De Vienne, le 16 Ianvier 1689.
Le Comte Veterani envoya il y a quelques jours donner avis à
l’Empereur
, que
le Comte Thékéli
avoit fait de nouveau distribüer des billets dans la Haute Hongrie, par lesquels il assuroit les Hongrois qu’il se mettroit bien tost en marche avec vn nombre suffisant de troupes pour les rétablir dans l’entiere joüissance de leurs privileges et libertez, et dans le libre exercice de leur Religion. On dit aussi que dans les entretiens qu’il a eus avec
le Grand Vizir
et les principaux Ministres de la Porte, il a tâché de leur persüader qu’avec vn secours mediocre de troupes et d’argent, il remettroit la Transylvanie sous l’obéïssance du
Grand Seigneur
: la plus part des Transylvains estant déja disposez à renoncer à la protection de
l’Empereur
, qu’ils n’ont acceptée que pour éviter les extremitez dont ils estoient menacez, faute d’estre puissamment secourus. Sur cette nouvelle,
Sa Majesté Impériale
a en mesme temps, envoyé ordre au Comte Veterani d’observer avec soin les démarches des Hongrois soupçonnez de quelque engagement avec
le Comte Thékéli
: d’amasser autant de troupes qu’il luy seroit possible, pour s’opposer à ses entreprises : et de tâcher à découvrir ceux avec lesquels il peut avoir intelligence dans la Transylvanie, pour les faire arrester et punir exemplairement. Le 13 de ce mois, on receut des lettres du Baron Heusler, par lesquelles il mandoit que la cavalerie employée au blocus du Grand Waradin, se trouvoit en si mauvais estat, qu’elle seroit incapable de servir la Campagne prochaine, si on ne la laissoit quelque temps
en quartier d’hyver pour la laisser reposer quelque temps. Cet avis a esté approuvé et on luy a envoyé ordre en mesme temps, de lever le blocus : ce qui donne sujet de croire que les avis qu’on disoit avoir receus que
la garnison estoit redüite à vne extreme disette
, et qu’elle seroit obligée à se rendre bien tost, n’estoient pas véritables. Ainsi, on n’ose se promettre vn meilleur succez des blocus de Canischa et de Sighet, quoy que les dernieres lettres de la Basse Hongrie confirment que la premiere de ces deux places manquoit de toutes les choses necessaires à la vie : et que l’autre estoit tellement serrée par trois mille Hongrois, que les Turcs n’y pouvoient faire entrer aucun convoy de vivres. On assure que les reparations des fortifications de Belgrade et les nouveaux ouvrages qu’on avoit jugé à propos d’y faire, sont presentement achevez. L’audience que
l’Empereur
devoit donner le 11 de ce mois, à Zulficar Effendi et à Maurocordato Envoyez de la Porte, a esté differée parce que les Commissaires Imperiaux vouloient auparavant, qu’ils déclarassent par écrit, si outre les lettres qu’ils ont apportées pour
l’Empereur
,
le Roy de Pologne
et la Republique de Venise, ils avoient aussi vn plein pouvoir pour traiter la paix, en dresser les articles, et la conclure avec
Sa Majesté Impériale
et les Alliez. Ils n’ont pas encore répondu à cette proposition : et en cas qu’ils donnent la declaration qu’on leur demande, il a esté resolu de n’entrer en aucune négociation avec eux qu’en presence des Commissaires des Alliez. Les conferences seront tenuës à Vesendorff, à vne lieuë de cette ville : où les logements sont preparez à cet effet. Le Sieur Proski Envoyé de Pologne est arrivé pour entendre leurs propositions, avec l’Ambassadeur de Venise et le Secretaire Capello. Les Commissaires de
l’Empereur
sont le Vice-Chancelier de l’Empire, le Comte Stratman Chancelier d’Austriche, le Comte Kinski Vice-Chancelier de Bohëme, le Comte Caraffa Maréchal de camp et Commissaire Général des armées, et le sieur Meninski premier Interprete. Le brüit court que
Sa Majesté Impériale
tâchera de conclure au moins, vne treve de quelques années avec les Turcs, en cas qu’ils accordent par le traité vne entiére satisfaction au
Roy de Pologne
, et la Republique de Venise et qu’au--trement il est resolu de continüer la guerre contre eux. Mais on dit que
Sa Majesté Impériale
pourra en ce cas, demeurer seulement sur la défensive du costé de la Hongrie, pour estre plus en estat de soûtenir la guerre du costé du Rhin. Cependant, les preparatifs se font tousjours assez lentement : et on croid que les dernieres resolutions ne se prendront qu’à l’arrivée du
Prince Charles de Lorraine
: qui selon les dernieres lettres d’Inspruck, se preparoit à partir au commencement du mois prochain, pour venir icy, sa santé estant parfaitement rétablie. Le 12 de ce mois, les Estats de la Basse-Austriche s’assemblerent en cette ville.
L’Empereur
fit selon la coustume, la proposition annüelle : et leur demanda six cents mille florins : leur ayant representé le besoin qu’il avoit de ce secours extraordinaire à cause des grandes dépenses ausquelles il se trouvoit engagé pour soûtenir la guerre contre la France, et la continüer, peut estre, en mesme temps en Hongrie contre les Turcs. On écrit de Munich que les Estats de Baviere ont accordé à
l’Electeur
vne somme de quatre cents quatre vingt mille livres pour les frais de la guerre. Les troupes commandées pour se joindre sur le Rhin, avec celles des confederez, continüent de marcher de ce costé là : et on travaille icy et dans les arsenaux de Boheme, à préparer l’artillerie qui doit y estre envoyée. Le Ministre de l’
Electeur de Mayence
a eu depuis peu audience de
l’Empereur
: et il luy a fait de nouvelles plaintes des desordres que les troupes des Alliez ont commis dans les lieux dépendants de l’Archevesché : y vivant à discretion et rüinant entierement ses sujets.