De Londres, le 11 Iuillet 1689.
Le 30 du mois dernier, la principale résolution prise à la Chambre des Communes, fut de permettre de proposer vn Bill pour faire le procez au Duc de
Powis
, au Comte de Douvres et au sieur Herbert Lord Chef de Iustice comme coupables du nouveau crime de Haute Trahison, parce qu’ils ont tout abandonné plustost que de manquer à la fidélité qu’ils doivent au
Roy
. Il fut aussi résolu de traiter de mesme ceux qui sont au service de la France, à moins qu’ils ne reviennent dans vn temps limité. Le 1r de ce mois, la Chambre délibéra sur le réglement proposé pour assembler les milices : et il fut résolu que comme l’exécution du dessein qu’on avoit eu d’en faire marcher la plus grande partie vers les costes, seroit fort à charge au public, l’affaire devoit estre agitée en grand Committé. Elle consentit à quelques clauses ajoutées par les Seigneurs, à l’Acte pour établir des Commissaires du Grand seau : et entre autres, que ces Commissaires ne pourroient avoir la préséance qu’ils prétendoient sur les Pairs, en la mesme maniére que l’ont les Chanceliers et Gardes du seau. On renvoya au Committé des priviléges la plainte faite par vn des Députez contre le
Gouverneur
de Hull, pour avoir ouvert ses lettres et fait quelque violence au maistre des postes. Enfin, on nomma des Commissaires pour dresser des accusations de Haute Trahison contre diverses personnes, la pluspart sous prétexte de crimes commis sous les régnes précédents. Le 2 de ce mois, la Chambre approuva vn projet d’Acte pour casserla sentence rendüe contre le sieur
Cornish
, vn des
Shérifs
de cette ville, exécuté à mort comme criminel de Haute Trahison. Elle délibéra ensüite, sur l’Acte d’amnistie : et apres plusieurs contestations, il fut ordonné que les noms de ceux qui devoient y estre compris, seroient laissez en blanc. Plusieurs Députez estoient d’avis que la Chambre seule devoit en dresser la liste : mais enfin, elle consentit qu’elle seroit dressée par le Conseil du
Prince d’Orange
. Il se trouve ainsi maistre d’abandonner à la rigueur des nouvelles loix ceux qui luy seront suspects, et d’en délivrer tous ceux qu’il luy plaira. On est néanmoins convenu pour la forme, que quatre Députez des Communes assisteroient aux délibérations du Conseil où elle seroit dressée. On fit aussi la premiére lecture d’vn Acte pour confisquer les biens des Seigneurs et d’autres qui sont actuellement au service du
Roy
, dont vingt deux furent nommez, et qui seront aussi poursuivis comme criminels de Haute Trahison, s’ils ne reviennent dans vn temps limité. La Chambre nomma des Commissaires qui examineront les registres du Conseil et ceux de l’Amirauté, pour prendre copie de toutes les délibérations et des ordres donnez touchant les affaires d’Irlande. Toutes ces procédures font assez connoistre que les Communes veulent s’attribüer vne autorité excessive : ce qui alarme desja plusieurs de ceux qui se sont le plus signalez dans les révolutions présentes, et leur auroit fait soûhaiter que la Chambre se séparast en s’ajournant du moins pour quelque temps. Mais la proposition fut rejettee à la pluralité des voix, comme elle l’avoit desja esté. Le
Prince d’Orange
vint à la Chambre des Seigneurs : et donna son consentement à plusieurs Actes.
Les principaux sont celuy du nouveau subside de deux schelins par livre sterlin sur tous les biens des particuliers.
Vn autre pour autoriser les Commissaires du Grand seau à exercer la charge de Chancelier. Les autres sont pour des affaires particuliéres. Le 4, la Chambre Basse résolut d’accorder vne somme pour le secours des Protestants fugitifs d’Irlande : de faire arrester tous ceux qui se trouveroient engagez, directementou indirectement au service du
Roy
: et de citer ceux qui seroient absents. Pour commencer à exécuter cette resolution, on fit la lecture du projet des articles dressez pour accuser de Haute Trahison ceux qui ont distribüé des copies de la Déclaration de
Sa Majesté Britannique
: et la Chambre les ayant approuvez, ordonna qu’ils fussent mis au net. Elle délibéra aussi sur le projet d’Acte d’amnistie, pour en exclure tous ceux qui ont eu part aux lettres de pardon, dispenses, et autres actes emanez du pouvoir dispensatif : mais cette affaire ne fut pas terminée. Les Seigneurs ne s’assemblérent pas ce jour là, ny le lendemain. Le 5, les
Sherifs
présentérent au nom de la ville vne requeste sans estre signée : et sur ce qu’elle fut rejettée, non seulement pour ce défaut, mais aussi à cause de l’importance de la matiére, les
Shérifs
, et ceux du Commun Conseil la signérent : et elle fut ainsi leüe. Elle contenoit en substance : que dans les conjonctures présentes, il estoit nécessaire pour la seureté de l’Estat, de réünir tous les sujets Protestants de quelque secte qu’ils fussent : et de les rendre capables de toutes les charges civiles et militaires : et enfin de dispenser les nouveaux
Shérifs
de l’obligation de communier à leur Paroisse en prenant possession de leurs charges. Tous ceux de la Chambre qui ont jusqu’à présent fait paroistre quelque zéle pour l’Eglise Anglicane reconnurent aisément que c’estoit vn artifice des Nonconformistes, pour faire réüssir ce qu’ils avoient tenté inutilement dans les premiéres séances, au préjudice des loix qui établissent l’vniformité de Religion. Ainsi l’affaire fut remise à vne plus ample délibération. Le 6, les Communes ordonnérent que
le Prince d’Orange
seroit prié de leur faire sçavoir combien les Hollandois, suivant le traité conclu avec eux, devoient fournir de vaisseaux, leur force, le nombre des canons et des équipages, puis qu’il paroissoit que les secours n’estoient pas tels qu’on les avoit fait espérer. On porta aux Seigneurs, le projet des articles de Haute Trahison, qui doivent estre présentez contre les personnes attachées au service du
Roy
. On examina aussi les sommes dües par la ville aux orphelins, qui se trouverentmonter à plus de sept cent mille livres sterlin.
Il fut proposé de vendre quelques terres de la ville pour acquitter ces dettes, et d’imposer vne taxe sur les eaux qui se tirent de la nouvelle riviére.
Les Seigneurs furent occupez sur des affaires particuliéres, et sur les articles de Haute Trahison dressez contre les fidéles serviteurs du
Roy
. Le 7,
le Prince d’Orange
fit vn discours aux deux Chambres pour leur demander de nouveaux subsides, sur ce que les sommes qu’elles ont accordées, ne sont pas proportionnées à la dépense qu’il est obligé de faire, sur tout pour payer aux Hollandois ce qui a esté ordonné pour leur dédommagement. On avoit fait courir le brüit que le Colonel
Kirk
avoit fait entrer du secours dans Londonderry : et cette nouvelle avoit esté confirmée par des lettres d’Escosse. Mais on a eu avis qu’il estoit encore le 22 du mois dernier, à l’embouchure de la riviére, résolu de tout hazarder pour forcer le passage : ce que l’Ingénieur qu’il avoit envoyé devant, n’avoit pû faire, ayant esté obligé de se retirer avec perte. On a veu depuis, des lettres qui portent que le 23, il avoit tenté le passage : et qu’il avoit esté si vigoureusement reçeu par les troupes du
Roy
, qu’apres avoir perdu quelques bâtimens et plus de trois cents hommes, il avoit eu beaucoup de peine à se retirer : que la ville estant attaquée dans les formes, et n’espérant plus aucun secours, avoit esté obligée d’implorer la clémence du
Roy
, et s’estoit rendüe. Mais les avis qui viennent de ce costé là, se sont trouvez si souvent faux qu’on ne peut encore y ajoûter foy. On sçait seulement que le secours ny estoit pas arrivé : et que le Colonel
Kirk
ne pouvoit rien entreprendre que le 1r de ce mois, à la faveur de la haute marée.
Les prisons sont remplies de personnes qu’on arreste sur le moindre soupçon : et on en a arresté trois, dans le pays de Galles qui avoient plusieurs lettres du
Roy
.
Le Maréchal de
Schomberg
a esté déclaré Généralissime des troupes destinées contre l’Irlande : mais il ne partira pas avant qu’on ait receu des nouvelles certaines de l’état de Londonderry. Le rendez-vous de ces troupes est fixé pour le 22 de ce mois, pres de Chester : et quelques vaisseaux sont commandez pour allerde ce costé là. Il est arrivé environ deux mille hommes de cavalerie et d’infanterie étrangere, qui ont débarqué à Deptfort. La flote commandée par l’Amiral
Herbert
qui est d’environ cinquante vaisseaux de guerre, et de quelques frégates, passa le 1r de ce mois, à Plymouth faisant voile vers l’Oüest.