante : il s’éloigne de la détermination des faits, but essentiel qui est le propre de cette phase du procès. Les trente premières pages constituent en réalité une attaque des articles 9 et 10 du Statut et la conclusion qui en est tirée, selon laquelle le Tribunal devrait utiliser le mot « peut » dans l’Article 9 comme base du raisonnement purement à priori visant à prouver qu’aucune organisation ne peut être criminelle, tend à notre avis, à rendre absurdes les articles 9 et 10 et à échapper à leur signification et à leur esprit.

Dans les parties successives de sa plaidoirie, le Dr Klefisch prétend certaines choses sur lesquelles il serait bon d’attirer l’attention. Il pose la question de savoir dans quelle proportion numérique, comment et par qui, les crimes doivent avoir été commis pour être imputés aux organisations. Nous répliquons que la réponse pratique à cette question ne présente aucune difficulté. Personne ne peut indiquer catégoriquement combien il y a de grains dans un tas, mais aussi bien personne ne peut prétendre ne pas identifier un tas quand il en voit un. Il est encore facile de décider, en se fondant sur des motifs raisonnables, quels sont les crimes qui font partie des buts généraux de l’organisation. Le Ministère Public accepte et même adopte la proposition consistant à déclarer, dans le cas de chacune de ces organisations, que certains crimes peuvent être considérés comme typiques et répétés et il attire l’attention sur le nombre des crimes typiques et répétés qui se trouvent exposés dans le dossier.

De même, il n’y a aucune difficulté dans les mots « en rapport avec un accusé particulier ». Dire, si un accusé particulier a commis son crime dans une situation différente de celle d’un membre de l’organisation, que l’article 9 n’est pas applicable, c’est envisager la cause dans le vide. Tout le travail du Ministère Public consiste à prouver qu’individus et organisations sont ai étroitement liés que le but commun de domination intérieure et extérieure est partout présent.

De même, nous contestons énergiquement l’hypothèse que de nombreux membres ignoraient le but criminel des organisations. Écartons une fois pour toute cette idée artificielle selon laquelle de larges portions des adhérents du parti nazi marchaient avec des œillères. C’est un travestissement des faits et une insulte à leur intelligence.

Nous sommes d’accord avec le Dr Klefisch : la non-participation aux crimes, conformément à l’article 6 du Statut et une absence d’intention de seconder les activités et la politique de l’organisation, sont les conditions préalables de l’innocence. La base de toute notre thèse est que, pour employer les propres termes du Dr Klefisch, « les membres ont été effectivement subordonnés aux organisations et aux nazis et ont travaillé continuellement pour la réalisation de leurs buts ».

LE PRÉSIDENT

Je crois qu’il serait opportun de lever l’audience, à moins que vous ne vouliez continuer, Sir David ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Certainement, Monsieur le Président.

(L’audience sera reprise le 29 août 1946 à 10 heures.)