Jamaiz amoureux byen n’aira
Anonyme
Éléments contextuels
–
xve siècle
Non localisé
Non localisé
Édition du texte
Jamaiz amoureux byen n’aira.
Je m’estois en ung buisson mys
Ou la belle me commanda.
Vous orres comment il m’en print.
Une pie vint agacher,
Et des corneillez plus d’ung cent,
Comme s’ilz me deussent menger
Oncques ne fus en tel torment.
Le cerf du bois y arriva,
Qui s’escria ung cri si hault,
Et s’escria : Ha ha, ha ha !
Le regnard est à nos poucins (bis)
Une pie si vint sur moy,
Qui ne me cessoit d’agacher.
Et d’aultre part y vint ung gay
Sembloit qu’il me deussent menger
Les chiens du jaloux furent la
Qui resveillerent nos voisins.
Chascun crioit : ha ha ha ha ha ha
Le regnat est à nos poussins.
Je retournay sus le coquart,
Et luy dis : que querés, Jouen ?
— Ha Dieu ! Sire c’est le regnard
Qui ne nous laissa tout ouen
— Vous dictez vray : il s’en va la.
Courez apres ; il sera prins.
Jouen me creust et y alla.
O sa fame je m’en revins.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur le manuscrit, aucune des deux éditions antérieures n’étant pleinement satisfaisantes (celle de Du Bois étant cependant la plus fautive).
Source ou édition princeps
Manuscrit de Bayeux, BNF, Français 9346, fo 97vo-98ro.
Édition critique
Louis Du Bois, Vaux-de-Vire d’Olivier Basselin, poëte normand de la fin du xive siècle ; suivis d’un choix d’anciens Vaux-de-Vire, de Bacchanales et de Chansons, Poésies normandes, soit inédites, soit devenues excessivement rares, 1821, Caen, F. Poisson, p. 164-166.
A. Gasté, Chansons normandes du xve siècle, publiées pour la première fois sur les mss. de Bayeux et de Vire avec notes et introduction, 1866, Caen, E. Le Gost-Clérisse, p. 130-131.
Études
–
Commentaire historique et contextuel
Le manuscrit de Bayeux est un beau recueil d’une centaine de chansons en français composé à la fin du xve siècle. Chaque chanson est accompagnée de sa partition.
Commentaire linguistique
Cette chanson est en français standard, mais trois formes sont dialectales : aira, pour aura, est une forme de conjugaison du futur simple du verbe avoir propre aux parlers d’oïl du Nord-Ouest (Normandie, Picardie, Wallonie) aux xve et xvie siècles, avec une réduction de [awr] à [ar], puis une fermeture de la voyelle [a] en [ɛ] sous l’influence du [r] subséquent ; agacher, pour agacer « crier (en particulier le cri de la pie) », de l’ancien haut allemand agaza « pie », comporte un traitement du [k] devant un [e] ou un [i], et de -ti- entre consonne et voyelle, propre là encore aux parlers d’oïl du Nord-Ouest ; gay, pour geai, du latin gaius, présente une absence de palatalisation de [g] devant [a], encore une fois caractéristique des parlers d’oïl du Nord-Ouest.