De Venise, le 29 Septembre 1685.
Les derniéres lettres de Constantinople portent que l'ordre que
le Grand Visir
a donné de pendre un homme dans chaque famille pour l'envoyer à l'armée du
Grand Seigneur
, a excité
un grand trouble
parmi le peuple en plusieurs places de 1’Empire Othoman. Sa Hautesse continüe de se divertir à la chasse : & le Grand Visir fait tout ce qui luy est possible pour remettre les choses en estat de réparer à la prochaine Campagne , les mauvais succez de celle cy. L'armée Vénitienne estoit encore aux environs de Coron, le 2 de ce mois : le sieur Morosini Générallissime n'ayant pas jugé à propos de s'éloigner avant que d'avoir fait réparer les fortifications & achever quelques ouvrages nécessaires pour la défense de la place. D'ailleurs, les troupes avoient besoin de repos apres les fatigues d'une si longue Campagne, qui ont causé plusieurs maladies. Il a cependant, envoyé vers Calamata six galéres avec des troupes & des munitions pour affermir les Mainotes dans la résolution qu'ils ont prise de se ranger sous la protection de la République. Plus de trois mille hommes de ces Peuples avec d'autres milices se sont avancez à seize milles de Coron , pour chasser les Turcs de quelque postes importants , & pour faciliter ainsi le passage à un grand nombre d'autres Mainotes , qui vouloient se rendre à l’armée. On dit que le Généralissime a dessein , apres qu'il aura mis Coron en bon estat, & que les troupes se seront rafraichies , d'aller faire le siége de Navarino, si la saison se trouve encore assez favorable pour l’exécution de cette entreprise. Mais on ne parle plus du siége de Modon. Le Chevalier Janco , selon les avis qui ont esté apportez par une barque venüe de Zira, est de nouveau retourné avec un corps de Morlaques & d'autres
troupes , faire le degast sur les terres des Turcs. On continüe de préparer icy , un convoy de troupes & de munitions pour l'armée : & on asseure qu'il ne sera pas moins considérable que le précédent. Le Sénat a fait delivrer des Commissions pour de nouvelles levées : ayant résolu de ne rien oublier pour continüer au Printemps, la guerre contre les Turcs , avec toute la vigueur possible. Deux cents hommes d'infanterie qu'on avoit envoyez d'icy à l'armée, se sont mutinez contre le Capitaine du vaisseau sur lequel ils estoient embarquez : & l'ont obligé d'aborder vers les costes d'Ortone, où ils se sont sauvez.