De Génes , le 28 Janvier 1685.
Le Courier qui avoit esté dépesché à Rome , pour faire sçavoir au
Pape
les derniéres résolutions de la République touchant l'accommodement avec la France estant arrivé, les Conseils s'assemblérent plusieurs fois. On y examina les dépesches du sieur Francesco Brignole , & les avis reçeus de la Cour de France : & apres plusieurs délibérations , il fut résolu de donner une entière satisfaction au
Roy Tres Chrestien
, de se soûmettre aux conditions d'accommodement imposées par
Sa Majesté
, & d'envoyer le Doge & quatre Sénateurs en France , pour luy faire des soûmissions au nom de la République. Cette résolution qui avoit esté appüyée dans plusieurs Conseils , par le suffrage d'un grand nombre des principaux Sénateurs , fut universellement approuvée. Aussitost un Courier fut dépesché
pour en porter la nouvelle à la Cour de France, avec un pouvoir au Marquis Paolo de Marini Envoyé Extraordinaire de la République , pour conclure en son nom, le traité d'accommodement avec les Commissaires qui seroient autorisez par
le Roy Tres Chrestien
, pour en dresser les articles. Dom Jüan Carlos de Baçan Envoyé Extraordinaire d'Espagne , donna aussitost avis de cette résolution au Comte de Melgar Gouverneur du Duché de Milan , par un Courier extraordinaire. Le Comte de Melgar qui estoit à Tortone partit en mesme temps en poste : & il arriva ici le 24 , accompagné seulement de quatre personnes. Les Gouverneurs de Tortone & de Final , le Mestre de Camp Général , le Chancelier & les principaux officiers des troupes du Milanez y vinrent peu de temps apres : & ils eurent plusieurs conférences avec les Députez du Conseil de guerre & les principaux du Sénat. Ils déclarérent au Comte de Melgar la résolution prise par la République , de rétablir par un prompt accommodement sa seureté & son commerce , dont la rüine jettoit les peuples dans le désespoir & leur ostoit le moyen de subsister : ce qui faisoit apprehender qu'ils ne se portassent à de fâcheuses extrémitez. Cette crainte avoit esté depuis quelques jours , fort augmentée par
plusieurs assassinats
arrivez en peu de temps, & par des placards affichez en différents endroits de cette ville, qui portoient que le peuple ne vouloit point de tumulte, mais du pain & la paix. La galére S. Georges dont on estoit fort en peine a relâché à Minorque , apres avoir esté battüe d’
une rude tempeste
, qui l'a obligée à jetter une partie de son canon pour se sauver du naufrage. Une barque est partie aujourdhuy , pour luy porter les choses nécessaires pour la mettre en estat de continüer son voyage. Trois autres sont arrivées en ce port , en tres mauvais ordre.