De Salé, le 24 Novembre 1682.
Le
Marquis de S. Amant
Ambassadeur du
Roy Tres Chrétien
vers le
Roy de Fez et de Maroc
, apres avoir esté complimenté par l’Alcayde ou Gouverneur de Tétoüan, en partit le 11e de ce mois, pour continüer sa route vers cette ville. Il traversa la riviére d’Angéra : et deux heures apres, il arriva à vn village appellé Zarbouh-Hadé. Mehmed Thummim qui estoit l’année derniére en France, en qualité d’Ambassadeur du
Roy de Maroc
, l’accompagnoit et luy faisoit fournir des vivres, des chevaux et toutes les choses nécessaires, par les Arabes et les Bérebers qu’ils rencontroient sur la route. Ces Arabes sont descendus des premiers Arabes qui firent la conqueste de l’Afrique, il y a pres d’onze cens ans. Ils logent dans les plaines sous des tentes de poil de chévre rangées en cercle : et ces habitations s’appellent Adoüars. Les Bérabers sont les anciens Afriquains qui ont vne Langue particuliére, et qui demeurent presque tous dans les montagnes, où ils ont des bourgs et des villages. Le 12, le
Marquis de Saint-Amant
campa sur la montagne appellée Gébel-Habib : et il traversa ensüite la riviére de Téhadert qui vient des montagnes de Fugel-Faras, et tombe dans l’Océan à Téhadert, ville sitüée entre Tanger et Arzille. Il campa le soir, dans la plaine d’Amguéroüel, ou l’Alcay de Omar faisoit tenir tous les ans, vne grande Foire. Elle est au pied de la célébre montagne de Beny-Corfot, habitée par vne Tribu de Bérebers qui porte le mesme nom. Le Cheik de cette Tribu vint falüer l’
Ambassadeur
: et luy fit des présens de miel, de moutons, de poules, de pain et d’autres vivres du pays. Le 13, le
Marquis de Saint-Amant
traversa les petites riviéres de Mekhafen ou Ettréfaha, et de Ovarour : et il vint camper à Alcassar, ville sitüée dans vne plaine sur le bord de la riviére Loccos, et à vne journée de l’Océan. L’Alcayde Sy Yousef Gouverneur de la ville et frére du Gouverneur de Tétoüan, avec vne suite de deux cens chevaux, vint luy offrir ses services : et il fit faire en sa présence l’exercice de la lance et de la zagaye, et des courses de chevaux. Le lendemain, l’
Ambassadeur
traversa la riviére Locos,
et campa dans la plaine de Faoüarat. Le 15, il traversa la riviére Ovad-Elmda : et arriva le soir, au bord du Fleuve Sébou qui vient des montagnes de Fez, et se décharge dans l’Océan à la Mahmore à deux journées de Fez. Il campa dans vn Adoüar de deux cens tentes, aupres d’vne Mosquée de pierre, où est le tombeau d’vn Saint des Mahométans, nommé Sid Mahmed Bén Ibrahim, sur lequel il y a vn dôme. Le 16, il marcha le long du Sébou, et trouva cinq ou six Adoüars, chacun d’environ quarante tentes d’Arabes. Le 17, il continüa sa route le long du Fleuve durant deux lieües : et il campa à Tougmit où est le passage de la riviére, et où il trouva vne chaloupe envoyée de la Mahmore, dans laquelle il traversa le lendemain, le Sébou avec sa süite et son équipage. Le 19, il traversa vne forest et campa à vn Adoüar à quatre lieües de cette ville : et il y fut régalé par l’ordre de l’Alcayde Hamou Gouverneur de la Citadelle. Le 20, en continüant sa route, il rencontra sur les dix heures Hadgi Aly Manino frére du Gouverneur de Salé, qui avoit accompagné en France, Mehemed Tummim, et qui alloit au devant de l’
Ambassadeur
avec trente hommes armez. Il fut reçeu ici avec beaucoup de cérémonies : le
Roy de Maroc
ayant mandé qu’on le traitast comme on le traiteroit luy mesme. Cette ville est composée de trois parties, qui sont Salé, Rabat ou la nouvelle ville, et l’Alcasaba ou Citadelle. Le mesme jour, Hassan Skerto Alcayde du Port, Ibrahim Achicho Alcayde de Rabat, et Méhemed Manino Gouverneur de la ville, allérent salüer le
Marquis de Saint-Amant
, qui leur rendit la visite le lendemain. Le 22, il traversa la riviére de Guérou, qui sépare Salé de Rabat où il alla loger, estant accompagné en cérémonie et à pied, par le Gouverneur Mehemed Manino. Il trouva au delà de la riviére l’Alcayde Hassan Skerto et Béun Aiché Général des vaisseaux qui l’attendoient à pied. Hassan Skerto l’accompagna jusqu’à la maison qu’on luy avoit préparée, où il reçeut les visites de plusieurs officiers, et il les rendit le mesme jour. Aujourd’huy, il est parti de cette ville pour continüer son voyage vers la Cour, qui est au de là de Maroc.