Le ghetto de Brest-Litovsk

Ce projet pluridisciplinaire et interdisciplinaire vise à reconstituer le ghetto de Brest-Litovsk jusqu’à l’extermination de sa population juive en 1942. À la frontière de plusieurs champs et méthodes de recherche : études des civilisations, histoire et micro-histoire, géographie, sociologie et humanités numériques. Il s’agit de dépasser une approche globalisante focalisée sur le nombre, afin que soient restitués à chaque victime son état civil, son itinéraire et sa dignité. Cette démarche micro-historique est associée à une approche géographique du ghetto en tant qu’espace physique. Le ghetto est considéré à la fois comme un lieu autonome avec ses propres lois de fonctionnement et comme un espace hétéronome en relation avec le monde extérieur et régi en partie par lui : la ville, les ateliers et chantiers de travaux forcés, les environs, fermes, villages proches, villes et autres ghettos et, éventuellement, des lieux plus éloignés. Le projet a également une dimension mémorielle et pédagogique. Il entend mettre à disposition du grand public une base de données permettant de visualiser un ghetto et les membres de sa population afin de conserver dans le temps le caractère individuel de chacune des victimes de la Shoah à Brest-Litovsk.

Direction scientifique : Boris Czerny, ERLIS, Université de Caen

Partenaires

Université de Southampton

Belarusian-Jewish Cultural Heritage Center

Yad Vashem

Mémorial de Caen


Les sources archivistiques principales de ce programme de recherche sont les 16000 fiches de renseignement produites par les autorités allemandes en 1941, que chaque juif, homme ou femme âgée de plus de 14 ans devait remplir donnant droit à un passeport et à une carte d’alimentation. Riches d’informations, à l’échelle individuelle : prénom, nom, âge, profession, adresse, numéro d’enregistrement, enfants, etc., elles seront progressivement mises en regard d’autres documents d’archives.

Pour tester les différentes hypothèses scientifiques, les ingénieurs du pôle Document numérique ont mis en place des outils d’exploration et de diffusion en ligne. Grâce à un encodage de l’information délivrée par les protocoles d’enregistrement selon un schéma XML TEI, une base de données XML a d’abord été constituée à l’aide de BaseX. Lorsque les données n’étaient pas assez finement annotées dans le document tabulaire originaire, elles ont été reséquencées à l’aide d’XSL-T. On a ainsi, par exemple, précisé dans l’encodage le nom et le prénom de chaque habitant, le lieu et sa date de naissance afin d’aboutir à une granularité plus fine. La structuration des données permet, outre l’affichage circonstancié des données, de fouiller cette base de données selon des critères établis par Boris Czerny et son équipe (croisement de la profession et du sexe de la personne, croisement de la profession et de l’adresse ou encore le sexe et le statut marital, etc.). En marge de ces requêtes formulées en XQuery, d’autres outils d’analyse des données de la base sont envisagés comme la production de graphiques sur l’origine géographique des individus connue à partir du lieu de naissance indiqué sur les fiches de protocoles ou la production de pyramides des âges. Dans le cadre d’une étude spatiale, les données d’adresse sont utilisées pour déterminer la répartition de la population juive au moment de l’inscription.

En plus des protocoles nous disposons d’un nombre important de laisser-passer. Ils contiennent généralement les adresses des entreprises et des ateliers qui emploient de la main-d’œuvre juive. L’ensemble de ces adresses a été placé sur une carte dessinant aussi les espaces, les lieux où les Juifs devaient (ou pouvaient) se rendre pour travailler.

Le projet disposera à terme d’études et de textes de présentation rédigés par les collègues spécialistes de la Shoah en Europe de l’Est pour tirer parti de ce matériau archivistique. Ces études donneront des indications générales sur le fonctionnement du ghetto pendant l’occupation allemande (rédaction de textes sur l’accès aux soins, le travail, etc.), notamment auprès d’un public large.

La projection sur la carte reconstituée du ghetto de l’adresse de chaque prisonnier mentionnée sur les protocoles d’enregistrement devrait enfin fournir à l’équipe scientifique du projet des éléments socio-démographiques et socio-économiques importants pour visualiser la densité de la population par rue (grâce aux adresses sur les protocoles), pour tracer les déplacements de la population et circonscrire les limites mêmes du ghetto.

Un des autres objectifs scientifiques visés est aussi de mieux se représenter la porosité du ghetto, c’est-à-dire de mesurer les interactions socio-spatiales des juifs du ghetto avec la population alentours. Le recours aux instruments géographiques en contexte numérique permettra de répondre à un certain nombre de questions sur la spatialité du ghetto de Brest-Litovsk.