De Vienne, le 11 Septembre 1689.
On publie icy, les particularitez suivantes, de l’avantageremporté sur les Turcs par l’armée Imperiale, dont le premier avis fut receu le 6 de ce mois, à Ausbourg.
Le Prince Loüis de Bade
apres avoir marché durant quatre jours par des défilez tres difficiles, trouva vn chemin assez large et commode pour aller à Nissa : et il détacha vn bataillon du regiment d’Aversberg pour reconnoistre les ennemis. Le 29 du mois dernier, douze mille chevaux Turcs sortant des hayes pres de Lapona sur la Morava et dans le chemin de Nissa, s’avancerent en ordre de bataille pour charger son avant garde. Les Comtes Veterani et de Castel qui la commandoient, les attendirent de pied ferme, ayant défendu aux soldats de tirer avant que les ennemis fussent à la demi portée du mousquet. Alors, ils furent receus avec vn si grand feu, qu’ils plierent et se retirerent en desordre avec quelque perte, sans revenir à la charge. Le lendemain, le Seraskier voulant reparer ce mauvais succez, fit avancer dix ou douze mille hommes qui vinrent attaquer les Impériaux à Iagodina sur la mesme riviere, dans vn terrain si étroit qu’il n’y eut que deux regiments de dragons et vn d’infanterie de la premiere ligne, qui soustinrent tout l’effort des ennemis. Cependant, le Comte Veterani ayant esté détaché, attaqua vne redoute qu’ils avoient derriere eux. L’infanterie Turque lâcha le pied presque sans combatre. La cavalerie seule fit vne assez grande resistance : mais se voyant abandonnée, elle prit aussi la füite. Ainsi, les Impériaux demeurerent maistres du camp des Infideles, d’vne partie de leur canon, de leurs munitions et de leurs bagages : et ils prirent huit ou neuf cents bœufs ou chameaux chargez de vivres.
Le Prince Loüis de Bade
a mis environ mille hommes en garnison dans ce fort, d’où les Turcs avoient esté chassez : ayant dessein d’y establir vn magasin. On a depuis, receu d’autres lettres du 1r de ce mois, du camp entre Grobovitz et Patouki. Elles portent qu’il avoit commandé vne partie de la cavalerie avec des Hongrois et des Rasciens, afin de poursuivre les Turcs dans leur retraite : que sept ou huit cents avoient encore esté tüez ou faits prisonniers : et qu’on avoit amené plusieurs chevaux et quelque butin. Le gros de l’armée Othomane s’estoit re--tiré en partie par Iagodina et par Crackolowitz. On ne peut encore rien dire de certain de la perte des Turcs, parce que les premieres lettres portoient qu’il en estoit demeuré pres de vingt mille sur la place : et que presentement on dit qu’il n’y en a eu que cinq ou six mille. On ne croid pas aussi que leur defaite ait esté telle qu’on l’a publiée, puis que
le Prince Loüis de Bade
est retourné sur ses pas vers Semendria, sous pretexte que les eaux estoient debordées
, au lieu d’aller à Nissa pour tâcher d’enlever ou debrûler les magasins de l’armée Othomane. On publie qu’il n’a perdu que mille ou douze cents hommes en cette occasion. Il a envoyé demander au Commandant de Semendria vn convoy de vivres pour l’armée Impériale : et il luy a mandé en mesme temps, qu’il laissât partir le courier dépesché par les Envoyez de la Porte au
Grand Vizir
: et qui avoit esté arresté en cette place là, par ordre de
l’Empereur
, de crainte qu’il ne fist rapport de l’estat de l’armée. Le General Heusler est entierement guéri : et
le Prince Loüis de Bade
luy a donné ordre de marcher vers Orsowa, avec le corps qu’il commande, et ce qu’il a pû ramasser de troupes pour remettre garnison dans cette place, et observer les mouvemens du
Comte Thekeli
. Il est tousjours avec ses troupes du costé du Danube : et il incommode beaucoup celles de
l’Empereur
qui sont en Transylvanie et dans la Haute-Hongrie. Le Colonel Tourlani est mort âgé de quatre vingt huit ans. On a fait sçavoir aux Envoyez de la Porte qui sont demeurez icy, l’avantage remporté sur l’armée Othomane : et on n’a pas manqué de leur declarer en mesme temps, qu’ils ne devoient pas esperer desormais, des conditions de paix si favorables que celles qu’ils avoient cy-devant, proposées. Le Cardinal Bonvisi est parti d’icy en poste, pour se rendre à Rome. Vn bataillon du régiment de Thingen est arrivé à Ausbourg : et il a esté logé hors de la ville. On y attendoit encore le régiment de Palfi pour faire la garde durant le sejour de
l’Empereur
.