CHARLES ROY,
Nous avons observé depuis quelques années, que les mal intentionnez ont travaillé à
exciter la sédition
par toutes sortes de moyens, et principalement en
débitant de fausses nouvelles
et des
libelles
, et par d’autres artifices qu’ils ont employez pour rendre nostre gouvernement odieux, pour rendre suspects nos plus fidéles sujets, et pour inspirer au peuple de l’aversion et de la haine pour nostre Personne Royale. C’est ce qui nous a fait connoistre d’vne maniére évidente, que les chefs de ce parti ne pouvoient avoir vn autre dessein que de travailler à nostre rüine et à celle de l’Estat.
Nous avons aussi reconnu avec vne douleur sensible, que pendant que nous avons fait paroître avec vn extréme soin à nos fidéles sujets, le zéle que nous avons pour maintenir la Religion Protestante, et que nostre dessein est de les gouverner
selon les loix, ces Factieux se sont tellement insinüez dans l’affection du menu peuple, qu’il les a considérez comme les seuls défenseurs des libertez, de la Religion et de la Patrie, et s’est entiérement abandonné à leur condüite.
L’insolence des mal intentionnez s’est augmentée en mesme temps que leur nombre s’est multiplié : et ils l’ont portée à vn tel excez, qu’en se trouvant souvent dans les tumultes, dans les desordres et dans les conventicules séditieux et contraires aux loix, ils ont donné à ceux de leur parti des asseurances d’impunité, parce qu’ils se croyoient desja plus püissants que les loix. Il sembloit mesme qu’ils espéroient avoir dans peu de temps, assez de pouvoir sur l’esprit du peuple pour le porter à vne
rebellion ouverte
contre l’Estat.
Mais Dieu a permis que ces moyens violents ont servi à ouvrir les yeux de nos fidéles sujets : et qu’ils ont facilement prévû les funestes effets que cette condüite devoit prodüire.
Il nous ont fait connoistre en toutes les occasions, avec autant de courage que de respect et d’affection, qu’ils estoient résolus de s’employer pour la défense de nostre Personne, et pour la conservation de nostre autorité et de la Religion établie par les loix. Ils ont aussi servi à convaincre le commun du peuple, des pernicieux desseins de ces chefs factieux, et des malheurs dont le public estoit menacé, si leurs projets avoient quelque süite.
Ainsi les Factieux perdirent créance de jour en jour. Ils reconnurent qu’il leur estoit impossible de maintenir leurs Sectateurs dans l’aversion qu’ils leur avoient inspirée contre la Religion et contre les loix, pendant que nous nous employions avec vigueur à les maintenir et à les faire
exécuter
. Ils entrérent de cette maniére dans vne espéce de desespoir, qui les fit résoudre à prendre les armes, sans s’arrester plus longtemps à chercher des moyens d’
exciter vne sédition
, se croyant aussi assez püissants pour renverser par la force, le Gouvernement qu’ils avoient inutilement essayé de renverser par des pratiques secrétes.
Il est difficile de concevoir que des hommes d’opinions et d’interests si différents, ayent pû s’accorder pour l’exécution d’vne semblable entreprise. Néantmoins, il est certain qu’ils se sont tous accordez dans la résolution de prendre les armes pour
renverser le Gouvernement
, avant mesmes que de demeurer d’accord de la forme qu’ils devoient donner à celuy qu’ils établiroient.
Ils se sont servis de plusieurs moyens pour l’exécution de ce dessein : et pendant que les vns tâchoient d’exciter vne
révolte générale
dans ce Royaume, aussi bien qu’en Ecosse, les autres conspiroient pour
assassiner
nostre
Personne Royale
et nostre tres-cher
Frére
, et pour massacrer les Magistrats de nostre ville de Londres, avec les principaux Officiers de nostre Estat, afin qu’il ne restât aucune apparence de Gouvernement, et que nos sujets n’eussent plus de moyens de s’vnir pour leur propre défense.
Si Dieu avoit permis que leur mauvais dessein eust esté exécuté, on ne pouvoir attendre qu’vne générale confusion, puis qu’au lieu de la réforme qu’ils prétendoient faire, le succez qu’ils espéroient auroit prodüit entr’eux des divisions et des guerres qui n’auroient pû finir, qu’apres que le plus püissant parti auroit soûmis l’autre à vne dure servitude, dans laquelle tout le Royaume se seroit trouvé engagé.
Mais la Divine Providence qui nous a conservez pendant tout le cours de nostre vie, a paru en cette occasion d’vne maniére extraordinaire, en garentissant
nostre Personne
, celle de nostre tres cher
Frére
et tous nos fidéles sujets, de cette horrible et détestable Conspiration, par vne protection toute singuliére.
Comme nous souhaitons que tous nos bons sujets joignent leurs priéres avec les nostres, pour en rendre graces à Dieu, nous avons jugé nécessaire de les informer du fait, ainsi qu’il nous a esté découvert, et qu’il a esté vérifié par des preuves indubitables, et par la confession de divers complices de cette Conspiration. Quoy que nous n’ayons pas encore dressé vn détail exact de toutes les circonstances particuliéres, néantmoins nous avons trouvé que ce dessein avoit esté concerté en la maniére süivante.
Au commencement du mois d’Octobre dernier, lors que les Chefs de la faction virent les Charges de nostre ville de Londres remplies par des personnes de probité, ils en témoignérent leur chagrin : et ils commencérent aussitost à délibérer pour
prendre les armes
, parce que quelques vns d’entr’eux croyoient que leur partie estoit si bien faite, qu’ils ne pouvoient manquer de réüssir, lors qu’ils agiroient à force ouverte.
Ce fut par cette raison que les principaux Conjurez s’assemblérent pour délibérer sur les moyens les plus certains de se rendre maistres de nos Gardes et de se saisir de nostre Personne. Mais apres avoir mis la chose en délibération, ils jugérent qu’il estoit nécessaire de disposer leurs amis, dispersez en plusieurs Provinces, aussi bien que le parti des mal intentionnez en Ecosse, à se joindre avec eux, parce qu’autrement il leur paroissoit que c’estoit vne trop grande témérité de faire aucune entreprise sur la ville ou contre nos Gardes. C’est pourquoy, quittant alors la
pensée de se révolter
, ils se disposérent à reconnoistre par leurs correspondances en Ecosse, et en différents endroits de nostre Royaume, quel secours ils pourroient espérer par vne
révolte générale
, en sorte que selon toute apparence, ils ne pussent manquer de venir à bout de leur entreprise.
Pendant qu’on formoit ce premier projet, quelques Scélérats formoient le dessein d’vne horrible et exécrable conspiration pour
assassiner
nostre
Personne Royale
et nostre tres cher
Frére
, lorsque nous reviendrions de Newmarket : et on avoit desja déposé de l’argent pour cet effet. Mais ils furent obligez d’en différer l’exécution, à cause de la briéveté du temps, parce que nous revinsmes bientost, et aussi parce qu’ils n’avoient pas fait les préparatifs nécessaires.
Ils mirent en délibération d’exécuter leur dessein le mois de Mars dernier, quand nous irions à Newmarket. Mais quelques vns d’entr’eux firent vne difficulté, sur ce que nos Gardes qui demeurent ordinairement ici quelque temps apres nostre départ, pourroient à la premiére nouvelle, former vne grande opposition. Ils demeurérent donc d’accord d’exécuter leur dessein à nostre retour de Newmarket, pour cette raison, et parce qu’ils n’étoient pas encore assez préparez.
La place qu’ils avoient choisie pour l’exécution de leur dessein, estoit la maison d’vn nommé
Rumbold Grénetier
, appellée Rye, pres de Hoddesdon dans la Comté de Herfort. Il fut résolu que les
Assassins
qui estoient au nombre de quarante, commandez par le mesme
Rumbold
, se cacheroient dans cette maison ou aux environs : que quand nostre carosse passeroit en cet endroit, trois ou quatre d’entr’eux
tireroient des coups d’arquebuse
sur le postillon et sur les chevaux : que si à la premiére décharge ils manquoient à tüer les chevaux, d’autres gens déguisez en païsans se trouveroient sur le chemin et feroient verser vne charette pour fermer le passage, et pour arrester nostre carosse. Que quelques vns
tireroient sur le carosse
où nostre
personne Royale
et nostre tres cher
Frére
auroient esté : et que d’autres tireroient sur les Gardes qui nous accompagneroient. Il fut aussi résolu que le mesme jour, plusieurs Lords et d’autres personnes de qualité, qu’ils supposoient devoir estre favorables à leur dessein, seroient priez à disner dans nôtre ville de Londres, afin qu’ils pûssent paroistre parmi les Bourgeois, aussitost que la nouvelle seroit arrivée. Les
Assassins
avoient pris des mesures pour se sauver apres le coup, par vn chemin plus court que le chemin ordinaire : et ils espéroient ainsi estre arrivez à Londres aussitost que ceux qui en auroient apporté l’avis.
Ils se persüadérent qu’il leur seroit facile apres vne action si horrible, de
s’emparer du Gouvernement
: estans soûtenus par vn grand nombre de mal intentionnez.
Cependant, de crainte que l’horreur d’vne telle action n’en épouventast plusieurs, et ne les empeschast de se joindre à eux, ils s’estoient préparez à y donner quelque couleur, en faisant publier vne remonstrance ou déclaration, qu’ils estoient sur le point de faire imprimer et distribüer parmi le peuple, pour l’amuser pendant cette confusion. De peur aussi que nos Officiers d’Estat, et les Magistrats de nostre ville de Londres ne pûssent avec le secours de la milice et de nos autres fidéles sujets, leur faire quelque résistance, ils avoient résolu apres ce premier
massacre
, d’en faire vn autre de nos Officiers d’Estat, de
Mylord Maire
, des Shérifs, des autres Magistrats de la ville de Londres, et de ceux de nos sujets qui sont d’vne fidélité distinguée.
Mais il plût à Dieu de renverser tous ces projets : le
feu
qui se prit par hazard à Newmarket, nous ayant obligez d’en revenir avant le temps que nous nous estions proposé.
Néantmoins ces scélérats n’abandonnérent pas encore leur entreprise sangüinaire. Ils résolurent de l’exécuter à la premiére occasion favorable qui se présenteroit. Ils crûrent que ce pourroir estre ou lors que nous passerions de Windsor à Hamptoncourt, ou dans nostre voyage à Winchester, ou lors que nous irions sur l’eau dans nostre Berge, ou quand nous passerions pres du Iardin de Bedford, ou lors que nous assisterions à la feste des Taureaux, qui devoit estre faite dans la place de Red-Lion-Field, parce qu’ils estoient informez que
nous
et nostre tres cher
Frére
avions intention d’y aller.
Afin d’estre en estat de se servir de l’occasion lors qu’elle se présenteroit, et d’avoir les armes nécessaires, ils firent
faire en diligence pour quarante hommes, trente carabines avec les bandoliéres, trente paires de pistolets et dix arquebuses, qu’ils payérent
.
Pour assembler aussi plus facilement ceux de leur parti au temps de l’exécution, ils avoient
divisé nos villes de Londres et de Westminster, et les fauxbourgs en vingt quartiers, qui devoient fournir chacun cinq cens hommes au premier signal
: et ils avoient nommé des personnes pour rendre compte du nombre d’hommes qui seroient donnez par chacun de ces quartiers, et pour les faire agir selon qu’il seroit jugé à propos.
Afin de former vn Corps d’armée des forces qu’ils assembleroient, ils avoient dans la ville pour les commander, cent vieux Officiers de ceux qui s’étoient trouvez
engagez dans les derniéres révoltes
: et les Conspirateurs sont demeurez résolus à l’exécution de leur entreprise, jusqu’à ce qu’ils ont sçeu qu’elle nous avoit esté découverte. Cependant, les principaux
Conjurez continüoient leurs intrigues
, aussi pour l’exécution de l’autre dessein qu’ils avoient d’exciter vne
révolte générale
dans les Royaumes d’Angleterre et d’Ecosse.
Le défunt
Comte de Shaftsbury
qui les avoit pressez de se
révolter
promptement, et qui auroit souhaité que c’eust esté avant le 27 de Novembre dernier, ou au plus tard ce jour la mesme, envoya sçavoir la résolution des Conjurez dans vne assemblée qu’ils tenoient en vn lieu dont ils estoient convenus. Mais ayant appris qu’ils ne vouloient rien hazarder avant que de s’estre mieux préparez, il se retira secrétement en Hollande, pour éviter le danger auquel il se fût trouvé si l’entreprise eust esté découverte.
Les Conspirateurs ne laissérent pas de persister dans leur résolution apres sa retraite. Ils agirent seulement avec plus de circonspection. Ils établirent vn nouveau conseil de six personnes qui eurent la principale direction des choses nécessaires pour exciter la
révolte générale
, par les correspondances qu’ils avoient avec ceux de leur parti en Ecosse, et dans plusieurs Provinces du Royaume. Ils jugérent qu’il seroit périlleux de les entretenir par lettres : et ils crûrent à propos d’envoyer des personnes en Ecosse, pour inviter les chefs du party des mal intentionnez dans ce Royaume à se rendre ici, sous prétexte de demander des terres de la Caroline, quoi que ce fust pour délibérer avec eux sur les moyens les plus convenables pour exécuter conjointement leur dessein dans les deux Royaumes. Ils firent alors dans cette vüe, vn traité avec
Archibald Campbel
, ci-devant, Comte d’Argile, desja convaincu du crime de Léze Majesté. Il leur demanda d’abord trente mille livres sterlin : et ensüite il se contenta de dix mille livres sterlin pour acheter des armes en Hollande, et pour faire les autres préparatifs nécessaires pour la
révolte
qu’ils prétendoient exciter dans nostre Royaume d’Escosse.
Il fut mis en question dans ce Conseil des six, si on la commenceroit en Angleterre, par nostre ville de Londres, où à cause du grand nombre qu’ils y pouvoient joindre promtement, il leur sembloit qu’ils pourroient aisément se rendre maistres de nos Gardes : ou si on l’exciteroit en quelques lieux éloignez, afin que nous obligeant à envoyer nos Gardes pour l’appaiser, ils pussent ainsi plus aisément exciter et
entretenir la révolte
dans nostre dite ville de Londres. Il fut enfin jugé plus à propos et plus seur, qu’elle se fist de toutes parts en mesme temps, de peur que la milice ne suffist pour la défense de la ville, sans le secours de nos Gardes que nous aurions envoyez pour
appaiser la révolte
excitée dans les Provinces. C’est ainsi qu’ils disposoient toutes choses pour leur entreprise, qui estoit sur le point d’estre exécutée.
Mais Dieu par sa grande miséricorde envers nous, permit que dans le temps mesme qu’ils méditoient l’exécution de leur
exécrable attentat
contre nostre
Personne Royale,
contre nostre tres cher
Frére
et contre l’Estat, vn des
Complices vint nous le déclarer
le 22 de Iuin dernier : et depuis, nous avons employé les moyens les plus convenables pour découvrir toutes les particularitez d’vne si infernale conspiration, et pour en prévenir les süites.
Plusieurs conjurez ayant eu connoissance des ordres expédiez pour les arrester, se sont échapez des mains de la Iustice. Ce sont
Iacques Duc de Monmouth
,
Mylord Mélüin
, le Chevalier
Iean Cochrane
, le Chevalier
Thomas Armestrong
,
Robert Ferguson
, qui assistoit dans toutes les intrigues des vns et des autres,
Richard
et François Goodenough,
Richard Rumbold Grénetier
, et
William Rumbold
son frére,
Richard Nelthorpe
,
Nathaniel Wade
, William Thompson, Iames Burton, Ioseph Elby, Samüel Gibbs, François Charleton,
Ioseph Tiley
, Castcers et
Lobb
Prédicateurs Non-Conformistes,
Edward Norton
,
Iean Row
,
Iean Ayloff
et Iean Atherton.
Mylord Grey
qui estoit arresté, s’est échapé des mains du Sergent d’armes qui l’avoit en sa garde, et Arthur, ci-devant,
Comte d’Essex
, qui estoit prisonnier à la Tour, pour crime de Haute
Trahiso
n, s’est tüé luy mesme.
D’autres ont esté arrestez et mis en prison : et
William Lord Russel
,
Thomas Walcot
,
William Hone
et
Iean Rouse
qui estoient de ce nombre, ayant esté atteints et convaincus du crime, ont esté
exécutez
selon les loix du Royaume.
Nous avons jugé à propos de faire connoistre cecy à nos fidéles sujets, afin que touchez comme nous le sommes, d’vne sensible reconnoissance pour la protection que Dieu nous a témoignée en nous delivrant d’vn si grand péril, ils joignent leurs priéres aux nostres, pour luy en rendre des graces solennelles.
Nous ordonnons à cet effet, que le 19 de Septembre prochain sera célébré comme vn jour d’actions de graces dans toutes les Eglises et les Chapelles de nostre Royaume, Principauté de Galles et ville de Borwick sur la Twerd, en la maniére qu’il sera prescrit par Nous, et selon la forme des Priéres d’actions de graces que nous avons commandé à nos Evesques de préparer, et qui seront ensüite publiées à mesme fin.
Nous voulons aussi que cette Déclaration soit leüe publiquement dans toutes lesdites Eglises et Chapelles le Dimanche 12 Septembre, et le jour mesme de la feste d’Action de graces.
Donné en nostre Cour à Whitehall le 7 Aoust 1683. en la 39e année de nostre Régne.