Il apparaît que les sciences humaines et sociales, en lien avec les sciences de la nature ou formelles et avec la société civile, sont de plus en plus sollicitées pour accompagner la mutation globale – et locale – de la société face au double enjeu, d’une part, de la pollution de l’environnement, du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité et, d’autre part, des mutations du vivant et de la nécessaire protection de l’intégrité physique et psychique de la personne humaine à l’ère de la convergence NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, technologies de l’Information et sciences Cognitives).
– Pollution d’origine anthropique, changement climatique et effondrement de la biodiversité
Le vivant et l’énergie sont les deux piliers de la question écologique, question devenue déterminante de tous les enjeux sociaux : habiter, l’être-ensemble, le travail, les déplacements, mais aussi la santé, la mémoire collective, et plus largement les styles de vies.
Outre le fait de caractériser les menaces, ce qui était l’ambition du Pôle jusqu’alors, le projet porte aujourd’hui sur l’accompagnement, nécessairement interdisciplinaire et intersectoriel vue la complexité des problèmes, le Pôle est dorénavant tourné vers la fabrique des « politiques de l’anthropocène », c’est-à-dire une durabilité forte située bien au-delà des horizons du développement durable. Il faut préparer les sociétés à des changements radicaux et brutaux (la COVID a rappelé la dimension imprévisible et incommensurable des « nouveaux risques ») mais également accompagner les changements structuraux qui doivent s’effectuer dans toutes les sphères de la société, de la production de biens (incluant l’innovation, la low-tech, les nouveaux modèles économiques etc.) aux styles de vie et à la consommation durable. Ces changements se feront dans la lenteur, car faire évoluer des systèmes productifs ou des systèmes sociaux nécessite du temps et de l’accompagnement.
Cette dernière dimension, celle de la recherche participative et des sciences citoyenne confine à la mise en œuvre de recherches-action incluant les différentes parties prenantes (citoyens/usagers, élus, industriels et autres professionnels).
– Les mutations du vivant humain et la protection de la personne humaine à l’ère de la convergence NBIC
Les évolutions technologiques, notamment la convergence NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), soulèvent de multiples questions éthiques en ce qu’elle sont susceptibles de menacer l’essence même de la personne humaine. Le champ des possibles est en effet vertigineux : maîtriser le cycle de vie humaine (de la naissance à la mort), aller au-delà des limites biologiques de la condition humaine, parvenir à une convergence Homme-machine, créer des bio-objets, matériaux vivants, mais aussi des êtres transgéniques et chimériques, etc.
Le Pôle propose de caractériser ces différentes menaces en engageant une réflexion interdisciplinaire sur ces questions, les analyses sectorielles cloisonnées étant insuffisantes pour développer une réflexion devant nécessairement mêler bioéthique et info-éthique, sciences humaines et sociales et sciences dures.
Là encore le développement de recherches-action semble opportune afin de déterminer avec les intéressés (citoyens, industriels, chercheurs, etc.) ce qui est à la fois socialement, techniquement et éthiquement souhaitable.
● Le Pôle, en tant que plateforme de montage de projets, sera à la tête de consortia nationaux dans les domaines suivants :
1 – L’énergie et les changements sociaux (sobriété énergétique, économie de l’énergie, lowtech et habitat).
L’énergie est au fondement de toute la société : extraction et transformation des matières, transport, production agricole, pêche… Or 80% de l’énergie est carbonée, ce qui constitue un problème majeur face au mur climatique. La décarbonation signifie donc une transformation radicale des sociétés, de leur organisation et bien sûr des styles de vie.
C’est en partant de ces premières interrogations que “l’observatoire exploratoire des pratiques sociales liées à la crise énergétique” s’est constitué en 2022 sur la base d’un consortium formé par l’Institut-Tésé du CEA, du Centre de sociologie de l’innovation (CSI) de Mines Paris Tech, du Centre de recherche sur les risques et les vulnérabilités de l’Université́ de Caen Normandie (CERREV) et du Dôme (CCSTI). Suite à un dépôt ANR infructueux, un important travail de repositionnement est effectué, notamment dans le cadre du PEPR SPLEEN, de l’ANR et de l’ADEME.
2 – Les matériaux et molécules issus de la biomasse renouvelable et leurs usages
L’un des principaux problèmes de nos sociétés occidentales contemporaines réside dans la recherche incessante du confort. Notre corps est standardisé comme notre environnement contrôlé et normalisé. Nous avons un esprit « plastifié » ! Les plastiques se sont imposés dans notre quotidien car ils sont faciles à mettre en forme, léger, résistant et très peu coûteux. Avec deux millions de tonnes de plastiques produites en 1950, 230 millions en 2000, 460 millions aujourd’hui et, selon l’OCDE, entre 800 millions et 1,2 milliard en 2060 dont plus de 10% échapperaient aux systèmes de gestion des déchets et finiraient directement dans la nature, les plastiques sont la plus grande pollution de tous les temps. Mais pouvons-nous les remplacer ?
Il existe pourtant une alternative émergente aux plastiques pétrosourcés porteuse d’enjeux avec la mise en place d’une filière de matériaux biosourcés. Encore faut-il rester très prudent quant à la clarification des définitions sur des notions comme les plastiques biosourcés, biodégradables et compostables sur lesquels il y a de multiples controverses.
Les projets PROSPERITY (2022-2026, BPI PIA) et TATTOO (2024-2028, ADEME PIA), en partenariat avec DEPESTELE, UNICAEN et Nantes Université visent à lever les freins au déploiement de ces matériaux biosourcés et à anticiper la croissance de la demande, en concevant des produits issus à 100% de ressources renouvelables locales. L’objectif de ces recherches est donc de concevoir et encourager des nouveaux modèles durables de consommation, de production et d’approvisionnement économe en ressources naturelles, sobre en carbone et circulaires. Dans ce contexte, un questionnement de fond s’impose : comment rendre plus soutenable notre rapport aux plastiques ? « Des Générations Plastiques », le programme de recherche participative lancé par l’ABTE et le Dôme (CCSTI) s’empare de cette question et fait le pari que c’est une grande diversité de personnes, de points de vue, d’expériences que nous trouverons des réponses adaptées et applicables.
3 – Les questions littorales et maritimes
La mer est une nouvelle frontière et une source d’acticités nouvelles (éolien, hydrolien) ainsi qu’une ressource (matières premières, vivant). Elle est aussi source de conflits, situation de crises (érosion et stratégies) et de mise en politique (protection etc.)
Un projet de poursuite de la collaboration avec Taïwan sur la protection de la biodiversité (colloque à Taïwan en 2025)
Projet (validé) avec le GIS ECUME (effets cumulés sur le milieu marin) : un IGR SHS sur 1 an (2024-2025) + living lab
4 – La protection de la personne humaine face aux évolutions biotechnologique et numériques
● L’extension du champ des possibles dans le domaine biomédical rend la protection de la personne humaine particulièrement nécessaire face aux risques croissants de réification et de marchandisation du corps humain, mais aussi de manipulation du vivant et de floutage des frontières entre espèces.
Des travaux ont d’ores et déjà été menés dans une démarche à la fois transdisciplinaire et internationale, dans le cadre de la ligne Bioéthique / Biodroit de la Chaire d’excellence CNRS Normandie pour la paix (2021-23) sur le transhumanisme, le transanimalisme et la médecine améliorative.
Des travaux communs avec la Commission nationale française pour l’UNESCO et l’Association internationale Droit, Ethique et Science sont en cours avec la participation à la mise en place d’une Académie franco-latino-américaine de bioéthique. Un projet Ecos-Sud (2026-28) a également été déposé en partenariat avec des collègues chiliens sur ces questions.
● Le développement du numérique en santé questionne quant à lui particulièrement sur la protection de l’intégrité psychique de la personne et des donnée cérébrales. L’émergence d’IA émotionnelles (capables de détecter les émotions humaines et de s’y adapter) et de la neuro-IA (issue de la convergence de l’IA et des neurosciences) sont des questions d’actualité majeures qui appellent une réflexion interdisciplinaire. Les travaux commencés en partenariat avec le GREYC dans le cadre du Projet de Fédération Hospitalo-Universitaire (FHU) « Améliorer le pronostic des troubles Addictifs et Mentaux par une Médecine Personnalisée » (A2M2P) en 2020-2025 seront continués avec le projet Mental AI financé par l’ANR et la Région Normandie (2025-2028). La mise en place d’un colloque international et interdisciplinaire tous les deux ans sur le thème « IA et santé mentale » est notamment prévu.
Le GREEN-lab est un projet de plateforme de montage de projets transdisciplinaire destiné à créer des passerelles entre le monde de la recherche, les collectivités, l’entreprise et la société civile dans le domaine des transitions écologiques et de l’environnement.
Axes de recherche
Bifurcation écologiques
Le concept de bifurcation écologique regroupe un ensemble de principes et de pratiques formées à partir des expérimentations et des observations d’individus, de groupes, de villages, villes ou communes, lorsqu’ils ont commencé à travailler sur les problématiques de résilience locale, d’économie en boucle et de réduction des émissions de CO2. Ces principes ont été déclinés dans les domaines de l’agriculture, les usages dans les villes (avec le mouvement des villes en transition) ou plus généralement avec le principe de résilience. On entendra par bifurcation un changement d’orientation socio-technique redéfinissant les rapports entre technique et société (lowtech), la forme du politique politique (démocratie technique, livinglab, économie contributive) et d’organisation sociale (bio-régionalisme). Le rôle du Pôle est de permettre la mise en œuvre d’approches pluridisciplinaires pour l’accompagnement de ces démarches.
Expertise, écotoxicologie et santé environnement
Dans toute l’histoire de la vie sur Terre, jamais des organismes n’ont autant marqué leur empreinte dans l’environnement, modifié le climat et l’écosystème, en une demie-génération : 1360 experts de 95 pays de l’ONU admettent que nous sommes en pleine crise de la biodiversité atteignant la sixième extinction géologique des espèces, à laquelle les humains participent. Outre les conséquences globales et locales touchant l’agriculture, le développement des pathologies environnementales (cancers, maladies nerveuses, immunitaires, hormonales, de la reproduction…) chez les animaux sauvages et nous-mêmes, et outre les transformations et concentrations des sociétés en mégapoles, c’est aussi la première fois dans l’histoire de l’humanité que nous sommes aussi nombreux, que nos ressources sont autant épuisées et polluées, et que les contaminants chimiques issus de nos activités industrielles contaminent toutes les formes de vie sur la planète. La recherche et l’enseignement universitaires ne peuvent rester indifférents à de tels enjeux qui devront être mieux abordés au XXI° siècle. C’est la synthèse de ces expertises et l’analyse et l’expérimentation de solutions régionales et internationales, tout comme une recherche active sur l’étendue précise des problèmes, qui constitue l’objectif de l’axe santé environnement du Pôle. Par essence, ces études et mises en place de solutions (par exemple détoxification, dépollution, évolution des lois et d’indicateurs économiques environnementaux, cartographie des risques et de leurs gestions, meilleure connaissance des besoins sociétaux ) ne peuvent être que transdisciplinaires.
Transformations substantielles du vivant humain
La convergence NBIC mène aujourd’hui à un véritable point de bascule anthropologique concernant notre rapport au vivant humain. Jadis sacralisé, ce dernier est aujourd’hui maîtrisé, modifié, instrumentalisé… Les évolutions technoscientifiques dans le domaine de la santé invitent à une permissivité de plus en plus grande, comme le révèle l’évolution des lois en matière de bioéthique. Ce mouvement n’est pas sans interroger le rôle de la médecine à l’heure où le critère traditionnel, consistant à distinguer le normal et le pathologique (Canguilhem, 1966), ne semble plus à même de déterminer ce qui relève ou non de la médecine, autrement dit ce qui doit être ou non autorisé.
Les progrès informatiques et numériques rendent quant à eux envisageables de multiples atteintes à l’intégrité psychique de l’être humain et laissent certains envisager une convergence Homme / machine. Comment protéger la personne humaine face à ces nouveaux enjeux ?
Les travaux menés au sein du Pôle Risques sur ces sujets le sont dans l’interdisciplinarité et mêlent sciences humaines et sociales, d’une part, et sciences dures, d’autre part, afin d’appréhender ces phénomènes dans leur globalité.
Recherches en cours
- MENTAL AI (porté par Gaël DIAS) en cours pour 3 ans : développement et encadrement d’outils d’IA dans le domaine de la santé mentale
- PROSPERITY
Programme BPI France 2030 en cours (ABTE, CRISMAT, DEPESTELE) pour 4 ans : synthèse de nouveaux bio plastiques (PHAs) par voie bactérienne et de matériaux biosourcés à base de fibres de lin.
- TATTOO
Programme ADEME France 2030 en cours (ABTE, GeM/Nantes, DEPESTELE) pour 4 ans : synthèse de nouveaux matériaux biosourcés à base de fibres de lin. Valorisation de la biomasse lignocellulosique et gestion soutenable des gisements et du cycle de vie des produits. Création d’un centre de compétence en ingénierie biocomposites structurels.
- URBIOM (projet en cours de montage) : bioraffinerie urbaine soutenable
- Prométhée
Programme POPSU en cours (CERREV-Ville de Caen) pour 3 ans : plateforme d’observation des stratégies urbaines. Thème : sobriété énergétique. Une thèse / chaire ARPENTER-Vinci
- PEPR SPECULAR
- GIS ECUME (clos en 2025)
Rendez-vous
Formations
Master Sociologie
Le Master Sociologie – ( Gouvernance des risques et de l’environnement (GREEN) + Vulnérabilité) intègre le séminaire du Pôle Risques dans son cursus. Ce master est adossé au Pôle depuis sa création.
Les chercheurs du Pôle enseignent dans les masters :
Master professionnel Contrôle de l’environnement industriel
Master A GIRE : Aménagement et gestion intégrée des ressources environnementales
Master SUM et T : Sociétés urbaines en mutations et territoires
Master GÉO_RIS_TIG : Géomatique, risques et traitement de l’information géographique
Master recherche mention sociologie : Risques et vulnérabilités
Master LEA Développement durable DDSC : Stratégies de concertation et de communication
Master professionnel “Urbanisme durable” Master I “Diagnostic territorial et projet urbain” et Master II “Ingénierie de l’aménagement durable”
Doctorants
- Bastien FOND, CERREV
- Sarah MIGAULT, CERREV
- Louis LASNON, CERREV
- Nikolas FOURE, CERREV
- Aurore PEINADO, CERREV
- Paul CHEENNE , CERREV
- Alexandre GUILBAUD , CERREV
- François MILLET, CERREV
- Florence POIRRIER, CERREV
- A compléter
Archives
Séminaire de master 2023 – 2024
Science, technique, société
« Transition, technique, territoire »
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Recherche
- Sens et non sens des droits de l’homme à l’ère de la mondialisation et de l’anthropocène (Séminaire de recherche)
- Transhumanisme et droit(s)
- Justice, Vérité et Résilience(s) ANR TETHYS (Transition énergétique territoires hydrogènes et société)
- L’évaluation de l’effectivité du droit de l’environnement grâce à des indicateurs juridiques (Séminaire de recherche)
À voir, à écouter
Retrouvez les manifestations du pôle risques, qualité et environnement durable sur la Forge numérique de canal U

