De Vienne, le 6 janvier 1689
On écrit de la Bossine, que les troupes Impériales qui y sont en quartiers, ont avec le secours de deux mille Rasciens, surpris un poste où quinze cents Turcs s'estoient retirez : & qu'ils en avoient tüé ou fait prisonniers la plus grande partie &
delivré plusieurs esclages Chrestiens
.
On a aussi eu avis de la Basse-Hongrie, que trente Turcs de la garnison de Sigher, ont esté faits prisonniers par les impériaux : qu'ils ont assuré que la garnison estoit redüite à quatre cents hommes : & qu'il ne restoit aussi qu'environ six cents habitants, qui manquoient de toutes les choses nécessaires à la vie. Les dernieres nouvelles de Transylvanie portent que le Comte Veterani avoit fait poster ses troupes en divers passages, & particulierement en plusieurs défilez du costé des montagnes, craignant d'estre attaqué par les Tartares. Le Comte de Souches prit le 29 du mois dernier, congé de
l'Empereur
pour aller joindre le Duc de Croy, à Ulm. Les quatre régiments de cüirassiers de Dunewald, de Palsi, de Savoye & de Commercy sont encore en Boheme, quoy qu'ils eussent reçeu ordre d'en partir incessamment pour suivre les sept autres, qui doivent avoir presentement passé le Danube à Ulm, pour se joindre avec les troupes Bavaroises. Le régiment d'infanterie d'Anhalt s'y doit aussi rendre à la fin de Janvier. Le Baron Heusler mettra sur pied un régiment d'infanterie au lieu de l'un des deux de cavalerie qu'il s'estoit obligéde lever. On continuë avec toute la diligence possible, à travailler aux autres levées & à tous les preparatifs de la Campagne prochaine. Les commissions ont esté delivrées aux Colonels, avec une partie de l'argent necessaire pour faire des recruës, pour remonter la cavalerie, & pour augmenter chaque régiment de quatre compagniies. On pretend par cette augmentation, mettre les régiments de cavalerie sur le pied de mille chevaux & ceux d'infanterie sur le pied de deux mille deux cents hommes : & on espere par ce moyen & avec les nouveaux régiments Hongrois & Allemans que plusieurs Seigneurs levent à leurs dépens, & les troupes que les Pays Hereditaires se sont obligez de fournir, que l'armée Impériale sera d'environ quarante mille hommes. Le
Prince Frederic Auguste de Brunswich qui commande un régiment de cüirassiers au service de
l'Empereur
, a esté fait General Major : & le Baron de Rodern a esté nommé pour aller commander à Constance, à la place du Baron de Stadel qui a demandé la permission de se retirer à cause de ses indispositions continüelles. On attend le sieur Proski Plenipotentiaire de Pologne pour commencer la negociation avec les Envoyez de la Porte qui sont toujours à Pottendorff, sans s'expliquer en aucune maniere, sur les propositions dont ils sont chargez. On fait icy courir le brüit que les Turcs ne font aucuns preparatifs pour la Campagne : & que
le Comte Thekeli
n'avoit pû obtenir aucun secours de la Porte. Cependant, on a appris par des lettres interceptées qu'il a reçeu de l'argent pour assembler un petit corps d'armée, jusqu'à l'arrivée des troupes que
le Grand Vizir
a promis de luy envoyer. Le Comte Carassa se prepare à partir pour son voyage à Rome. Il passera aussi en diverses Cours des Princes d'Italie pour tâcher d'y emprunter de grandes sommes sans lesquelles il est difficile de soûtenir les dépenses que demandent les premiers preparatifs necessaires pour faire avancer l'armée Impériale du costé du Rhin.