De Madrid, le 9 Décembre 1683.
On eut avis en cette Cour il y a quelques jours, que le
Marquis de Grana
Gouverneur général des Pays Bas Espagnols, avoit commencé des hostilitez en Flandres : ce qui avoit obligé le
Roy Tres Chrestien
de faire attaquer les villes de Courtray et de Dixmude qui s’estoient rendües. On envoya aussitost le Conducteur des Ambassadeurs au Comte de la Vauguion Ambassadeur de France, pour luy déclarer que le
Roy
désiroit qu’il se retirât de la Cour dans quatre jours, et qu’il se disposast à sortir du Royaume. En mesme temps des Alcaldes furent envoyez en tous les endroits de cette ville, pour inventorier et sequestrer les biens des François, ce qu’ils exécutérent avec toute la rigueur possible : et on dépescha des Couriers en tous les ports de ce Royaume pour y porter l’ordre d’arrester les effets des Marchands de la mesme nation. Le 6 de ce mois, l’Ambassadeur de France partit, apres avoir eu audiance du
Roy
et des
deux Reynes
: et D. Gabriel Guerréro Conseiller du Conseil de guerre, a esté nommé pour le condüire jusques sur la frontiére. Il est arrivé depuis quelques
jours vn
grand desordre à Ségovie
, à cause que le prix du pain s’est trouvé considérablement augmenté. Le peuple attribuant cette cherté à la mauvaise condüite du Magistrat qui avoit permis le transport d’vne grande quantité de grains, s’assembla et courut à la maison du Corrégidor et de quelques principaux Officiers, criant Vive le Roy et meure le mauvais gouvernement. Les soûlevez allérent aussi à la Maison de Ville : où ils rompirent les Seaux et brûlérent les Registres publics. Le Corrégidor assembla la Noblesse et se mit à la teste, pour obliger les séditieux à se retirer. Ils refusérent d’obeïr : et ils chargérent à coups de pierre ceux qui se présentérent, dont quelques vns furent tüez et plusieurs blessez. Mais cette populace qui n’estoit pas armée, fut enfin mise en desordre et dissipée. On attend à Cadiz la flote des Indes Occidentales à la fin de ce mois. On a eu avis que la Véracruz avoit esté pillée par des Corsaires, et que le butin qu’ils y avoient fait estoit estimé plus de huit cens mille écus.