De Londres, le 4 Iuillet 1689.
Le 23 du mois dernier, la Chambre-Basse ordonna que le Docteur Eliot, le Capitaine Vaughan et quelques autres prisonniers seroient poursuivis comme criminels de Haute-Trahison,
pour avoir distribüé des copies de la derniére Déclaration du
Roy de la Grande Bretagne
. Mais on n’est pas encore convenu des formes de la procédure, qui doit estre aussi nouvelle que le crime
. On continüa ensüite, de délibérer sur le Bill d’amnistie : et il fut résolu que le premier article des crimes exceptez seroit d’avoir appüyé directement ou indirectement le pouvoir de dispenser des loix et d’accorder des pardons. Il fut proposé de faire dresser par vn Committé, la liste de tous ceux qui pourroient estre recherchez sur les articles qui doivent estre exceptez de l’amnistie, dans la veüe de mettre ainsi à couvert plusieurs Seigneurs qui craignent toûjours d’estre poursuivis par les Communes. Mais cet avis fut rejetté à la pluralité des voix. Il fut ordonné que le Clerc de la Couronne donneroit les noms des Iuges qui décidérent il y a quelques années, que le Roy pouvoit dispenser des loix : et que l’exercice de ce pouvoir estoit conforme aux loix et à l’vsage immémorial de toutes les Cours de Iustice. Ces Iuges et ceux qui présidérent au jugement de l’affaire des Evesques furent aussi citez, pour rendre raison de leur condüite. Le 24, les sieurs Pemberton,
Atkins
, Grégory,
Dolben
, Iones Within, Holloway et
Montague
comparurent.
Le Roy
leur avoit osté leurs charges : et la Chambre leur demanda s’ils en sçavoient les raisons. Ils dirent qu’ils croyoient que
Sa Majesté
les en avoit privez, parce qu’ils s’estoient opposez à la confiscation des priviléges de la ville :
et qu’ils avoient esté d’avis que l’Acte qui establissoit l’excise ou impost sur les boissons, n’avoit plus de vigueur apres la mort de Charles II, et qu’on ne le pouvoit exiger sans vn nouvel Acte : non plus que la taxe sur les cheminées.
Les Seigneurs proposérent dans leur Chambre, qu’il y avoit tout à craindre des entreprises des Catholiques, qui non seulement ne s’estoient pas éloignez de cette ville : mais venoient en assez grand nombre à Whitehall, mesmes durant les séances. Ils dirent ensüite, que le péril ne menaçoit pas seulement le Parlement, mais tout le Royaume, puisque le nombre de ceux qui demeuroient attachez au service du
Roy
estoit fort grand
: et qu’aulieu de diminüer, il sembloit augmenter tous les jours. Ils résolurent de délibérer incessamment sur les moyens de pourvoir à la seureté publique, en prévenant les révolutions au dedans du Royaume, et les périls dont il estoit menacé au dehors.
On ne doute pas que cette délibération n’ait esté faite pour préparer la nation à vne proposition qui dans vn autre temps auroit esté fort odieuse : qui est de faire encore entrer dans le Royaume, le plus de troupes étrangeres qu’il sera possible, dont le nombre est déja assez grand pour alarmer toutes les personnes affectionnées au bien public, mais trop petit pour affermir l’autorité du
Prince d’Orange
.
Les Communes ordonnérent le mesme jour, qu’il seroit prié de faire publier vne proclamation pour arrester le Chevalier Blaire, le Docteur Gray et plusieurs autres qui ont distribüé des copies de la Déclaration du
Roy
. On résolut aussi de secourir les Ecclésiastiques Protestants fugitifs d’Irlande, qui se sont adressez à la Chambre : n’ayant pas trouvé l’Archevesque de
Cantorbery
, ny d’autres Evesques qui continüent à refuser de prester les nouveaux serments, disposez à les traiter favorablement : quelques uns leur ayant au contraire, reproché leur rebellion et leur lâcheté d’avoir abandonné leur troupeau. Le 27, apres la troisiéme lecture du Bill pour accorder vn subside d’vn schelin par livre, il fut résolu qu’il seroit envoyé aux Seigneurs. La Chambre examina plusieurs papiers et registres touchant les sentences rendües par les Iuges en faveur du pouvoir dispensatif. Le 28, quelques Deputez proposérent de s’ajourner pour vn certain temps : mais la négative l’emporta à la pluralité des voix, sur ce qu’on représenta qu’il y avoit encore douze Actes à passer. La Chambre écouta le rapport que fit le sieur Bridgeman, des principales procédures de la Commission Ecclésiastique, dont il estoit Secretaire. Elle ordonna aussi que les Iuges Herbert, Withins, Holloway et Wright, qui s’estoient déclarez en faveur du pouvoir dispensatif seroient exceptez de l’amnistie. On reçeut vn message des Seigneurs, pour demander le concours de la Chambre, à la résolution qu’ils avoient prise de desarmer les Catholiques, de leuroster leurs chevaux, et de mettre en estat de défense les Isles de Wight, Gersey, Guernsey, Scilly et Anglesey : les Cinq ports, Pendennis et Falmouth. L’affaire fut renvoyée à des Commissaires. Le 29, on proposa divers moyens de secourir les Protestants fugitifs d’Irlande : et entre autres, celuy de rendre les Ecclésiastiques capables de posséder des Bénéfices en ce Royaume, dérogeant en cela à divers actes des Parlements en faveur du Clergé. Plusieurs lettres interceptées du
Roy
furent envoyées par les Seigneurs : et apres la lecture, il fut résolu que
le Prince d’Orange
seroit prié de faire arrester tous les Catholiques et ceux qui seroient réputez tels : et que tous ceux qui receleroient des armes et des chevaux qui leur appartiendroient fussent poursuivis comme ennemis, la Chambre n’ayant pas encore jugé à propos de les qualifier traitres. Vn Gentilhomme, parti de Dublin le 18, a rapporté qu’on n’avoit encore eu aucun avis de l’arrivée du secours que le Colonel
Kirke
condüit à Londonderry : qu’il y avoit quarante mille hommes devant la place, avec du canon, des mortiers et les munitions nécessaires : que les Protestants qui s’estoient saisis d’Ineskilling, dans l’espérance d’en faire vne place d’armes pour courir le pays, et rassembler les forces de tout le parti, estoient fort resserrez : et que quinze mille hommes en formoient le siége. Vn Ingénieur qui s’estoit avancé avec vn petit bâtiment, ayant trouvé l’entrée de la riviére fermée par vne chaîne, et des vaisseaux enfoncez, a esté obligé de se retirer, apres avoir essüyé vn grand feu de l’infanterie qui estoit sur les bords, dont il eut quinze hommes tüez. On a dit depuis, que le Colonel
Kirk
avoit forcé le passage : mais cette nouvelle n’a pas esté confirmée par des lettres postérieures qu’on a receües, qui portent qu’il estoit résolu de tout risquer pour secourir la place. On croid que l’Amiral
Herbert
est présentement à Torbay avec la flote.
Le Prince d’Orange
a cassé plusieurs officiers comme suspects. Il en a encore cassé vn plus grand nombre dans les troupes de terre : et mesmes la pluspart des cavaliers et des dragons qui avoient servi dans l’armée du Roy. Il y a des régiments où il n’est pas resté vn seul Officier.
Ontravaille toûjours à les rendre complets : et les levées se font avec plus de succez, depuis qu’on a commencé à enroller de gré ou de force, toutes sortes de personnes, la pluspart jeunes gens sans expérience : et il y a vn tres grand nombre d’officiers tirez de la lie du peuple, qui n’ont jamais veu la guerre. Les officiers Généraux destinez à passer en Irlande ont fait entendre qu’ils ne pouvoient se promettre aucun bon succez avec de semblables troupes. Ils en avoient demandé d’étrangéres : mais
le Prince d’Orange
croid en avoir encore affaire. On a fait des magasins en divers endroits pour la subsistance de ces troupes qui camperont dans le Chestershire. On fait courir le brüit d’vn avantage remporté sur Mylord
Dundée
par le Colonel
Mackay
, mais sans aucune certitude.