De Vienne , le 19 Fevrier 1685.
On a sçeu enfin , par des avis certains , que tout ce qui s’est publié touchant les villes de Cassovie & d’Epéries , estoit sans aucun fondement : & que les Marchands d’Epéries ont seulement offert de payer quarante mille richedales tous les ans , si on veut leur accorder la liberté du trafic dans les Païs Héréditaires. On a reçu un nouveau détail les derniéres rencontres du Général Schultz avec les Mécontents pres d’Epéries. Il chargea un de leurs partis , leur tüa deux ou trois cents hommes , & mit le reste en füite. Mais
le Comte Thékéli
, sur l’avis qu’il eut de la défaite de ce parti , poursuivit le Général Schultz avec un renfort de Turcs : & l’ayant joint dans les montagnes entre Soniati & Rosenau , il chargea ses troupes avec tant de vigueur & de succez , qu’il en tüa plus de neuf cents hommes , en fit plus de quatre cents prisonniers , & enleva tout le bagage. On ajoûte qu’apres cette action, il chargea un régiment des Bavarois qui sont en quartier à Neudorff : & qu’il tüa un grand nombre de Soldats. Le dernier Courier arrivé de la Haute Hongrie a rapporté que les troupes des Mécontents avoient abandonné les quartiers qu’ils avoient dans le plat païs au-delà de la Teysse : & que le Général Schultz s’en estoit emparé. Le brüit court que les Impériaux ont attaqué un quartier des Mécontents pres de Cassovie , qu’ils ont tüé environ cent hommes , & qu’ils ont fait quelque butin en cette occasion. Mais on attend plus de certitude de ces nouvelles. Des passagers venus de Bude asseurent que les Turcs ne font point travailler aux fortifications de cette place : & qu’ils en font transporter tout ce qu’ils y ont de meilleur. Les derniéres nouvelles de la Basse Hongrie confirment qu’il est entré un qua
triéme convoy dans Neuhausel : & que la garnison continüe ses courses jusqu’aux portes de Comorre , à la faveur de quelques défilez qui sont dans des marais , où il est tres difficile de les suivre. Les mesmes avis marquent qu’on croid toûjours que le Grand Seigneur viendra à Belgrade , pour y donner les ordres pendant la campagne : & qu’on prépare tout dans cette place , pour y recevoir Sa Hautesse. On ajoûte que le Kan des Tartares a reçeu un ordre tres-expres de la Porte , de se mettre en marche au printemps , à la teste de quatre vingt mille hommes , pour se joindre aux forces Othomanes. Le Comte d’Oetting Colonel de deux régiments de Süabe logez dans la Hongrie , qui en estoit arrivé ici il y a quelques jours , est allé assister à l’Assemblée des Estats de Süabe convoquée à Ulm , afin d’y presser les recrües , & d’y solliciter l’argent & les vivres nécessaires pour les mêmes régiments , & pour les autres troupes que ce Cercle envoye au secours de
l’Empereur
. On a de nouveau, délivré de l’argent aux Officiers , afin qu’ils travaillent incessamment à rendre leurs régiments complets. Les troupes que les Electeurs & les Princes fournissent outre celles qu’ils se sont engagez de donner à l’Empereur , seront jointes avec les neuf mille hommes qui ont esté mis sur pied dans les païs Héréditaires. Les toupes de
l’Electeur de Baviére
sont présentement logées dans le Comté de Trentschin , & en d’autres lieux où elles subsistent commodement. Celles de l’Empereur ne manquent plus de rien aussi , depuis que le Général Schultz les a fait passer au-delà de la Teysse sur les terres des Mécontents , afin d’étendre & d’élargir les quartiers qui luy ont esté assignez , pour terminer le différent qu’il avoit sur ce sujet , avec le Comte Schérini. Le régiment de cavalerie que le
Duc de Hannover
a donné à l’Empereur , & que commande le Prince Auguste de Brunswich , est arrivé en Bohéme : où on amasse les chevaux qui doivent servir à l’artillerie.
Sa Majesté Impériale
a fait faire de nouvelles instances aux villes de Ratisbone , de Passau , d’Ulm , & à d’autres sitüées pres le Danube , de faire des magasins de toutes sortes de provisions : & de tenir des bateaux prestspour le transport des troupes auxiliaires & des munitions qu’on fera passer de l’Empire en Hongrie. On dit à présent , que l’Archevesque de Gran a laissé par son testament à ses héritiers , tous les biens qu'il avoit en Moravie & en Silesie : trois cent mille florins en argent comptant en divers legs pieux : & à
l’Empereur
, tous les draps & tous les grains qui luy restoient , pour servir à l'entretien de ses troupes , outre cent quarante mille florins qu'il avoit déja donnez à
Sa Majesté Impériale
, pour la réparation des fortifications de Gran. Mais il y a plusieurs défectüositez dans ce testament , pour lesquelles
le Fiscal
en demande la cassation.
L'Evesque de Raab est à l'extrémité.