De Venise, le 13 Novembre 1683.
Les derniéres lettres de Constantinople portent que le Mufti avoit reçeu avec vne grande surprise, l’avis de la levée du siége de Vienne et de la déroute de l’armée Othomane : et que les
peuples ont fait plusieurs desordres
pour en témoigner leur indignation. On n’a point eu la confirmation de l’avis qui estoit venu que le
Grand Seigneur
avoit fait étrangler le
Grand Visir
. Le brüit court présentement, qu’il s’est si bien justifié de toutes les fautes qu’on luy imputoit, et qu’il a si bien persüadé
Sa Hautesse
qu’il répareroit à la prochaine campagne les disgraces de celle ci, qu’
Elle
l’a confirmé dans son employ, et luy a donné plein pouvoir de faire punir ceux qui n’ayant pas fait leur devoir, ont esté cause des mauvais succez. Vne félouque venüe de Zara a rapporté que les Morlaques sujets du
Grand Seigneur
, ont saccagé cinquante villages des Infidéles : et les terres d’Vrana, de Dernis, d’Ostroviza, de Scardona et d’Obbroazzo : ayant entiérement chassé les Turcs de tous ces lieux. On ajoûte que les Morlaques de Zeng sujets de l’
Empereur
, se sont emparez du Château de Pérusich dans la Province de Licca : et que les peuples de Monté Négro et de l’Albanie se sont pareillement soûlevez : qu’ils ont refusé d’aller à la guerre en Hongrie : et qu’ils se disposoient à prendre les armes contre les Turcs. Des Marchands arrivez d’Aléxandrie, ont asseuré que le
Grand Seigneur
devoit passer de Belgrade à Philippopoli : que les peuples de différentes Provinces n’ont pas voulu recevoir les ordres que
Sa Hautesse
leur avoit envoyez de fournir des troupes et de faire des magasins pour son armée : et mesme, qu’ils ont tüé quelques-vns de ceux qui estoient chargez de ces ordres, et qui vouloient faire travailler à ces levées.