De Vienne, le 17 Iuillet 1689.
On a eu avis par les dernieres lettres du
Prince Loüis
de Bade
, que le Comte Picolomini ne l’avoit joint que le 4 de ce mois, avec son regiment et la moitié de celuy de Croy, ainsi que le Colonel Strasser avec le sien : et que le Comte Veterani luy avoit mandé qu’il ne pouvoit le joindre avant le 15,
à cause du débordement des eaux : ce qui l’avoit oblige à changer son camp qui estoit à la palanque de Hassan Bacha, et de se retirer à trois lieuës delà.
Il a mandé qu’apres la jonction de toutes les troupes, il marcheroit incessamment vers la Morava, pour la passer et pour combatre l’armée Othomane, s’il en trouvoit l’occasion favorable. Le Seraskier qui la commande estoit encore alors de l’autre costé de la mesme riviere, avec vingt mille hommes : et
le Grand Vizir
à Nissa, avec le reste des troupes qui montoit à vingt mille hommes. Les dernieres lettres de la Haute-Hongrie portent que
le Comte Thékéli
assiegeoit Novigrad : et qu’il faisoit battre cette place depuis le 26 du mois dernier, avec dix pieces de canon, qui avoient déja rüiné vne partie des fortifications, de sorte qu’il n’y avoit pas lieu d’esperer que la place pust plus longtemps se défendre, si le Lieutenant Colonel Olrick s’estoit avancé de ce costé là pour y jetter du secours, n’y estoit pas arrivé. Les mesmes lettres portent que le Comte Corbelli s’estoit emparé du chasteau de Fregetabor : et que cette conqueste coupoit la communication des villes de Temeswar, de Ieno, de Giula, de Villagwar, et de quelques autres encore occupées par les Turcs au Nord du Danube.
Les ordres ont esté envoyez aux Officiers des troupes qui forment le blocus de Canischa, de brusler à deux lieuës à la ronde les bleds les fourages pour y augmenter la disette et l’obliger plus facilement à capituler.
On parle fort diversement de la défaite des Tartares par les Moscovites : et on commence à croire qu’elle n’est pas si grande que les Envoyez des Czars l’avoient d’abord publiée. Cependant, on ajouste à cette nouvelle que les Moscovites avoient ensuite de cet avantage, marché vers la Krimée : et que le Kan avoir fait partir vingt mille hommes du Budziac, pour aller renforcer son armée. Les Envoyez de la Porte ont fait de nou--velles instances pour avoir la permission de demeurer icy, jusqu’au retour du courier qu’ils ont dépesché à Andrinople : assurant qu’il sera de retour dans vn mois. Mais ils ne l’ont pû obtenir : et on est tousjours resolu de les faire conduire à Raab, pour y demeurer durant l’absence de la Cour. Vne partie des équipages de
l’Empereur
fut embarquée le 13 de ce mois sur le Danube, et partit le lendemain, pour Neubourg : où
Sa Majesté Impériale
se rendra dans vn mois. Vn courier est venu donner avis de l’accommodement du
Duc de Holstein-Gottorp
avec
le Roy de Danemark
: et il a esté renvoyé avec de nouvelles instructions pour les Ministres de
l’Empereur
aupres des deux Couronnes du Nord et des Princes alliez de la Basse Saxe, afin qu’ils pressent la marche de leurs troupes vers le Rhin. Vn courier a apporté au sieur Hop Envoyé Extraordinaire des Estats Generaux, la ratification du traité d’alliance offensive et défensive entre l’Empereur, l’Empire, l’Angleterre et la Hollande, avec des assurances pour le payement des subsides encore deus à
Sa Majesté Impériale
. Le 9 de ce mois, le sieur Girolamo Venier Ambassadeur de Venise fit icy son entrée avec vn cortege de quarante carrosses à six chevaux : et il eut hier, sa premiere audience de
l’Empereur
. Le decret qui a esté publié pour obliger les François à se retirer de cette ville et des pays Hereditaires, contient vne clause par laquelle ceux qui y sont establis depuis vingt ans, sont exceptez. Il enjoint aussi à tous les marchands, de porter au tresor Impérial, les sommes ou les effets appartenants à leurs correspondants de France. La Diete de Ratisbonne a envoyé icy, vn resultat touchant les Avocatoires de
l’Empereur
contre les François : et
Sa Majesté Impériale
l’a approuvé et envoyé ses ordres aux Generaux de ses armées et dans tous les Cercles, pour la faire publier et executer.
Le 11 de ce mois sur les dix heures du soir, il y eut icy, vn orage meslé de tonnerre et de gresle du poids d’vne livre et demie, dont en vne demi heure, les vitres de toutes les fenestres furent cassées, les vignes et les bleds aux environs de cette ville entierement rüinez et plusieurs personnes tüées.
Il tomba ensuite vne plüye qui fit debor-
-der les rivieres, de maniere que plusieurs villages au delà du Danube, furent inondez : et il y eut quantité de monde et de bestail noyé.