Du Camp devant Courtray, le 8 Novembre 1683.
Le 2 de ce mois, le
Maréchal de Humiéres
estant décampé de Lessines le 31 du passé, avec l’armée du
Roy
qu’il commande, arriva devant Courtray : qui avoit esté investi deux jours auparavant par le
Marquis de Bouflers
. Les quartiers furent distribüez aux troupes : et celuy du
Roy
fut établi à Harlebec à vne lieüe de la ville. Le Maréchal de
Humiéres
fit le soir mesme, le tour de la place pour la reconnoistre : et le
Prince de Conti
, le
Prince de la Roche-sur-Yon
, le
Comte de Vermandois
Amiral de France, et plusieurs Volontaires de qualité l’accompagnérent par tout, et s’avancérent jusqu’à la portée du pistolet de la contrescarpe. Il envoya le lendemain, vn Trompette au Marquis de Wargnies Gouverneur de Courtray, pour
le sommer de rendre la place : et sur le refus qu’il en fit, on résolut de l’attaquer. La nüit du 3 au 4 de ce mois, on fit l’ouverture de la tranchée à demi-portée de mousquet de la place : et le Comte de Maulévrier-Colbert y commandoit. Les
Princes
s’y trouvérent : et ils ne se retirérent qu’apres que la tranchée fut asseurée, nonobstant le grand feu que firent les assiégez. La mesme nüit, on fit deux attaques : l’vne qui estoit celle des Gardes, vers le bastion qui est à droite de la porte d’Ypres et l’autre de Picardie vers le bastion qui est à la droite du premier. Les travaux furent avancez avec vne telle diligence, que le 4 à deux heures du matin, les Gardes et Picardie furent logez sur la contrescarpe, et firent vn boyau de communication aux deux attaques. Le Régiment du
Roy
fit vne fausse attaque à la Citadelle : et se logea pres d’vne redoute. Le Régiment de Fiffer en fit vne autre à la ville, entre la Citadelle et la riviére : et il l’a poussa jusqu’à la contrescarpe. Il y eut en ces attaques environ cent cinquante soldats tüez ou blessez, et quelques Officiers. Le sieur de la Tremblaye, le Chevalier d’Artagnan, le sieur de Périgny et deux Ingénieurs, furent blessez. Le
Prince de Conti
retournant à la tranchée, eut vn de ses chevaux de main, emporté d’vn coup de canon à trois pas derriére luy. A dix heures du matin, la Ville demanda à capituler : et les Gardes Françoises et Süisses se saisirent des portes. Le Maréchal de
Humiéres
donna en mesme temps, les ordres pour l’attaque de la Citadelle. Vn bataillon des Gardes Françoises et deux des Süisses s’emparérent le 5, des maisons et des casernes qui en bordent l’esplanade, tirérent vne ligne parallelle au front de la place à la portée du pistolet, et firent vne batterie qui tira tout le jour. Les assiégez firent vn grand feu : mais on ne perdit que trois soldats. La nüit du 5 au 6, le bataillon des Gardes commandé par le Comte d’Avejan, et le premier bataillon de Picardie, commandé par le Marquis de Harcourt, ouvrirent la tranchée et la poussérent sur la contrescarpe. Il n’y eut que cinq ou six soldats blessez et trois tüez. Les Bombardiers mirent en deux heures, deux mortiers en batterie, qui jettérent tout le jour des bombes dans la Citadelle. Le sieur du Metz Lieutenant Général d’artillerie fit en mesme temps préparer deux batteries, l’vne de huit piéces et l’autre de sept piéces de canon. Vne des batteries commença à tirer avant midy : et sur les trois heures, les Gardes et Picardie achevérent le boyau de communication entre les deux attaques. Sur le soir, le Gouverneur voyant que les travaux estoient fort avancez, et que le canon et les bombes avoient fort endommagé la demy-lune et les bastions attaquez, fit battre la chamade. On envoya des ostages de part et d’autre, la capitulation fut dressée : et le 7, la garnison ayant le Marquis de Vargnie à la teste, sortit et fut escortée jusqu’à Gand.