Épitaphe


Anonyme

Éléments contextuels

xvie siècle

Bayeux

Bessin

Édition du texte

En passant à Bayeux je lûs l’Epitaphe suivante en vieux langage du païs :

Version d’Antoine Furetière

Version de Du Cange

Cy gist Lencal Cranctot,

Ly fut qui cacha S. Gerbot.

Len mal le prit le jour de Pâque,

Den pieux s’en ventre n’ût relaque.

Ah Dieu combien il chia,

Dite po ly Ave Maria.

Cy gist l’Encal Cranctot

Ly fut qui cacha S. Gerbot

Len mal le prit le jour de Pagues

D’enpeux sen ventre n’ut relague.

Ah Dieu ! combien il chia !

Dite po ly Ave Maria.

Cela me parut assez singulier pour m’en informer. On me dit que le Senéchal Cranctot haïssoit extremement S. Gerboul, Gereboldus, qui guerissoit du mal de ventre, et que l’ayant chassé de Bayeux, dont il étoit Evêque, le Senéchal fut attaqué de la dissenterie dont il mourut. Il y a une petite Chapelle dediée à ce Saint sur le bord de la mer, où l’on va en pelerinage dans le tems que l’on est affligé du flux de sang.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur la version de Furetière. La version de Carpentier est intégrée en deuxième colonne.

Source ou édition princeps

Antoine Furetière, Furetiriana ou les bons mots, et les remarques, histoires de Morale, de Critique, de Plaisanterie, et d’Erudition de Mr. Furetière, 1696, Paris, Thomas Guillain, p. 27-28.

D. P. Carpentier, Glossarium novum ad scriptores medii ævi, cum latinos tum gallicos, III, 1766, Paris, col. 758.

Édition critique

Études

Commentaire historique et contextuel

La plupart des auteurs qui mentionnent cette épitaphe le font d’après l’édition de 1766 par Carpentier dans son remaniement du Glossarium mediae et infimae latinitatis de Du Cange (sv. « Senescalcus »).

Le culte de saint Gerbold ne se développant réellement qu’au xve siècle, date à laquelle sa vie apparaît dans les bréviaires de Bayeux, cette épitaphe humoristique pourrait dater du siècle suivant.

Une variante, non datée, est curieusement connue à Amiens, en Picardie :

« Chy gist le seigneur de Branquetot.

Ly fu qui cracha sen gerbot.

Le mal l’en prist le jour de Pasques

Dont pis sen ventre n’eust de relache.

Ah ! Bon Dieu ! combien il chia !

Dit por li Ave Maria. »

Ch. Dufour, Pouillé des manuscrits composant la collection de Dom Grenier sur la Picardie, à la Bibliothèque du Roi, 1839, Amiens, Ledien Fils, p. 65 ; BNF, Picardie 159, fo 110.

Commentaire linguistique

L’absence de palatalisation de [k] devant [a], phénomène phonétique caractéristique des parlers d’oïl du Nord-Ouest, est attestée dans deux mots de ce court texte : cacher, pour chasser, du latin tardif *captiare, formé sur le participe passé captus de capere « attraper » ; relaquer pour relâcher, du latin vulgaire laxicare, fréquentatif de laxare « étendre, élargir ; détendre, débrider, relâcher ; ouvrir ». Le verbe cacher comporte aussi un autre phénomène phonétique caractéristique des parlers d’oïl du Nord-Ouest, le traitement du [k] latin devant un [e] ou un [i], et de -ti- entre consonne et voyelle.