HARANGUE
du Duc de Queensbury Grand Commissaire du
Roy
de la Grande Bretagne au Parlement d’Escosse : avec les Actes qui ont esté passez dans le mesme Parlement pour la Religion & pour l’établissement de l’
Excise
.
Harangue du Duc de Queensbury Grand Commissaire au Parlement d'Escosse.
MYLORDS & GENTILSHOMMES,
Le
Roy
vous a si amplement instrüits de ses volontez par l’obligeante lettre qu’il vous a écrite, & dont vous venez d'entendre la lecture que ce que j’ay à dire , semble en quelque maniére superflu. Aussi ne vous feray-je pas perdre beaucoup de temps , & je me contenteray de toucher quelques circonstances avec autant de briéveté qu’il me sera possible.
Premiérement , Mylords , ce jour est celui du
Couronnement du
Roy
en Angleterre : & vous voyez qu'il n’est pas plûtost monté sur le Thrône de ses Ancestres , qu’il demande vostre avis sur ce qui concerne le bien de son service & l’avantage de ses sujets d'Escosse. Vous devez estre ainsi non seulement persüadez de la grande confiance que
Sa Majesté
prend en la fidélité de son ancien Royaume, & du bon exemple que vous donnerez à ses autres Estats : mais vous devez connoistre aussi combien il accomplit ponctüellement sa parole Royale & la déclaration qu'il nous a faite de vouloir süivre durant son Régne l'exemple du
feu Roy
, de glorieuse mémoire , sous la protection & le gouvernement duquel nous avons joüy d'une si longue paix & d'une si profonde tranquillité. Oüy Mylords, le
Roy
vous ayant convoquez de si bonne heure, fait voir la grande confiance qu'il a en vous: & semblé n'avoir pas oublié le zéle & l'affection que le dernier Parlement fit paroistre pour les droits & pour les prérogatives de la Couronne. De sorte qu'il ne suffit pas que pour luy en rendre vos tres humbles remerciements, vous ne fassiez ce qu’a fait ce mesme Parlement : mais il faut aussi que vous receviez avec joye tout ce qui vous sera proposé pour establir la grandeur de
Sa Majesté
& vostre propre seureté. C’est par là que vous ferez voir à toute la terre combien vous avez de reconnoistre du grand honneur que Sa Majesté vous fait en vous assemblant pour le premier Parlement tenu dans ses Estats qui ait l’avantage detravailler à de si grandes choses.
J’ay à vous dire en second lieu , que
Sa Majesté
n'oubliera jamais, les témoignages d'obéissance & de fidélité que ce Royaume a donnez au
feu Roy
, & à Elle mesme , lors qu’Elle estoit ici au milieu de nous. Pour mieux calmer les esprits de ses fidéles sujets , j'ay ordre de vous asseurer qu'Elle a résolu de protéger & de maintenir la Réligion & le gouvernement de nostre Eglise , ainsi que l'un & l'autre sont établis par les loix : & de prendre avec un soin tout particulier , sous sa protection , les personnes & les biens des Ecclesiastiques. Je suis pour cet à effet , autorisé pour donner son consentement Royal , à toutes les loix & à tous les Actes qui seront raisonnablement proposez.
J'ay encore ordre de vous faire sçavoir que
Sa Majesté
s'appliquera principalement à maintenir vos droits & vos biens selon les loix établies en ce Royaume , qu'elle ne souffrira pas que les soldats ni aucuns autres agissent arbitrairement pour opprimer ses sujets : & que comme Elle voit avec chagrin la diminution de nostre commerce , Elle m'a autorisé pour consentir aux loix qui pourront estre raisonnablement proposées afin de le faire refleurir & augmenter.
Enfin, pour achever ce que j'ay à dire sur ce sujet, le Roy s'interesse si fort dans le bonheur & dans la prospérité de son ancien Royaume d'Escosse, que non seulement il fera tout ce qu'on pourra justement luy demander pour les luy procurer : mais encore en tout ce qui régarde l'
Excise
& la milice qui le touchent de plus pres. Il m'a donné la liberté de les pousser aussi loin qu'elles peuvent aller pour vostre soulagement & pour vostre bien , & de m'étendre autant que la nature de ces choses le pourra souffrir , & que le service de Sa Majesté & vostre propre seureté pourront le permettre.
Le
Roy
ayant donc en tout, donné des marques si évidentes de son inclination pour le bien de ce Royaume , & les plus grandes asseurances de sa faveur & de sa protection que nous püissions soûhaiter , que ferons nous pour un Prince si excellent & qu'elles reconnoissances aurons nous pour toutes les bontez d'un Monarque qui prévient nos soûhaits & nos demandes , & qui s'applique ainsi à établir nostre repos & nostre prospérité ? De sorte que si durant son Régne que je prie Dieu de luy donner long & heureux : nous ne sommes pas le plus content peuple du monde , nous ne pourrons en blâmer que nous mesmes.
Le
Roy
ayant tant fait de son costé , c'est à vous présentement à faire vostre devoir. Je ne doute pas que vous ne commenciez de vous en aquiter, en asseurant les droits & les prérogatives de la Couronne , & en assignant un aussi grand revenu à
Sa Majesté
& à ses légitimes successeurs , qu'en ait jamais eu le
feu Roy
ou aucun de ses prédécesseurs , puis que vous n'avez aucun lieu de douter que le soin qu'il prendra pour asseurer vostre repos, ne sera pas moins grand , & mesme , qu'il excédera celuy deses ancestres. Mais ce seroit douter de vostre fidélité & de vostre zéle pour le service de Sa Majesté , & croire que vous n'avez pas à cœur l'honneur de vostre Patrie que vous représentez ici, si j’employois de nouvelles raisons pour vous persüader une chose qui est si fort de vostre devoir & de vostre interest. Je ne veux donc point vous faire cette injustice , ni diminüer vostre reconnoissance , en m’estendant davantage sur ce sujet.
Mylords, il ne faut pas douter que
Sa Majesté
n’attende de la sagesse & de la fidélité de ce Parlement , qu’on y cherchera les moyens les plus seurs & les plus effectifs pour détrüire ce desespéré , ce fanatique et irréconciliable parti qui a esté si pres de nous faire périr , & de nous jetter dans la derniére confusion, & dont les adhérents ne sont pas seulement
rebelles contre le Roy
, mais des ennemis du genre humain , des enragez , dont les principes sont si diaboliques & les actions si abominables , que les siécles passez n'ont jamais rien veu de semblable : & que la postérité aura de la peine à croire. Combien de pardons , d'actes de clémence & de grace n’ont-ils pas méprisez ? tout l'usage qu'ils en ont fait n'ayant servy qu'à les endurcir & à les confirmer danr leur infâmes actions. Quelque peu considérable que semble ce parti, il n’est pourtant pas à mépriser : car si ceux qui le composent n'avoient de l’appüy & quelques correspondances secretes qu’on n’a pû encore découvrir , il estoit impossible qu’ils eussent si long-temps échapé au soin & à la vigilancedu gouvernement. Il est donc de vostre honneur Mylords de ne pas temporiser plus longtemps : mais de se servir des moyens les plus seurs & les plus efficaces pour découvrir ceux qui les appüyent & les lieux qu’ils fréquentent.
Vous estes tous suffisamment informez que
quelques uns de nos compatriotes ont esté engagez fort avant dans la derniére horrible & exécrable conspiration
: & que ces gens là & quelques autres accusez de Trahison, doivent estre poursüivis en justice devant ce Parlement. On parlera lors qu'il le faudra , des preuves qu'on a de leurs crimes: & je ne doute pas que l'Avocat du Roy ne condüise cette importante affaire avec tout le soin & toute la fidélité qu'elle demande. De sorte quetout ce que je diray présentement sur ce sujet , est que si le Grand Dieu qui veille à la seureté des Princes , n'avoit pas miraculeusement découvert & fait échoüer ces diaboliques & barbares entreprises , au lieu de la paix , du bonheur & de la tranquillité dont nous joüissons dans ces Royaumes, ils seroient asseurément aujourd’huy une mer de sang , & une image affreuse de misére & de désolation. Ce que je viens de dire ne pouvant estre révoqué en doute , suffit pour exciter vostre indignation & vostre ressentiment , & celuy de tous les honnestes gens, non seulement contre les scélérats qui commettent ou qui conseillent des actions si énormes : mais aussi contre ceux qui les sçachant ne les découvriront pas : & puis que nostre honneur & nostre seureté semblent estre en toute manièreattachez à la vie de
Sa Majesté
, ne devons nous pas luy accorder volontiers , ce que son gouvernement si doux & si benin requiert particuliérement , puis que nous voyons que ce que nous donnons est toûjours employé pour garantir nos droits & nos biens des cruelles & inhumaines entreprises de ses ennemis & des nostres.
Il ne me reste Mylords & Gentilshommes, qu’à parler de moy , dont je ne diray pas beaucoup de choses. Je sçais aussi bien qu’aucun de vous combien je suis incapable de remplir un aussi grand poste qu'est celuy-ci : mais puis qu’il a plû au
Roy
de m’y éslever , j’ay résolu de le servir hardiment & avec fermeté , & ainsi de réparer mon incapacité par mon application & mon zéle. Et comme j'ay toûjours agy de cette maniére , dans les autres grands emplois dont j'ay esté honoré , je ne doute pas que sa bonté n’accepte les efforts sincéres de ses serviteurs , au défaut d'autres marques plus éclatantes de mon obéïssance.
Les Lords des Articles ou Commissaires choisis du nombre des Prelats , des Pairs Séculiers , & des Députez des Shires ou Comtez & des Bourgs ou des Villes préparent tous les Bills ou projets des Actes qui doivent estre proposez au Parlement. Il n'y a point d'autres Commissaires particuliers qui dressent les projets des Actes , ainsi qu'il se pratique au Parlement d'Angleterre , où ils sont dressez par un nombre de personnes choisies, qui travaillent en Commité. Comme ces Députez sont choisis de tous les ordres qui composent l’Assemblée du Parlement , il n'y a point de délibérations particuliéres , de mesme que de celles de la Chambre des Communes & de celle des Seigneurs qui délibérent séparément en Angleterre , où ainsi il est nécessaire que les Actes soient approuvez deux fois avant que destre présentez au Roy. Les Lords des Articles avec le Chancelier & les principaux Officiers de la Couronne ayant préparé & dressé le projet de l'Acte ils le mettent en délibération à l'Assemblée générale. Lorsqu'il a esté approuvé à la pluralité des voix , le Chancelier le presente au Roy, ou en son absence au Grand Commissaire representant Sa Majesté & quand il a
touché avec le Sceptre
le papier où il est écrit, cet Acte est reconnu valable, & a la mesme authorité que les anciens Status du Royaume. Les Actes suivants ayant esté ainsi examinez ont esté ratifiez au nom du Roy par le Duc de Queensbury en la maniére ordinaire.
Acte du Parlement d’Escosse touchant la Religion.
LE Roy nostre Souverain Seigneur , du consentement des Estats de ce Royaume , assembez en Parlement , ratifie & confirme dans toute leur force & teneur tous les Actes & Statuts , ci-devant, passez pour la feureté , la liberté & la franchise de la Religion Protestante que l'on professe aujourdhuy dans ce Royaume , tout de mesme que s'ils estoient ici exprimez en particulier.
Acte pour l’établissement de l’
Excise
.
Les Estats du Parlement assemblez présentement par l’autorité Souveraine du
Roy
, considérant que cette Nation subsiste depuis plus de deux mille ans sans changement, dans un Estat Monarchique , sous le Régne de cent onze Roys consécutifs d’une mesme ligne , dont Dieu a visiblemcnt & en tant d'occasions remarquables conservé l'autorité sacrée. Que nostre Royaume n'a point esté conquis, que nos biens n'ont point esté exposez en proye aux Estrangers , que nos guerres civiles n'ont eu que de sinistres succez pour ceux qui les ont excitées , que nos loix ont esté vigoureusement exécutées , nos biens légitimement établis & nos vies conservées. Ainsi à l'exemple de nos Ancestres , nous avons joüi de cette heureuse tranquillité qui a toûjours fait les soûhaits des plus grands & des plus florissants Empires , & qui leur a souvent manqué. Nous sommes principalement redevables de ces grandes bénédictions à la miséricorde Divine & ensüite, nous les devons à la Race sacrée de nos glorieux Roys, & à l'autorité solide & absolüe dont ils ont esté revestus par les loix fondamentales de nostre Monarchie. Nos histoires & nostre propre expérience nous apprennent que nous n'avons jamais esté privez de ces heureux effets, que lors que les rebelles ayant
excité des tumultes & des seditions dans le Royaume
, ont usurpé l’autorité Souveraine du Roy , qui est la source & la cause de nostre prospérité. Néantmoinsl'ancienne forme du Gouvernement, & les loix fondamentales de ce Royaume, ont tellement prévalu contre les
entreprises criminelles de ces féditieux
, que mesmes lors qu’ils ont introdüit quelques nouveautez dans l’Estat , elles n'ont fini que par la rüine, ou du moins par la dissipation de ceux qui en quelque temps que ce soit , se sont soûlevez contre le gouvernement. Puis donc que tant de siécles nous font voir les grands avantages que toutes sortes de personnes reçoivent de l'heureuse forme de nostre Monarchie : & que tous nos malheurs ne sont arrivez que lors qu'on a
séditieusement envahi ces droits sacrez
, les Estats du Parlement, tant pour eux qu'au nom de tout le Royaume , se trouvent obligez de déclarer , comme ils déclarent à toute la terre , qu'ils abhorrent & détestent non seulement les auteurs & les complices de toutes les précédentes
rebellions contre le Roy
: mais aussi toutes les maximes contraires qui dérogent au pouvoir & à la sacrée , supréme , souveraine & absolüe autorité du Roy , & qu'aucune personne, aucun Corps, ou aucune Communauté ne peut avoir part de quelque maniére, ni sous quelque prétexte que ce soit , à cette autorité, que par dépendance , & en vertu de la commission du Souverain. Et comme le devoir engagea autrefois les Membres du Parlement , à reconnoistre& à asseurer la juste & légitime succession de la Famille Royale , ainsi qu’une chose qui ne peut estre changée par l’autorité des hommes , ils se servent aussi de la présente occasion , pour renouveller de la maniére la plus humble & la plus respectüeuse , tant pour eux que pour toute la Nation qu’ils représentent , les offres qu’ils ont desja faites de leurs vies & de leurs biens pour assister , soütenir , défendre & maintenir
Jacques VII
leur Roy, ses héritiers & successeurs légitimes, dans la joüissance de leur Couronne, de leur Souveraineté , de leurs Prérogatives , de leur autorité & dignité , & des Droits dont ils sont en possession contre tous ceux qui voudroient y donner atteinte. Ils déclarérent outre cela à ceux qui par infidélité oseroient desobéïr à ses loix , ou qui par impiété voudroient usurper ses droits , qu’ils se lasseront plûtost de continüer leurs méchancetez que les bons sujets de faire leur devoir : & qu’ils ont fermement résolu d’obéir en toutes choses & sans aucune réserve à
Sa Majesté
, pour la défendre contre ses ennemis , domestiques ou estrangers. Ils déclarent encore solennellement , que comme ils y sont obligez par les loix , ils ont aussi volontairement & fermement résolu que tous ceux de cette Nation , depuis l’âge de seize ans , jusqu’à l’âge de soixante , seront toûjours prests à se trouver armez & pourvûs de ce qui sera nécessaire par tout où le service du Roy le demandera , & aussi souvent qu’il plaira à Sa Majesté l’ordonner.
Et comme les droits d’
Excise
sur toutes sortes de marchandises , tant du pays qu’étrangéres , accordez au Roy
Charles II
de glorieuse mémoire , pour en joüir durant sa vie , par le quatorziéme Acte du Parlement de 1661 , & prolongez pour cinq ans apres sa mort par l’Acte huitiéme du Parlement de 1681 , seront bientost finis , par les Estats du Royaume considérant que ce subside est fort utile pour soûtenir les interets de la Couronne, offrent tres humblement & unanimement pour toûjours , au Roy
Jacques VII
& à tous ses légitimes héritiers , successeurs à la Couronne d'Escosse , comme une marque de la sincérité de leurs respects , les mesmes droits d’
Excise
sur toutes sortes de marchandises du pays ou étrangers , spécifiées dans ledit Acte quatorziéme du Parlement de 1661 , pour estre levez de la maniére prescrite par l’Acte huitiéme du Parlement de 1681. Et le Roy & les Estats du Parlement , en vertu de ce présent Acte , ont joint , annéxé & incorporé , joignent , annéxent & incorporent lesdits droits à la Couronne de ce Royaume , pour y demeurer à jamais en propriété annéxez. Et comme le règlement de la maniére de
lever ces droits sur les marchandises du pays
, fait par l’Acte 14 du Parlement de 1661 , est différent de celle qui a esté prescrite par l’Acte 8 du Parlement de 1681 , & demande quelque temps pour estre réglé , le
Roy
, de consentement des Estats continüe pour trois mois , à commencer du 11e May prochain , la levée desdits droits d’
Excise
sur les marchandises du pays , ainsi qu’elle est prescrite par ledit Acte quatorziéme du Parlement de 1681.