De Paris, le 23 Avril 1689.
On a publié cette semaine, vne Ordonnance du
Roy
, du 15 de ce mois, portant déclaration de guerre contre l’Espagne. Elle contient en substance : que
Sa Majesté
a esté bien informée que les Ministres d’Espagne ont tasché d’exciter tous les Princes de l’Europe, à prendre les armes contre la France : qu’ils avoient eu la principale partdans la Ligue d’Ausbourg : et que le Gouverneur des Pays-Bas Espagnols a eu part dans l’entreprise du
Prince d’Orange
contre l’Angleterre. Que cependant, ne pouvant croire que cette condüite luy eût esté prescrite par
le Roy
son Maistre, Elle avoit espéré de pouvoir le porter à s’vnir avec Elle pour le rétablissement du Roy légitime, et pour la conservation de la Religion Catholique contre l’vnion des Princes Protestants, ou au moins à observer vne neutralité exacte : au lieu de quoy
Sa Majesté
a appris que l’Ambassadeur d’Espagne voyoit souvent
le Prince d’Orange
et le sollicitoit d’engager les Anglois à déclarer la guerre à la France. Que le Gouverneur des Pays-Bas Espagnols levoit des troupes avec empressement : qu’il promettoit aux Estats Généraux, de les joindre aux leurs au commencement de la Campagne : et les sollicitoit, ainsi que
le Prince d’Orange
, à faire passer des troupes en Flandres. Que sur ces avis, le
Roy
avoit ordonné au Marquis de Rebenac son Ambassadeur à Madrid, de demander vne réponse positive aux Ministres du
Roy d’Espagne
, luy offrant la continüation de la Tréve, pourveû qu’en gardant vne neutralité exacte, il voulût s’obliger à ne secourir directement, ny indirectement, ses ennemis.
Qu’Elle avoit aussi esté informée qu’on avoit résolu de favoriser l’Vsurpateur d’Angleterre, et de se joindre aux Princes Protestants : que les Agens du
Prince d’Orange
avoient touché des sommes considérables à Cadiz et à Madrid
: que les troupes de Hollande et de Brandebourg estoient entrées dans les principales places des Espagnols en Flandres : et que le Gouverneur faisoit solliciter les Estats de faire avancer leur armée vers Bruxelles. Que tous ces avis joints à la réponse donnée au Marquis de Rebenac à Madrid, ne luy laissoit aucun lieu de douter que l’intention du
Roy d’Espagne
ne soit de se joindre à ses ennemis. Qu’ainsi
le Roy
a crû devoir prévenir ses mauvais desseins : et a résolu de luy déclarer la guerre, tant par mer que par terre : enjoignant à tous ses sujets, de courre sus aux Espagnols, avec défenses d’avoir avec eux aucune communication, commerce ny intelligence à peine de la vie : ayant àcette fin, révoqué toutes permissions, passeports, sauvegardes, et sauf condüits.
Monseigneur le Dauphin
a eu quelques accez de fiévre tierce mais le dernier a esté moindre : et on espere qu’elle n’aura aucune suite.
Le 15 de ce mois,
la Reyne de la Grande Bretagne
fit sa communion Paschale en l’Eglise Paroissiale de Saint Germain en Laye : et communia par les mains de l’Abbé de la Villetertre qui en est Curé. Le 16, Elle alla à Maubuisson visiter la Princesse Palatine Abbesse de ce Monastere : où Elle dîna. Ensüite, Elle alla à Pontoise : où Elle fut complimentée par le sieur de Monthiers Lieutenant général de la Ville, à la teste du corps de Iustice et de la ville. Elle assista à la vesture d’vne sœur du Duc de
Berwick
, dans le Monastere des Religieuses Angloises. Le Pére Bourdaloüe Iésüite fit la Prédication : et l’Abbé de Verthamont Grand Vicaire de Pontoise fit la cérémonie. Le 17, Elle alla au Monastere des Religieuses de Saint Dominique à Poissi : où Elle fut reçeüe par la Dame de Chaunes Prieure perpétuelle : et on luy présenta vne collation magnifique. Le 20,
cette Princesse
alla à Versailles voir
Monseigneur le Dauphin
et Madame la
Dauphine
. Le 21, Elle vint coucher au Monastere des Filles de la Visitation de Sainte Marie à Challiot : et hier, Elle vint en cette ville. Elle entendit la Messe : et communia dans l’Eglise Métropolitaine : où Elle fut reçeüe par
l’Archevesque
, à la teste du Chapitre de Paris.
Le 18, la Princesse de Conti accoucha d’vne fille.
Le Prince d’Enrichemont fils aîné du Duc de Sully a épousé la fille du Duc de Coaslin.
Le Comte Delval Envoyé extraordinaire d’Espagne en cette Cour, mourut le 17 de ce mois, âgé de soixante-six ans.
La ville de Bourdeaux a fait vn don au
Roy
de deux cents mille livres, celle de Vennes de cent mille, et celle de S. Malo de cent cinquante mille livres.