LES SERVICES FAITS
pour la
Reyne
dans l’Eglise de Nostre Dame, et en celles de plusieurs autres Villes.
La Nef de l’Eglise de Nostre Dame estoit tendüe de noir depuis l’ouverture des voûtes jusqu’en bas, avec trois lez de velous, chargez d’écussons aux armes de la
Reyne
, et avec autant de rangs de cierges de cire blanche.
Le Chœur estoit aussi tendu de deüil jusqu’à l’ouverture des voûtes : et les arcades estoient ornées de grands cartouches aux armes de France et d’Espagne.
La corniche des chaises estoit ornée d’vne maniére de frontons séparez par des obélisques de seize pieds de haut, et bordez de flambeaux de cire blanche. Vne teste de mort couverte de crespe, estoit au milieu : et elle soûtenoit vne vrne de laquelle sortoit vne grosse flâme. Les obélisques avoient sur leur piédestal vne inscription : et ils estoient posez sur de semblables testes de mort, et couronnez d’vne Fleur de lys, de laquelle pendoit vn cartouche orné de branches de Cyprés, avec
vne devise dans le milieu. Ces obélisques estoient pareillement bordez de lumiéres.
Au milieu du Chœur, vn Tombeau feint de porphire à l’antique avec les armes de la
Reyne
, estoit élevé sur vn piédestal orné de bas reliefs, avec des testes de mort au milieu de chaque face, feintes de bronze, et couronnées de cyprés : et il en sortoit deux branches de chandeliers chargez de gros flambeaux de cire blanche.
Les angles estoient garnis de consoles de bronze, sur lesquelles estoient des cassolettes fumantes : et il en sortoit aussi des branches de chandeliers garnis de semblables flambeaux.
Le piédestal posé par le milieu, sur vne vrne enrichie de bas reliefs, estoit porté sur quatre figures feintes de marbre blanc : représentant la Foy, l’Espérance, la Charité et la Piété, qui ont toûjours éclaté dans la vie de la
Reyne
.
La Représentation estoit sur ce Tombeau, couverte du drap mortüaire, avec la Couronne voilée d’vn crespe sur vn careau à l’endroit de la teste. Le Manteau Royal estoit étendu à l’endroit des pieds : et il y avoit des vases aux quatre coins, jettant des parfums.
Les quatre coins du Mausolée estoient accompagnez d’obélisques, ornez à chaque face, d’vne médaille de bronze, avec les chiffres de la
Reyne
. Ces obélisques posez sur des testes de mort comme les précédentes, estoient aussi accompagnez de vases qui poussoient des flames : et il y avoit vn nombre infini de lumiéres en tous les endroits du Tombeau, de la corniche, du piédestal et des degrez.
Au dessus de la représentation estoit vn dais orné d’hermine, de gaze d’argent et de crespe. Il en sortoit quatre grandes pentes qui estoient attachées aux quatre coins du Chœur, et qui formoient vn pavillon d’étofe noire meslée d’hermine.
L’Autel estoit particuliérement orné par vne prodigieuse quantité de lumiéres. Il y avoit au Iubé, qui est vis-à-vis à l’autre bout du Chœur, vn grand cartouche aux armes de la
Reyne
, avec des Sceptres brisez et des Couronnes renversées : et aux deux costez, estoient deux grands obélisques tout de feu.
Sur la porte du Chœur, à la face qui régarde la Nef, estoit vn tableau en façon de bas relief de marbre blanc sur vn fonds noir, qui représentoit la
Reyne
sortant du Tombeau. Elle paroissoit appüyée par vn Ange qui tenoit son cœur : vn autre luy donnant la main pour la condüire au Ciel. La Mort estoit au bas de ce Tombeau, tenant vne inscription latine.
La principale porte de l’Eglise estoit tendüe de noir, avec deux bandes de velous chargez d’écussons aux armes de la
Reyne
.
Le Parlement, la Chambre des Comptes, la Cour des Aydes, la Cour des Monoyes, l’Vniversité, l’Ancien et le Nouveau Châtelet, le Corps de Ville et l’Election arrivérent sur les neuf heures du matin, et furent placez en leurs rangs ordinaires.
Monseigneur le Dauphin
,
Monsieur
,
Madame
,
Mademoiselle
,
Mademoiselle d’Orléans
, et le
Duc d’Enguien
arrivérent quelque temps apres : et ils descendirent à l’Archevesché : où nostre
Archevesque
les reçeut, et les condüisit aux appartements qu’il avoit fait préparer.
Le
Marquis de Rhodes
Grand Maistre des Cérémonies, le
Sieur de Saintot
Maistre des Cérémonies, et le
Sieur Martinet
Lieutenant et Ayde des cérémonies les allérent quérir : et ils les amenérent à l’Eglise.
Trois cens Pauvres vestus de gris et portant des flambeaux de cire blanche, marchoient devant. Ils estoient süivis des Iurez Crieurs : et ceux-cy estoient süivis par trois Hérauts d’Armes, et par le Roy d’Armes revestus de leurs robes avec le caducée. L’Ayde, le Maître et le
Grand Maistre des Cérémonies
venoient apres.
Monseigneur le Dauphin
condüisoit
Madame
,
Monsieur
condüisoit
Mademoiselle
, et le
Duc d’Enguien
condüisoit
Mademoiselle d’Orléans
: et ils prirent leurs places selon l’ordre qui avoit esté observé au Service fait en l’Eglise de S. Denys.
Apres les séances prises, l’
Archevesque de Paris
revestu de ses habits pontificaux, et assisté de l’Abbé de la Mothe Archidiacre, et de l’Abbé Parfait le plus ancien Chanoine qui luy servoient de Diacre et de Sous-Diacre, avec ses Aumôniers, commença la Messe qui fut chantée par la Musique de l’Eglise.
Les Offrandes se firent apres les invitations et les révérences, comme on les avoit faites au premier Service. Le Coadjuteur d’Arles prononça l’Oraison funébre avec toute l’éloquence digne de son sujet : et à la fin de la Messe, l’
Archevesque
célébrant fit les Priéres, les aspersions et les encensements accoûtumez.
Les Compagnies se retirérent ensüite : et
Monseigneur le Dauphin
qui menoit
Madame
,
Monsieur
qui menoit
Mademoiselle
, et le
Duc d’Enguien
qui menoit
Mademoiselle d’Orléans
, furent condüits par le
Marquis de Rhodes
, par le
Sieur de Saintot
et par le
Sieur Martinet
, au Palais Archiépiscopal : où l’
Archevesque
leur avoit fait préparer vn magnifique repas.
Les derniers devoirs dus à vne si grande
Princesse
ont esté rendus exactement dans toutes les autres villes du Royaume.
A Bayonne, l’
Evesque
n’eut pas plûtost appris la mort de la
Reyne
, qu’il manda son Chapitre et le Corps de Ville pour les exhorter à faire travailler incessamment aux préparatifs de la Pompe funébre. Les Echevins n’oubliérent rien pour témoigner leur zéle en cette occasion. Le Chœur de l’Eglise Cathédrale fut tendu de noir, avec vn grand nombre d’écussons aux armes de la
Reyne
: et il y avoit au milieu du Chœur, vne
chapelle ardente
et vne représentation qui estoient tres bien éclairées. Le jour du Service qui fut le 23 du mois dernier, on fit fermer les boutiques par toute la ville. L’
Evesque
officia pontificalement, et le sieur Daccarette Curé d’Orrogne prononça le Discours funébre. Le Sieur de Planque Lieutenant de Roy, et les Officiers du Sénéchal assistérent à la cérémonie avec les Officiers de Ville.
A Tours, l’
Archevesque
fit faire le 27, vn Service solennel dans son Eglise Cathédrale : où on n’avoit rien oublié pour les tentures, les illuminations et les autres décorations funébres. Ce
Prélat
célébra la Messe qui fut chantée par la Musique. L’Oraison y fut prononcée : et l’Intendant de la Province y assista avec les Corps de la Ville, et vn tres grand concours de peuple. L’
Archevesque
ordonna aussi le lendemain, des Services dans toutes les Eglises de la ville de Tours : et il envoya vn pareil ordre dans tous les lieux de son Diocése.
A Agen, on a fait vn Service dans la Cathédrale où l’
Evesque
officia. L’Eglise estoit fort parée et fort éclairée : et il y avoit vne tres belle Chapelle ardente. Le sieur Ducros Grand Archidiacre prononça le Discours funébre.
A Poitiers, l’
Evesque
a fait rendre pareillement, avec vn grand soin, ces derniers devoirs dans son Eglise et dans toutes celles de son Diocése. L’Abbesse de l’Abbaye Royale de Sainte Croix, a fait faire aussi vn Service fort solennel dans son Eglise. Elle estoit tendüe de deüil dehors et dedans, depuis les voutes jusqu’en bas, et la représentation estoit sous vn magnifique dais : le tout semé d’écussons aux armes de la
Reyne
, et éclairé de quantité de lumiéres. L’Eloge fut prononcé par Dom Ioseph Feüillant : et toutes les Personnes de qualité de la ville de Poitiers, assistérent à la cérémonie.
A Metz, l’Eglise Cathédrale a fait vn Service : où le Parlement et les autres Compagnies assistérent, et l’
Archevesque d’Ambrun
Evesque de Metz fit l’Oraison funébre, avec vne grande satisfaction de l’auditoire. On avoit fait auparavant, des Services dans la mesme Eglise, où ce Prélat avoit officié : et on en a fait par son ordre, dans toutes les Eglises Séculiéres et Réguliéres de son Diocése.
A Nancy, les Cordeliers de l’Observance ont fait vn grand Service dans leur Eglise, par les soins du Pére de Sens Gardien de ce Convent : et le Pére Custode y prononça le Discours funébre.
A Charleville, le Magistrat de Police ordonna que toutes les boutiques seroient fermées, le 11e du mois dernier : et qu’on feroit des Services et des Priéres pour la
Reyne
dans toutes les Eglises de la ville et du dehors. La veille du jour choisi pour le Service, les cloches sonnérent depuis sept heures du soir jusqu’à neuf : et le lendemain, depuis six heures du matin, jusqu’à ce que la cérémonie fût achevée. Ce jour là, le Clergé de l’Eglise Paroissiale, süivi des Capucins, des Cordeliers et des autres Religieux, alla prendre les Corps de la Iustice Souveraine et de la Police qui estoient à l’Hôtel de Ville : et on en partit en cet ordre. Douze orphelins et douze vieillards vestus de robes bleües, marchoient à la teste des Communautez Religieuses, süivies du Clergé, revestu de chapes et de tuniques de velous noir, avec vne croix de satin blanc. Vne Compagnie de la Ieunesse de la Ville venoit apres, avec le Capitaine, le Lieutenant et deux Sergents tous en manteaux noirs, portans chacun vn flambeau garni d’vn écusson aux armes de France et d’Espagne. Le Corps de la Cour Souveraine suivoit, précédé de ses Huissiers : puis le Corps de la Police, aussi précédé de ses quatre Sergents vestus de hocquetons et de manteaux d’écarlate, avec leurs baguettes garnies d’argent et surmontées d’vn Soleil. La marche estoit fermée par deux cens des principaux Bourgeois qui alloient deux à deux, tous en habits et manteaux noirs. On alla ainsi prendre pareillement le sieur de Longueval Commandant de la Ville : qui accompagné de l’Estat Major et de tous les Officiers de la garnison, se mit à la teste des Corps de Iustice et de Police. On se rendit ensüite à l’Eglise Paroissiale, où l’on n’avoit rien oublié pour la Pompe funébre : et la Messe y fut solennellement chantée.
A Arras, le Conseil Provincial d’Artois, fit faire le 4 de ce mois, vn Service solennel dans la Chapelle Royale du Palais. Elle estoit dehors et dedans, tendüe de deüil, avec deux lez de velous chargez d’écussons. La représentation posée au milieu, estoit couverte d’vn poële de velous croisé de moire d’or : sur lequel il y avoit vne Couronne couverte de crespe. Cette représentation estoit sous vn dais garni de velous aux armes de la
Reyne
: et le tout estoit éclairé par vn grand nombre de gros flambeaux de cire blanche sur des chandeliers d’argent.
A Reims, on a fait des Services dans toutes les Eglises, ainsi qu’en celles de tout le Diocése, par l’ordre de l’
Archevesque
. Les Iésüites, outre le Service qu’ils avoient fait pour la
Reyne
dans leur Eglise, ont fait prononcer son Oraison funébre en latin, à la place de la Tragédie qu’ils avoient préparée. Le Professeur de Rhétorique s’en acquita avec applaudissement, en présence de tous les Corps de la Ville. La grande salle de leur Collége et l’entrée estoient tendües de deüil avec les armes de la
Reyne
, et quantité de devises peintes dans des cartouches, où on voyoit les principales vertus de l’illustre Défunte. L’Abbesse de S. Pierre de Reims s’est aussi acquittée de ces devoirs funébres, avec toute la magnificence possible. Les deux Chapelles et l’enceinte de l’Eglise estoient tendües de noir, avec quantité de grands écussons aux armes de la
Reyne
. Le Tabernacle estoit couvert de crespe. Les Crédences et les Autels estoient chargez de cierges avec des armoiries. La représentation estoit au milieu, couverte d’vn poële de velous noir croisé de moire d’argent : et posée sur vne estrade de trois marches chargées de plus de quatre vingt chandeliers d’argent garnis de cierges et d’armoiries. Vne Couronne et vn Sceptre de vermeil doré estoient posez à la teste de la Représentation,sur vn careau et sous vn crespe : et le tout estoit sous vn dais de velous noir, avec vn grand point d’Espagne d’argent qui servoit de crespine. Les Corps de la Ville, la Noblesse, et tout ce qu’il y a de personnes de marque, assistérent aux Vigiles et au Service : où il y eut vne musique excellente.
A Roüen, on a fait des Services dans toutes les Eglises, comme dans toutes les autres du Diocése, par l’ordre de l’
Archevesque
. Les Religieuses de Saint Dominique, dont le Monastére a esté fondé par Saint Loüis, s’acquittérent de ces derniers devoirs avec beaucoup de magnificence. Leur Eglise estoit tendüe de trois bandes de drap noir chargez de grands écussons aux armes de la
Reyne
, avec vne Représentation au milieu de la Nef, couverte d’vn poële de velous de bleu mourant, brodé d’or, d’argent et de soye, et élevée sur vne estrade de six degrez. Vne Couronne de vermeil doré estoit à la teste, sur vn siége élevé couvert d’vn drap, avec vn carreau de velous : et il y avoit vn grand nombre de flambeaux à l’entour, portez sur des chandeliers d’argent, soûtenus par des gradins couverts de tapis noir. L’Autel estoit orne d’vn riche parement de velous violet, ouvragé et brodé en relief, frangé d’or : et il estoit aussi éclairé par quantité de cierges sur de semblables chandeliers. La Messe fut célébrée avec la Musique de l’Eglise Cathédrale. Les Secrétaires du
Roy
ont fait faire aussi vn service solennel dans l’Eglise des Célestins de la mesme ville de Roüen.
A Chartres, les Marchands en firent faire vn le 13 du mois dernier, dans l’Eglise des Cordeliers, par tout tendüe de noir, avec vne représentation au milieu du Chœur : où il y avoit plus de cinq cent cierges avec quantité d’argenterie. Le Pére Philippes Cordelier fit le Panégyrique. Les Iuges Consuls süivis des anciens premiers Iuges, assistérent à la cérémonie : à la fin de laquelle, ils firent distribüer de grandes aumônes.
A Méry sur Seine, on fit le 6 de ce mois vn Service, où les Curez de toutes les Paroisses circonvoisines assistérent, avec quelques Chanoines de l’Eglise Cathédrale et Collégiale de Troyes, et les Officiers du Bailliage de Méry. Il y avoit vne Chapelle ardente bien éclairée : et l’Oraison funébre fut prononcée par le Pére Godot Religieux de l’Ordre des Fréres Prescheurs.
A Melun, les Chanoines de l’Eglise Royale et Collégiale de Nostre-Dame, ont pareillement fait voir leur zéle, par vn Service célébré dans leur Eglise : où estoit vne représentation fort parée et fort éclairée. Tous les Corps de la Ville y assistérent.
Les Marchands de S. Germain en Laye y firent faire vn Service magnifique le 13 du mois dernier, dans l’Eglise des Recoletz. Elle estoit toute tendüe de noir, avec plus de deux cens écussons aux Armes de France et d’Espagne, et vne
tres grande quantité de cierges. Le Mausolée élevé au milieu de la Nef, estoit orné de toute l’argenterie de la Chapelle du Château, et éclairé d’vn fort grand nombre de lumiéres. Le Gardien célébra la Messe : où tous les Religieux qui dirent leurs Messes ce jour là pour la
Reyne
, assistérent chacun vn cierge à la main. Le Pére Balthazar de Saint Loüis Religieux de cet Ordre, y prononça le Discours funébre. L’apresdînée, le sieur l’Esguisier Docteur en Théologie, en prononça aussi vn dans la mesme Eglise : et ensüite, on distribüa des aumônes à tous les pauvres qui se présentérent.
Ici toutes les Communautez Religieuses continüent de se signaler en cette pieuse occasion. Les Cordeliers du Grand Convent ont fait vn Service dans leur Eglise, avec d’autant plus de zéle et de magnificence, que la
Reyne
estoit Supérieure du Tiers Ordre. Le Pére David Religieux de cette Maison fit l’Oraison funébre.
Les Augustins Déchaussez qui avoient ainsi que tous les autres Religieux de cette Ville, fait chez eux vn Service solennel pour la
Reyne
, firent encore le jour de S. Augustin, chanter solennellement dans leur Eglise, par vne excellente Musique, des plaintes de la France sur la mort de cette grande
Princesse
.