De Vienne , le 9 Décembre 1685.
Le Comte
Caprara
envoya il y a quelques jours , à
l’Empereur
, deux lettres que la pincesse Ragotzi luy avoit écrites. Elles portent qu'elle étoit tousiours résoluë d'attendre la réponse aux lettres qu'elle a écrites en Pologne, & l'issuë des affaires du
Comte Thékéli
son mary. Elle témoigne qu'elle est fortement persuadée qu'il n'a point esté arresté par les Turcs : mais que
le Grand Seigneur
l'a fait appeller à Andrinople pour prendre ses avis , & qu’il reviendra en Hongrie à la Campagne prochaine , à la teste d’une puissante armée. Elle persiste de cette sorte dans le refus de rendre la fortersse de Mongatz : & la garnison continüe ses hostilitez estant encouragée par quelques uns des principaux chefs des Mécontents qui sont dans cette place, & mesme par un Secretaire du
Comte Thékéli
qui donne réglement la paye aux soldats. On n’a pas jugé à propos d’en former le siége , parce qu’elle ne manque de rien pour une vigoureuse défense : & qu’ainsi on ne pouvoit l’attaquer cet hyver , sans ruiner les troupes. Un party de la garnison a fait encore depuis peu une sortie sur un quartier des Impériaux : & la pluspart des soldats y ont esté taillez en piéces. Le Comte
Caprara
a mandé aussi qu’on publioit que
le Comte Thékéli
avoit trouvé tant de protection aupres des principaux officiers de la Porte , qu’on luy avoit permis de se justifier du mauvais succez des armes. Othomanes dans la derniere Campagne de Hongrie : qu’il avoit commencé à le faire avec tant de succez , qu’on disoit mesme qu’il y avoit quelque apparence que
le Grand Seigneur
le remettroit en liberté : & qu’il pourroit revenir en Hongrie avec des forces considérables. On a tenu conseil sur ces
nouvelles : & le 4 de ce mois , on renvoya le Courier au Comte
Caprara
avec des ordres qui sont encore tenus secrets. Le brüit court aussi que les principaux Chefs des Mécontents qui sont restez dans Mongatz & en Transylvanie , ont dessein d'envoyer des Députez à la Porte Othomane , pour y solliciter l'élargissement du
Comte Thékéli
.
L'Empereur
a fait donner avis au
Roy de Pologne
& à la République de Venise , des instances que les Turcs continüent de faire pour la paix ou pour une tréve : & il leur a pareillement envoyé deux lettres qu'il a receües du Bacha de Bude sur ce sujet. La Republique de Venise a desia fait sçavoir son sentiment , qui est qu'en casque
l'Empereur
juge à propos d'écouter les propositions de la Porte , les négociations doivent estre faites les armes à la main , sans envoyer de Ministres à Bude ou à Constantinople. Qu'au contraire il faut declarer aux Turcs , qu'ils doivent envoyer des Ministres autorisez vers
l'Empereur
& vers ses Alliez : & qu'ils s'expliquent avant toutes choses , sur la satisfaction qu'ils prétendent leur donner.
Sa Majesté Impériale
attend la réponse du
Roy de Pologne
pour résoudre celle qui sera donnée à l'Aga Achmet Chelebi qui a voulu demeurer a Comorre , quoy qu'il ait esté congédié , & qu'on ait cessé de luy fournir la subsistance qu'on donne reciproquement aux Ministres de la Porte & à ceux de
l'Empereur
.
On apprend que les troubles augmentent tous les jours en plusieurs lieux de l'Empire Othoman
: & que
le Grand Seigneur
a fait desarmer tous les Chrestiens de la Morée & de la pluspart des Isles de l'Archipel , de crainte qu'ils ne se soulevassent , & qu'ils ne se joignissent aux Vénitiens à la premiere occasion favorable. L'Envoyé de
Michel Apaffi
Prince de Transylvanie est party pour aller rendre compte à son Maistre du succez de sa négociation en cette Cour. Il avoit fait espérer que ce Prince donneroit ce qui seroit necessaire pour la subsistance de huit mille hommes des troupes Impériales : & sous cette condition on luy avoit accordé une exemption de quartiers d'hyver. Mais on a sçeu qu'il a changé de résolution : & que le Comte
Caprara
a commandé le Comte Caraffa Lieutenant Général avec six mille Allemands & trois mille Hongrois pour aller prendre des quartiers d'hyver dans la Transylvanie , & y demeurer jusqu'à ce que
Michel Apaffi
ait donné des asseurances qu'il payera à
l'Empereur
un tribut annüel de quarante mille florins , ou que le Canton de Debrezin ait traité pour l'entretien de cinq mille AIlemans & de mille Hongrois. Le Général Major Heusler suivant les derniéres nouvelles de Hongrie , estoit allé avec six mille Allemans , faire une course vers Agria , & sur les Terres des Turcs. Hier , le
Prince de Hannover
arriva icy.