La Gazette de Renaudot

De Paris, le 19 Iuin 1683.

Le 7 de ce mois, le Roy et la Reyne accompagnez de Monseigneur le Dauphin , de Monsieur et de Madame , arrivérent de Dijon à Bellegarde : où le Roy accorda la grace à quelques prisonniers, parce que c’estoit la premiére fois que Sa Majesté entroit en cette ville là. Elle monta aussitost à cheval, et alla voir le Camp qu’Elle avoit fait faire sur le bord de la Saone dans vne grande prairie. Il occupoit vne lieüe et demie de longueur : et il estoit composé des brigades de cavalerie de Bartillat, de la Valette, de Bordage, de Saint Gelais, de la Motte-Pailhas, de Beaupré, de Langallerie et de la brigade de Dragons de Tessé : faisant quatre vingts douze Escadrons, et onze mille cinq cens hommes. La teste du Camp estoit à vne lieüe de Bellegarde, où on avoit fait vn pont, au delà duquel il y avoit vne garde avancée et on y observoit la discipline militaireavec autant d’exactitude que si l’armée eût esté en campagne. Le Roy , trouva Monseigneur le Dauphin , qui comme Général, estoit à la teste des troupes.
Le 8, Monseigneur le Dauphin monta à cheval dés le matin, et accompagné d’vn grand nombre de Seigneurs, alla au Camp donner les ordres.
L’apresdînée, le Roy süivi de toute la Cour, fit ranger les troupes sur vne ligne, et les Dragons vis-à-vis de la cavalerie. On leur fit faire toutes les évolutions et tous les mouvemens militaires : elles se mélérent et firent plusieurs décharges.
Le 9, le Roy retourna au Camp : et fit faire aux Dragons l’exercice à pied et à cheval.
Le 10, il fit la reveüe des troupes compagnie par compagnie. Sa Majesté fut extrémement satisfaite du bon estat où Elle les trouva, estant toutes tres bien vestuës et tres bien montées : et Elle ordonna qu’on leur distribüast cent mille écus. Dix sept compagnies qui sont les plus belles ont eu quatre cens écus : quelques vnes ont eu neuf cens livres : et les autres ont eu leur part de la gratification, selon l’ordre de Sa Majesté .
Le Roy donna le 10, audiance dans Bellegarde, au Marquis Dogliani Capitaine des Gardes du Duc de Savoye et Chevalier de l’Ordre de l’Annonciade, qui complimenta Sa Majesté sur son approche de la frontiére. Il eut aussi audiance de la Reyne , de Monseigneur le Dauphin , de Monsieur et de Madame : estant présenté par le Marquis Ferréro Ambassadeur de Savoye, et condüit par le sieur de Bonneüil Introducteur des Ambassadeurs, qui l’avoit esté prendre avec les carrosses de Leurs Majestez.
La Cour devoit partir de Bellegarde le 15, pour aller coucher à Dole, et pour se rendre le jour suivant à Besançon, afin d’y passer la Feste-Dieu.