De Londres, le 25 Iuillet 1689.
Le 14 de ce mois, le Capitaine Vaughan, le Capitaine Mould, et le Docteur Elliot furent amenez à la Barre de la Chambre des Seigneurs, afin d’y estre jugez comme criminels de Haute Trahison, pour avoir eu correspondance avec
le Roy
: et avoir répandu des copies de sa derniére Déclaration. On auroit demandé en vn autre temps, que la procédure ordinaire eut esté observée à leur égard, en les faisant juger par leurs égaux et non par les Seigneurs, qui s’attribüent en cette occasion, vne autorité qui leur a toûjours esté contestée.
Mais comme ils en avoient encore moins pour faire tout ce qu’ils ont entrepris contre
le Roy
, contre les Loix et la liberté publique, les Communes qui ont agi sur les mesmes maximes, y ont facilement donné les mains. Les sieurs Vaughan, Mould et Eliot demandérent du temps pour répondre, vn conseil d’Avocats, et la permission de voir leurs amis : ce qui leur fut accordé : et l’affaire fut remise à la huitaine.
Les Communes travaillérent au nouvel impost sur la bierre et à d’autres affaires moins importantes.
Le 15, on régla l’Adresse qui doit estre présentée pour demander communication des registres du Conseil touchant les affaires d’Irlande : et on fit la derniére lecture de l’Acte pour casser le jugement rendu contre Titus
Oats
. Il fut approuvé, nonobstant la résolution prise par les Seigneurs d’adjoûter vne clause pour le rendre incapable d’estre témoin. Mais les Communes n’ont pas cru y devoir déférer, jugeant de quelle importance il estoit de s’en servir dans les procez qu’on prépare contre plusieurs personnes du premier rang.
La Chambre écouta aussi le rapport du Committé établi pour s’informer de ceux qui avoient envoyé leurs enfants hors du Royaume pour les
faire instrüire dans la Religion Catholique. Il fut résolu de dresser vn Acte pour empescher que cela ne se fasse à l’avenir : et vn autre pour casser toutes les dispositions testamentaires que les Catholiques pourroient faire au préjudice de leurs héritiers Protestants.
La Chambre ordonna aussi que les prisonniers pour debtes et qui n’avoient pas le moyen d’y satisfaire, seroient élargis, à condition qu’ils porteroient vne piece de drap bleu sur l’estomach, avec vne marque qui serviroit à les distinguer. Le 16, il fut résolu de supprimer par vn Acte, le pouvoir qu’avoit eu jusqu’à present, le Corps de Ville, d’obliger les particuliers de porter l’estat des biens des orphelins à la Chambre de Ville : et pour établir vn registre de toutes les sommes déposées, afin d’empescher qu’elles ne fussent employées à d’autres vsages : comme aussi pour ordonner que ceux qui avoient aquis des hypotheques sur de semblables biens, ne pourroient exiger que l’interest de leur argent. On établit aussi quelques fonds pour le payement des sommes dües par la Ville aux orphelins. Le 18, sur ce que plusieurs Députez des Communes proposoient de se séparer ou de s’ajourner au moins, pour quelque temps, la Chambre résolut de ne se pas séparer avant que d’avoir passé les Actes suivans. Vn pour les milices : vn pour établir vn revenu fixe au
Prince d’Orange
, pour regler la succession à la Couronne : et les priviléges et libertez de la Nation : pour rendre à la ville de Londres et à tous les autres la joüissance de leurs anciennes chartes, pour déclarer coupables de Haute Trahison ceux qui sont en armes à la süite du
Roy
: vn en faveur des orphelins de cette ville : vn pour établir le fonds des six cents mille livres sterlin accordées aux Hollandois par forme de remboursement : vn pour défendre les denrées et manufactures de France :
vn pour mettre vn nouvel impost sur la bierre
: vn pour exiger l’amende de cinq cents livres sterlin, de tous ceux qui sous
le feu Roy
ont manqué à prester les serments de Suprémacie et du
Test
: vn pour la révision de celuy qui établit la taxe par teste :
celuy du nouvel impost sur le Thé, le Café et le Chocolate
: enfin, celuy de l’amnistie générale. On dit qu’apresque ces Actes seront passez, les Chambres se sépareront. Le 19, la Chambre approuva le projet d’Acte en vertu duquel on doit faire le procez au Duc de
Berwick
, au Duc de
Powis
, au Comte de
Melford
, aux Lords Howard, Douvres, Hunsdon, et à plusieurs autres personnes de qualité qui sont avec le
Roy
en Irlande. Elle examina encore le reglement pour les milices : et résolut d’ajoûter vne clause à l’Acte qui en doit estre dressé, par laquelle les précédents seront cassez.
Le 20, on dressa l’Acte pour la levée des nouveaux droits sur le Thé, le Café et le Chocolate. On délibéra sur l’augmentation de l’impost sur les boissons
: et sur quelques affaires qui concernent la jurisdiction de la Chambre. Les Seigneurs eurent vne longue contestation touchant l’Acte pour casser la sentence rendüe contre
Oats
: et l’affaire fut remise à vne plus ample délibération. Le Major Général
Kirk
a écrit du lac de Londonderry, qu’il avoit trouvé les Irlandois si bien retranchez sur les deux bords de la riviére, où ils avoient dressé deux bateries de vingt quatre livres de balle pour défendre des estacades qui la traversent, qu’il luy avoit esté impossible de forcer le passage. Que comme les troupes qu’il commande n’estoient pas assez nombreuses pour faire vn débarquement, il n’avoit osé le tenter de peur de les trop exposer. Mais qu’il espéroit que si on luy en envoyoit vn plus grand nombre, il seroit en estat de faire entrer le secours dans la ville qui se défendoit toûjours. On travaille avec vn extréme empressement, à augmenter la flotte, et à en fortifier les équipages qui sont foibles. Comme il ne se trouve pas assez de matelots et que peu de gens veulent prendre parti pour servir sur mer, les officiers en font enlever par force autant qu’il leur est possible.
Le Prince d’Orange
fait négotier en Danemark, l’achat de dix mille hommes des troupes de cette Couronne : ce qui rendra tres considérable le Corps de troupes estrangéres qu’il a déja sur pied. Les
Sherifs
élus depuis peu, ont déclaré qu’ils ne pouvoient accepter ces emplois : et ils se sont soûmis à payer l’amende ordinaire à ceux qui les refusent. Hier, le Conseil de ville fut convoqué pour procéder à vnenouvelle élection : mais les mestiers à la pluralité des voix, s’y opposérent. Les
Sherifs
persistent de leur costé, à ne vouloir pas entrer en fonction. Le Comte de
Solms
est parti aujourdhuy, pour se rendre à Chester avec six régiments Estrangers qui doivent passer en Irlande. Le rendez vous pour l’embarquement est fixé au premier d’Aoust. Il est encore incertain si ces troupes doivent passer en Irlande, ou si elles sont seulement commandées pour la seureté des costes. On a eu avis que le mesme jour, quelques vaisseaux chargez de vivres, d’armes et de munitions pour Londonderry estoient partis de Highlake pres de Léverpoole, avec vn vent favorable : Le Comte de Mansfeldt arriva le 15, à Plymouth. Dom Pédro
Ronquillo
Ambassadeur d’Espagne, a reçeu des lettres de créance pour
le Prince d’Orange
, et luy donner part du mariage de
Sa Majesté Catholique
.
Quelques particuliers venus de Dublin ont rapporté que le Parlement assemblé par
le Roy
, avoit desja passé plusieurs Actes. Vn pour accorder à
Sa Majesté
vn subside de vingt mille livres sterlin par mois, durant treize mois : vn pour casser l’Acte appellé Settlement, par lequel les biens des Catholiques avoient esté confisquez au profit des Protestants : vn pour supprimer les appels en Angleterre, de sentences rendües par les Cours de justice d’Irlande, par lequel il est aussi déclaré que les Actes des Parlements d’Angleterre ne pourront avoir force de loy à l’égard des Irlandois : vn pour établir la liberté de conscience : vn pour lever toutes les incapacitez civiles, qui empeschoient les Irlandois de pouvoir tenir diverses charges de robbe et d’espée : vn autre pour supprimer les delais en justice, les lettres appellées d’Erreur, et le privilége appellé du Clergé, à l’égard de ceux qui seront coupables de félonie : vn autre pour donner cours dans le Royaume aux espéces étrangéres.
On dit aussi que le Parlement a déja dressé des articles d’accusation contre tous ceux qui estant justiciables du Parlement d’Irlande, par leur naissance, ou par leurs titres, se sont révoltez contre
le Roy
, et sont sortis d’Irlande sans sa permission. Sur les difficultez que
le Prince d’Orange
a fait
de donner communication à la Chambre Basse des Registres du Conseil sur les affaires d’Irlande, elle a résolu de déclarer pour ennemis ceux qui ont eu part à cette résolution, et de le prier d’éloigner quelques Seigneurs. On a découvert vn dessein formé à Edimbourg, par vn grand nombre de personnes qui devoient faire main-basse sur les principaux de la convention : et se déclarer pour
le Roy
.