De janvier à la mi-septembre 1944, les bombardements en Haute-Normandie deviennent une réalité quotidienne. Du début de l'année jusqu'au débarquement, l'aviation anglo-américaine cible ses attaques sur les grands axes de communication, détruisant ponts et gares de triage. Ces opérations s'inscrivent dans le cadre du plan Overlord. Elles visent à entraver, voire à interdire le franchissement de la Seine aux troupes allemandes. Le 19 août, l'encerclement de l'arrière-garde allemande marque la fin de la bataille de Normandie. Après quatre années d'occupation, la Haute-Normandie se trouve au cœur de la guerre. En effet, les Alliés se ruent vers la Seine. Les combats de libération se déroulent du 19 août à la mi-septembre. Les Havrais sont les dernières victimes de ces opérations. La capitulation de la garnison, le 12 septembre, marque la fin de l'occupation allemande dans la région.
Le Havre, vers 1944-1945, près du monument aux morts de la Guerre 1914-1918
Chronologie des bombardements d'avions ou d'artillerie les plus meurtriers | |
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5 janvier | Saint-Léger-aux-Bois |
7 janvier | Rouen |
21 janvier | Belleville-en-Caux |
10 avril | Le Havre et son agglomération |
19 avril | Rouen, Amfreville-la-Mivoie, Blosseville-Bonsecours, Bois-Guillaume, Saint-Étienne-du- Rouvray, Sotteville-lès-Rouen |
7 mai | Elbeuf, Orival |
7-8 mai | Saint-Valéry-en-Caux |
19-20 mai | Dieppe, Neuville-lès-Dieppe |
22 mai | Les Ventes |
26 mai | Vernon |
27 mai | Rouen |
30 mai | Elbeuf, Saint-Aubin-lès-Elbeuf |
30 mai-4 juin | Rouen (Semaine Rouge) |
2 juin | Les Andelys |
10 juin | Aubevoie |
12 juin | Évreux, Conches |
14-15 juin | Le Havre et son agglomération |
16 juin | Auppegard |
22 juin | Rouen, Grand-Quevilly, Petit-Quevilly |
24 juin | Rouen, Déville-lès-Rouen |
12 juillet | Damville |
15 juillet | Rouen, Bois-Guillaume, Mont-Saint-Aignan |
17 juillet | Eu |
24 juillet | Elbeuf |
26 juillet | Bernay |
31 juillet | Le Havre |
2 août | Le Havre |
3 août | Ézy-sur-Eure |
13 août | La Haye-du-Theil, Louviers, Le Neubourg |
16 août | Brionne, Nassandres, Pont-Audemer |
17 août | Appeville-Annebault, La Ferrières-sur-Risle, Pont-Audemer |
26-27 août | Rouen, Grand-Quevilly, Petit-Quevilly |
24-28 août | Elbeuf, Caudebec-lès-Elbeuf, Sant-Pierre-Iès-Elbeufs |
5-12 septembre | Le Havre et son agglomération |
Affiche de propagande allemande après la Semaine rouge du 19 avril à Rouen, Sotteville et les communes alentour.
L'ensemble des bombardements fut particulièrement meurtrier. Les raids aériens étaient sans doute inévitables, mais la stratégie adoptée pose problème. Le « tout-bombarder» des Alliés a détruit des quartiers, des villes entières, parfois à la suite d'informations erronées ou imprécises. Souvent, ce sont des ruines qu'on libère. Les destructions les plus amples concernent les villes situées dans la vallée de la Seine : Caudebec-en-Caux, Rouen (dévastée à 45 %), Elbeuf, Louviers et Vernon, sur le pourtour de la Seine-Inférieure, Le Havre (80 %), Fécamp, Saint-Valéry-en-Caux, Dieppe, Le Tréport, Blangy-sur-Bresle, Aumale et Gournay-en-Bray. Dans l'Eure, les bombardements se concentrent sur Évreux, détruit à 58 %. Certaines petites localités figurent parmi les plus sinistrées : Fontaine-Ia-Mallet (98 %), Orival (84 %), ou bien encore Berneval-le-Grand (80 %).
Impacts des bombes sur la ville du Havre après le bombardement du 12 septembre 1944
Au total, 5 370 personnes ont été victimes des bombardements auxquelles il faut ajouter 380 disparus. Les hommes sont surreprésentés avec 53,5 % des victimes.
Lieux de décès | ||
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Eure | 7557 | répartis sur 129 des 702 communes du département (18 %) |
Seine-Inférieure | 3806 | répartis sur 200 des 759 communes du département (26 %) |
Total | 13 632 |
Les trois grandes agglomérations, Évreux, Le Havre et Rouen concentrent les trois-quarts des décès, soit 3 841 victimes. Le Havre, avec 2 408 morts (dont 330 disparus), est l'une des villes les plus meurtries de France. Rouen voit disparaître une partie de son patrimoine, la plupart de ses monuments sont gravement mutilés.
Répartition socio-professionnelle des victimes | ||||||
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Le Havre agglomération | Rouen agglomération | Seine-Inférieure Reste | Seine Inférieure Total | Eure | Haute Normandie | |
Sans profession et retraités | 528 | 477 | 109 | 1114 | 263 | 1377 |
Ouvriers (agriculture et industrie) | 235 | 304 | 135 | 674 | 107 | 781 |
Employés et domestiques | 425 | 424 | 68 | 917 | 175 | 1092 |
Agriculteurs | 13 | 9 | 77 | 99 | 61 | 160 |
Artisans, patrons (industrie et commerce) | 229 | 142 | 62 | 433 | 87 | 520 |
Professions libérales | 13 | 6 | 0 | 19 | 13 | 32 |
Hauts fonctionnaires, enseignants, ingénieurs, cadres supérieurs et moyens | 16 | 42 | 3 | 62 | 7 | 69 |
Autres professions | 45 | 52 | 9 | 105 | 22 | 127 |
Total | 1504 | 1456 | 463 | 3423 | 735 | 4158 |
Les victimes sont en majorité des citadins, des adultes, des employés ou des ouvriers, mais aussi des ruraux, qui doivent leur calvaire à la proximité d'un carrefour, routier ou ferroviaire, d'une rampe de V1.
Les énormes destructions provoquées par l'utilisation massive de bombardiers stratégiques semblent à l'origine du véritable choc ressenti par les survivants, choc qu'aggravent les interrogations sur la finalité et la nécessité militaires d'opérations d'un coût humain et matériel aussi lourd.
Survivre dans les ruines du Havre, hiver 1944.