De Londres, le 26 Décembre 1689.
Les Communes depuis quelques jours, ont particuliérement delibéré sur le nouveau subside de deux schellins par livre sterlin, sur toutes les terres de ce Royaume. La taxe paroist excessive : et plusieurs Députez ont representé qu’elle emporteroit vne année presque entiére du revenu des terres, qui estoit considérablement diminüé depuis les révolutions arrivées en ce Royaume.
Ces remontrances ont seulement servi à faire prendre vne résolution qui a paru nécessaire, qui a esté de n’accorder cette taxe qu’en réglant en mesme temps, l’employ des deniers, afin de prévenir la demande de nouveaux subsides. Ainsi, il fut résolu le 17 de ce mois, qu’vne partie des deniers seroit employée à payer les matelots, et à faire des provisions de vivres et de munitions pour la flote. Cette résolution a vn peu appaisé les matelots, qui n’estant plus en estat de subsister faute de paye qui leur est deüe depuis pres de quatorze mois, commençoient à s’assembler tumultüairement. Plus de cent allérent il y a quelques jours, avec des flambeaux allumez à la Trésorerie, demander ce qui leur estoit dû : menaçant de mettre le feu s’ils n’estoient payez. On les contenta le mieux qu’il fut possible, en leur promettant qu’ils seroient payez sur le premier argent qui proviendroit de la taxe sur les terres. Le 19, la mesme affaire fut examinée : et la clause pour mettre en sequestre vne partie des deniers, ayant esté approuvée, mais les sommes laissées en blanc, on résolut que des quatre cents mille livres sterlin retenües, deux cents mille seroient employées à payer les matelots, cent mille pour les vivres de la flote, et cent mille pour les munitions, gages des ouvriers, et les autres menües dépenses. On proposa aussi de mettre à part vne somme pour le payement de l’armée d’Irlande. Cette proposition fut faite, sur ce que le Committé chargé d’examiner l’estat de cette armée, rapporta qu’elle avoit dû estre payée sur le pied de vingt six mille hommes effectifs, suivant les registres de la Trésorerie : et que selon ceux qui avoient esté communiquez à la Chambre, on l’avoit fait passer commeestant beaucoup plus nombreuse : que cependant plusieurs officiers disoient qu’elle n’avoit jamais esté que de treize à quatorze mille hommes, qui estoient rédüits à environ huit mille.
Il fut aussi résolu de revoir le Bill du subside d’vn schelin par livre, pour tâcher d’en tirer quelques nouvelles sommes : celles qui ont esté levées ne faisant pas la moitié de ce qu’on espéroit en tirer.
Les Seigneurs travaillérent le mesme jour, à vn Acte pour ordonner que le Parlement seroit assemblé au moins, tous les trois ans. Ils résolurent aussi de demander l’exécution des loix qui défendent aux Catholiques de s’approcher de cette ville, plus pres de dix milles. Le 20, les Commissaires chargez d’examiner l’estat de guerre de cette année, rapportérent qu’on ne leur avoit pas communiqué les rôlles des troupes Angloises qui ont servi dans les Pays Bas. La Chambre chargea vn des Commissaires, d’aller trouver le
Comte de Marleborough
qui les commandoit, pour sçavoir les raisons qu’il avoit eües de ne pas produire ces rôlles : et pour luy ordonner de les remettre. On résolut de dresser vn acte pour faire tenir compte des sels de France qui se trouvoient sur les prises faites par les Armateurs, afin qu’ils fussent employez sur la flote, parce qu’on avoit jusqu’à present supposé qu’on les gastoit, sans en faire aucun vsage. La Chambre reçeut vne requeste des Commissaires de l’artillerie, par laquelle ils représentoient qu’ils ne pouvoient la mettre en estat de servir, faute d’argent : demandant que sur les deniers provenants de la taxe sur les terres, vne somme fût mise à part pour cette dépense. Les informations qu’on avoit receües de l’estat de la flote se trouvant fort différentes, ont obligé la Chambre d’en prendre vne connoissance particuliére. Elle ordonna donc le mesme jour, que le Maire de Plymouth, le Capitaine et le Lieutenant du vaisseau l’Exceter rendroient compte de l’estat où ils avoient laissé les vaisseaux qui sont à Plymouth, comme aussi de la qualité et quantité des vivres qui avoient esté embarquez pour l’vsage de la flote, dont il a fallu jetter vne grande quantité, apres avoir reconnu que ces vivrescorrompus avoient causé en partie, les maladies qui ont diminüé si considérablement les équipages. On travailla aux préliminaires de deux actes : l’vn pour procéder contre ceux qui sont en armes avec
le Roy
, comme criminels de Haute Trahison : l’autre pour confisquer leurs biens. On fit la derniére lecture de l’acte pour établir la taxe sur les terres, avec les clauses approuvées par la Chambre, qui ordonna qu’il seroit mis au net. Les Seigneurs envoyérent l’acte pour déclarer les Droits des sujets, et établir la succession à la Couronne, avec quelques changements qui furent approuvez par les Communes. Il y eut à cette occasion, des contestations assez vives, touchant les prérogatives Royales, dont il est parlé dans cet acte : quelques Députez ne voulant pas qu’on en fit mention sans plusieurs restrictions. Le 21, l’acte pour établir la taxe de deux schelins par livre sur les terres, fut leu la troisiéme fois et envoyé aux Seigneurs. On par la ensüite, du revenu accordé au
Prince d’Orange
dans le dernier Parlement, par vn acte qui expiroit au jour de Noël. La Chambre remit à en délibérer à la prochaine séance. On a receu depuis quelques jours, des nouvelles d’Irlande : qui portent que les maladies continüoient parmi les troupes, et que la mortalité n’y estoit pas moins grande dans les quartiers d’hyver, qu’elle l’avoit esté lors qu’elles estoient campées. Le Mareschal de
Schomberg
a demandé permission de venir ici, pour rendre compte de sa condüite : et on l’attend dans peu de jours.
Les troupes Danoises ont receu ordre de marcher vers l’Escosse, pour empescher le desordre que le grand nombre de mécontents qu’il y a dans le Royaume, donne sujet de craindre, sur tout depuis ce qui est arrivé aux troupes qui avoient esté logées dans le Comté d’Ayre.
On dit aussi que
le Prince d’Orange
doit aller à Edimbourg vers le mois de Mars : et passer de là en Irlande, avec vne puissante armée. La Convocation ou assemblée du Clergé n’a encore pris aucune résolution touchant le projet de réunion des Presbytériens avec l’Eglise Anglicane. Le Clergé du second ordre qui est comme la Chambre Basse de cette assemblée, ne veut consentir à aucun changement dans lelivre des Priéres Communes, ni dans aucun point de discipline : et il y a eu sur ce sujet, de grandes contestations avec quelques Evesques, qui font paroistre vn grand zéle pour cette réunion. Quelques vns mesme ont déclamé dans leurs sermons contre la dureté de ceux qui ne vouloient pas avoir de condescendence pour leurs fréres Nonconformistes : et ces invectives n’ont fait qu’aigrir les esprits. Les Communes ont résolu dans leurs derniéres séances, de demander connoissance de l’employ de tous les deniers publics depuis l’arrivée du
Prince d’Orange
: et d’informer contre ceux dont la mauvaise condüite est cause du malheureux succés des affaires d’Irlande. La Cour envoye le sieur Iohnson aupres de
l’Electeur de Brandebourg
: et tout ce qu’elle a d’Agents aupres des autres Princes Protestants d’Allemagne, ont ordre de les engager à fournir le plus grand nombre de troupes qu’il leur sera possible, pour faire encore quinze mille hommes, outre les Danois qui sont déja arrivez. Le Comte de
Solms
est aussi sur son départ, pour aller traiter pour le mesme sujet, avec les Princes de Hanover, de Lunebourg, et de Hesse-Cassel : et il doit ensüite, aller à Hambourg, pour n’en revenir qu’avec les troupes, qu’on fait aussi monter à vn plus grand nombre : en sorte que nous espérons que dans peu, cette Cour cy sera en estat de ne plus souffrir que le Parlement s’explique en maistre, et qu’elle agira d’elle mesme, avec vne autorité absolüe. Elle fait aussi offrir aux Princes, dont elle prétend tirer des troupes, vn pareil nombre d’Anglois, pour s’en servir contre la France : mais on ne croit pas qu’il y en ait aucun qui veüille accepter cet échange : le peu de confiance que
le Prince d’Orange
témoigne y prendre et le mépris qu’il en fait, décréditant fort la nation aupres des étrangers. Mais comme nos armées ne seront plus composées que de François, d’Allemans, de Danois, et peu estre mesme de Suedois, et autres nations encore plus éloignées, il n’y a plus à craindre que ces gens qui ont toûjours esté si zélez pour le maintien des franchises et libertez de l’Angleterre, osent parler à l’avenir, avec la mesme liberté qu’ils ont fait cy devant, ny rien entreprendrequi puisse contenir le présent Gouvernement dans les bornes que les loix prescrivent. Le nombre des troupes Danoises est environ de deux mille hommes plus grand qu’on ne l’avoit d’abord publié.