Vestiges de la Seconde Guerre mondiale

Désignation

Un promeneur circulant sur la route reliant le bourg de Lonrai à celui de Colombiers peut remarquer, sur sa gauche, une clôture entièrement constituée d’une sorte de grillage soudé, ceci en lieu et place de l’habituel fil barbelé. Il s’agit en effet des dernières traces de l’aérodrome provisoire aménagé sur ce secteur en 1944, d’abord par l’occupant, puis par les Alliés. L’endroit va ainsi connaître deux périodes, à savoir les opérations aériennes allemandes du 12 juin au 5 août, puis américaines du 15 août jusqu’à la fin de l’année. Deux périodes d’activités inégales en durée, ainsi qu’en intensité. À partir d’avril 1944, les autorités militaires allemandes vont d’abord procéder à la réquisition de terres : les premières et principales concernées - 57 hectares sur 60 - sont celles exploitées par la famille Croisé, de la ferme de La Croix à Lonrai. La famille est contrainte d’évacuer son cheptel et d’assister à l’arrachage de la plupart de ses pommiers. Puis viennent pour le terrassement la réquisition de divers matériels et des hommes. Jusqu’à 150 Allemands s’installent dans les bâtiments agricoles de la ferme, puis, après l’arrivée des premiers aviateurs, c’est la maison d’habitation qui est occupée. La famille Croisé est alors hébergée le soir dans un autre village de la commune. Les responsables allemands du chantier, quant à eux, sont installés dans une maison située en face de l’église et un groupe loge au bout de la piste dans la ferme de Mortefontaine, située sur Cuissai. Dans le cadre du Service du Travail Obligatoire (STO), institué par la loi du 16 février 1943, les maires de toutes les communes environnantes, vont recevoir, à compter de début mai, un télégramme de la préfecture les priant de fournir un certain nombre d’hommes, âgés de 16 à 60 ans. Ils devront se présenter, munis de pelle, de pioche, et de leur repas du midi, devant l’église de Colombiers pour la première convocation, puis par la suite à la mairie de Lonrai1. La commune doit quelquefois aussi fournir un tombereau avec homme et cheval. Ce sera le cas pour Valframbert le vendredi 2 juin qui devra fournir trois attelages. Le terrain proprement dit a pour dimensions 1 370 m x 185 m, auquel il convient d’ajouter celui de secours de 825 m x 90 m entre Briante et Clerchenay, mais qui semble avoir été peu utilisé. L’escadron dont dépendra Lonrai est le Jagdgeschwader 1 « Oesau » (groupe de chasse de jour) du nom de son ancien commandant abattu le 11 mai 1944 et remplacé le 20 par le lieutenant-colonel Herbert Ihlefeld. 2. L’aérodrome américain ALG 45 (septembre-novembre 1944) A. L’aménagement du terrain par le 850ème bataillon du génie de l’air US Air Force Vers le 15 août 1944 arrive le Génie Américain des forces aériennes pour l’aménagement d’un ALG c'est-à-dire un Advanced Landing Ground, que l’on peut traduire littéralement par terrain d’atterrissage avancé. Il s’agit de la dénomination donnée aux terrains temporaires destinés au soutien des troupes terrestres. Ces terrains, qui seront construits en totalité, ou réaménagés après une piste allemande (c’est le cas de Lonrai), se déplaceront au fur et à mesure de l’avancement du front. Ils seront aménagés par les bataillons du Génie rattachés aux forces aériennes, qui, pour certains, feront partie des premières troupes à débarquer. Les ALG comportent tous un numéro de code, mais celui-ci ne correspond pas à l’ordre chronologique des installations. Sans comparaison possible avec la préparation du terrain de la Luftwaffe, dans le cadre de réquisitions, avec pelles, pioches et tombereaux, le terrain sera aménagé par le 850ème bataillon du Génie. Comme pour beaucoup d’ALG la piste aura 1 500 m de long pour 36 de large, orientée à 54° N-E/S-O, donc un peu plus longue de l’ordre 150 à 200 m que celle de la Luftwaffe. Après l’intervention de scrapers et des bulldozers est posée cette sorte de grillage, que l’on retrouve encore en bordure de certaines parcelles dans la plaine et dans certaines barrières. Il s’agit du SMT (Square Mesh Track) ou piste en grillage à maille carrée soudée de 7,6 cm, d’environ de 5 mm de section, en rouleau de 22 m x 2,2 m. Ces grilles, étendues manuellement et fixées au sol par des piquets, sont maintenues entre elles par des clips. Un autre matériau est aussi utilisé : le PHS (Préfabricated Hessian Surfacing) ou revêtement de jute enduit. Il s’agit d’une toile, entre 1 m et 1,50 m de large pour 61 m de long, et une épaisseur de 3 à 5 mm, en général déroulée à l’arrière d’un camion GMC chargé aussi de fûts de colle, composée d’un mélange d’essence et de gas-oil et qui sera versé à l’avant du véhicule par de petits tuyaux. Les bandes se chevauchant sur la moitié, le revêtement aboutit à une épaisseur d’environ 5 mm. Les tentes pour les cantonnements, seront montées au moins à trois endroits, à savoir : près du bois des Grouas, de la ferme du château de Lonrai, et du haras, où sera aussi installée une grande tente pour le pliage des parachutes. L’alimentation en d’eau potable, se fera par citernes, puisée au moulin de Condé. Les travaux vont être effectués sur une quinzaine de jours, et un peloton de la compagnie C restera pour réaliser les derniers aménagements avant l’arrivée des premiers appareils le 6 septembre, et assurer ensuite la maintenance. La nouvelle affectation du bataillon sera Romilly-sur-Seine, dans l’Aube, ville qui a été libérée le 22 août 1944. - Arrivée des Lockheed P-38 Lightning Venant de l’ALG19 situé au lieudit La Vielle, sur la commune de Saint-Georges-d’Elle dans la Manche, c’est le 370ème Groupe de Combat qui commence à rejoindre Lonrai à partir du 6 septembre avec les 401ème, 402ème et 485ème escadrilles1. Nous verrons qu’une partie de ce groupe repartira rapidement de Lonrai. L’effectif d’un groupe de chasseurs-bombardiers, composé de trois escadrilles, est réparti comme-suit : un quartier général de 27 officiers, 1 sous-officier et 70 hommes, et pour chaque escadrille : 39 officiers, 274 hommes et 25 appareils, soit un total d’environ 1000 militaires. Le 370ème Groupe de Combat est doté de Lockheed P-38 Lightning. Avec une envergure 50% plus grande que les petits Focke-Wulf de la Luftwaffe ces avions, souvent dénommés « double queues », sont beaucoup plus imposants. À partir du 26 septembre les derniers chasseurs-bombardiers ont quitté Lonrai. L’arrivée des Douglas C-47 Dakota Ces avions commencent à arriver à Lonrai le 28 septembre. Le 439ème Groupe de Transport de Troupes, composé des quatre escadrilles 91ème à 94ème, était précédemment basé sur l’ALG 68 de Juvincourt dans l’Aisne, après avoir quitté celui d’Upottery en Angleterre, dans l’est du Devon. La plupart des C-47 quittent Lonrai le 4 novembre pour l’aérodrome de Châteaudun, et seront les derniers appareils sur cet aérodrome, à l’exception de l’atterrissage imprévu d’un bombardier en avril 45. Extraits d'un article rédigé en 2016 par R. CHEVALLIER R. : L’aérodrome de Lonrai-Colombiers en 1944. Etudes Ornaises, volume 1, p .141-197.