La Gazette de Renaudot

De Vienne , le 2 Décembre 1685.

Il est arrivé cette semaine , deux Couriers de la Haute Hongrie mais il n'ont pas apporté la confirmation de la prise de Gyula dont le .bruit s'estoit répandu icy ces jours passez. On a seulement appris par cette voye , que le Comte Baragotzi s'estoit approché de la place & l'avoit fait sommer , sans aucun succez. La Princesse Ragotzi différe toujiours de rendre la forteresse de Mongatz jusqu’à ce qu'elle ait reçeu réponse & aux lettres qu’elle a écrites au Roy de Pologne . Le Comte Caprara a commandé trois mille hommes pour tenir la place bloquée : & il a fait dire a la Princesse Ragotzi par le Comte Perneasi , que si elle attend un siége , elle ne pourra plus espérer de l'Empereur les conditions favorables qu'il luy avoit offertes. On dit aussi qu'elle ne peut encore croire que les Turcs ayent arresté le Comte son mary : & qu'elle se persuade seulement que le Grand Seigneur l'a fait venir à sa Cour pour conferer avec luy, & prendre de nouvelles mesures sur les affaires de Hongrie. Les garnisons du Grand Waradub, de Temiswar & d'autres places qui s'assembloient comme à dessein de reprendre Zolnock , se sont retirées : & le Baron de Mercy ayant reconnu que ce n'estoit qu'une feinte des Infidéles , a envoyé ses troupes en quartiers d'hyver. Il a pris le sien , avec le Colonel
Heusler dans la mesme ville de Zolnock , afin de pouvoir plus facilement observer les mouvements des Turcs & s'opposer à leurs entreprises. On a sçeû par des lettres interceptées que les fortifications & les ouvrages des dehors de Bude sont achevez , & que le Seraskier faisoit incessamment travailler à rétablir celles de la Ville & du fort d'Effeck. On fait dans cette mesme place , de grands magasins de vivres, de fourages & de munitions : ce qui donne sujet de croire que les ennemis ont dessein de tourner à la Campagne prochaine, leurs principales forces du costé de la Croatie & de la Stirie. Cependant, ils continüent de faire cesser les hostilitez contre les Impériaux & de renvoyer les prisonniers : témoignant ainsi tousiours qu'ils sont disposez à conclure la paix ou la treve entre les deux Empires. L'Ambassadeur de Venise a asseuré cette Cour, qu'ils sont aussi de semblables propositions d'accommodement à la République : mais qu'elle n'a pas voulu les écouter. On luy a communiqué celles que l'Aga Achmet Chelebi a faites au Premier Interprete , les lettres qu'il a apportées , & la réponse qui luy a esté faite au nom de Sa Majesté Impériale . Cet Aga a fait de grandes plaintes de ce que les Impériaux continüoient leurs hostilitez dans le temps qu'il estoit chargé de négocier la paix : & on ne luy a fait aucune réponse sur une plainte si mal fondée. Il ne paroist pas que le Conseil Impérial soit disposé à perdre par un accommodement avec la Porte les grands avantages qu'on doit espérer à la Campagne prochaine , si les Electeurs & les Princes envoyant en Hongrie le secours considérable qu'ils promettent. Les fortifications de Neuhausel sont presentement en estat de defense. Le Comte Rabata Intendant Général des armées nonobstant ses indispositions, prend le soin de faire palier incessamment ; avant que le Danube soit glacé, des munitions, des fourages & de l'artillerie pour en remplir les magasins de Hongrie : & on n'oublie rien pour se mettre en estat de pouvoir faire de bonne heure l'ouverture de la Campagne. On travaille tousiours dans les Pays Héréditaires aux levées pour les recrües d’Infanterie & de cavalerie : & on parle d’une levée de plusieurs compagnies franches mettra dans les places conquises , au lieu des garnisons Impériales qui en seront tirées pour en grossir l'armée: On renforcera celle de Croatie jusqu'à vingt mille hommes de troupes reglées , outre les troupes Nationales , pour s’opposer de ce costé là , aux entreprises des Turcs , & on se contentera de tenir dans la Haute Hongrie , qui est presque entiérement rentrée à l'obéïssance de l'Empereur , un camp volant d'environ dix ou douze mille chevaux & Dragons pour couvrir les places & pour observer les mouvements des Infidéles & des Mécontents qui sont restez en Transylvanie.