De Londres, le 14 Iuillet 1689.
Le 7 de ce mois, les Communes apres avoir reglé quelques affaires peu importantes se tournérent en grand Committé pour examiner le projet du réglement des milices. Il fut résolu que les cavaliers seroient armez de cüirasses, d’espées, de pistolets et de carabines : que l’infanterie seroit armée à proportion : et que personne ne pourroit estre nommé officier des milices dans deux Comtez. Le 8, la Chambre fut en partie occupée sur la mesme matiére : et les Seigneurs examinérent les articles d’accusation preparez contre ceux qui ont distribüé les copies de la Déclaration du
Roy
.
Le Prince d’Orange
ayant reçeu l’Adresse qui avoit esté présentée par les Communes, touchant la communication des papiers instructifs qui regardent l’exécution du traité de ligue offensive et défensive avec les Hollandois, ne jugea pas à propos de s’expliquer sur ce sujet. Mais pour occuper la Chambre, il luy fit vn discours quicontenoit en substance : que comme la saison estoit fort avancée et qu’il y avoit desja plusieurs Actes passez, il les prioit d’expédier promtement les autres affaires, afin de se séparer : qu’il auroit ainsi la liberté de poursuivre vigoureusement l’entreprise d’Irlande : et que les Députez pourroient retourner chacun dans leurs Provinces, afin d’y établir sa paix et regler les milices. Qu’il estoit fort satisfait du zéle avec lequel les Communes luy avoient accordé plusieurs subsides : et qu’il ne doutoit pas qu’on ne luy en accordast de nouveaux lors que l’occasion le demanderoit. Mais qu’il estoit oblige de leur faire connoistre qu’elle arriveroit peut estre plustost qu’on ne s’y attendoit, parce que la dépense de cette année excédoit de beaucoup les sommes qui avoient esté accordées, comme il estoit prest de leur faire voir par les estats qui leur en seroient communiquez. Enfin, il leur dit qu’il estoit temps de penser à payer les sommes promises aux Hollandois : et qu’il espéroit que les deux Chambres auroient soin d’établir vn revenu reglé pour la dépense de sa maison. Le 9, la Chambre des Communes ordonna simplement qu’il seroit remercié de sa harangue, qui surprit assez la pluspart des Députez. Elle renvoya à vn Committé le projet d’Acte pour faire le procez à tous les fidéles sujets du
Roy
, et chargea les Commissaires d’y ajoûter deux clauses : l’vne par laquelle tous les Actes du Parlement assemblé à Dublin seroient cassez : l’autre pour confisquer au profit des Protestants fugitifs d’Irlande, les biens de tous ceux qui sont à la süite du
Roy
.
Il fut ensüite résolu de mettre vn nouvel impost sur le Café, le Thé et le Chocolate
: et de passer l’Acte pour supprimer la Cour des Marches de Galles : et vn autre pour établir des Coures de conscience en différentes villes. Le 11, la Chambre-Basse remit à vn Committé le Bill qui défend les Manufactures de France : et elle ordonna que celuy qui transfére aux Vniversitez d’Oxford et de Cambridge, le droit de présenter aux bénéfices qui sont à la nomination des Gentilshommes Catholiques, seroit mis au net. On résolut aussi de demander au
Prince d’Orange
qu’il fist sçavoir si dans les Traitez conclus avec les Alliez, la défense de tout commerce avec laFrance estoit stipulée par vn article exprés, et qu’en cas que cela ne fût pas, de le prier de l’y faire insérer. Le 12, la Chambre délibéra sur le Bill d’amnistie : et résolut d’en excepter tous ceux qui ont eu part directement ou indirectement à la procédure contre les Evesques : entre autres le feu Chancelier
Ieffreys
, le Comte de
Sunderland
, le Comte de Hantington, les Chevaliers Herbert, Ienner et Wright et l’Evesque de Durham. Le sieur
Hambden
fit rapport à la Chambre que suivant le traité fait avec les Hollandois, ils devoient fournir trente vaisseaux de guerre : que vingt-huit estoient desja joints à la flotte qu’on en attendoit encore deux autres : et qu’il y avoit douze à treize mille hommes sur ces vaisseaux. On a ainsi tâché de satisfaire les Communes, quoy que l’armement ne soit pas à beaucoup pres, si considérable. Le Chevalier Cappel fit aussi son rapport touchant la défense du commerce avec la France : et assura la Chambre que cette clause estoit inserée dans tous les traitez faits par
le Prince d’Orange
.
Elle délibéra ensüite, en grand Committé touchant vn nouvel impost sur la biére, pour commencer à satisfaire à ses derniéres demandes.
Les Seigneurs entendirent la lecture du projet pour régler la procédure contre ceux qu’on veut poursuivre comme criminels de Haute Trahison, quoy que tout leur crime soit d’estre demeurez fidéles au
Roy
. Il fut ordonné que le 14, ils seroient amenez devant la Chambre. Le 15, les Communes oüirent le rapport de plusieurs extraits tirez des registres de l’Amirauté touchant les affaires d’Irlande. Ces extraits furent remis entre les mains de l’Orateur : et il fut résolu de demander vn plus ample éclaircissement sur cette matiére, pour sçavoir à qui on devoit attribüer le peu de succez qu’elles avoient eu jusqu’à présent. On ordonna vne somme de quinze cents livres sterlin pour le secours des Protestants fugitifs, qui estant en assez grand nombre, et dans vne extréme nécessité, ne seront pas fort soulagez par vne libéralité si médiocre. Il fut résolu de présenter vne Adresse au
Prince d’Orange
, pour sçavoir la raison du retardement de la jonction de la flotte Hollandoise avec l’Angloise, et pourquoy celle-cy n’avoit pas esté plustost équipée. Les Seigneursrésolurent de s’vnir avec les Communes, pour faire le procez à ceux qui ont distribué des copies de la Déclaration du
Roy
, et les condamner à mort.
Le Prince d’Orange
a fait publier vne proclamation pour les arrester, ordonnant que ceux qui leur donneront retraite seront poursuivis selon la rigueur des loix. Elles ne sont pas neanmoins encore faites : mais les Communes y travaillent avec vn grand empressement.
Il y a toûjours beaucoup de mouvement dans les Provinces : plusieurs ne voulant pas prester les nouveaux serments, et presque tous refusant de payer les nouvelles taxes. On a excité en quelques endroits, la populace contre des Ecclésiastiques Conformistes qui ont refusé de prier pour le
Prince d’Orange
: et la maison de l’vn d’eux a esté pillée dans le Diocése de Cantorbéry. Les
Quakers
ou Trembleurs se sont déclarez en plusieurs endroits, pour le service du
Roy
.
On en a arresté vn grand nombre : et le sieur
Penn
qui est comme leur chef, a esté mis à la garde d’vn Huissier. On a commencé à executer la peine de mort ordonnée contre les déserteurs : mais les Hollandois et autres Estrangers dont le nombre estoit assez grand, ont obtenu leur grace. On a eu avis de Porsmouth, que le sieur Edoüard
Russel
qui commande l’escadre bleüe, en estoit parti le 11 de ce mois, avec vn vaisseau Anglois, six Hollandois et quelques bâtiments de charge, pour aller joindre la flote. Cinq régiments sont partis aujourdhuy, pour marcher du costé de Chester. On dit qu’ils sont destinez pour aller en Irlande : et que le Colonel
Mackay
y passera aussi d’Escosse, avec quelques troupes. Le Maréchal de
Schomberg
qui les doit commander n’est pas encore parti. On a eu avis de Leverpoole que le Colonel
Kirk
n’avoit pû forcer l’estecade de la riviére de Londonderry : et que comme il n’avoit pas assez de troupes pour faire vn debarquement, en croyoit qu’il seroit obligé de revenir.
On a appris qu’vn assez grand nombre de Gentilshommes s’estoient associez pour le service du
Roy
, dans les Provinces de Lancaster, de Chester, de Flint et de Nortfolk. Quelques vns sont passez en Irlande : et d’autres ont esté arrestez
, entre autresle Chevalier Field, le sieur Thrégmérton, et d’autres personnes de marque. On n’a eu cette semaine aucune nouvelle considérable d’Escosse, si ce n’est que la Convention continüe ses séances : qu’elle a déclaré que les grands officiers qui avoient toûjours en place dans les Committez, en seroient exclus à moins qu’ils ne fussent choisis par les Deputez, cassant ainsi le premier acte du premier Parlement du
Roy Charles II
. On disoit que le Vicomte de
Dundée
estoit tellement serré qu’il ne pouvoit échaper. Cependant, il se défend toûjours dans des lieux inaccessibles : où il paroist tres-difficile de le forcer. Vn officier qui a servi dans ses troupes et qui a esté fait prisonnier, a rapporté que sa santé qui avoit esté fort alterée par les grandes fatigues, estoit tres bien rétablie, et qu’il se disposoit à entrer dans le Comté d’Argyle, où il esperoit rassembler vn grand nombre de Mackdonalds et de
Mackleans
qui l’attendoient pour se joindre à luy. Le Comte d’
Argyle
a offert de marcher de ce costé là.