L’iau pour la Muse et le vin pour le poüette
David Ferrand
Éléments contextuels
1623
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Ce Chant Royal fut faict le soir du banquet que l’on donne le dimanche d’apres la
Conception de a glorieuse Vierge, aux Princes, Poëtes et Juges des ouvrages, et presenté
le lundy sur la ligne que donna Monsieur Bloudel, pour lors Conseiller en la Cour
de Parlement, etc. pour lors Maistre de ladicte Confrairie.
Cant ryal « rial »..
Adieu cordons, rouët et manevelle,
Querdes, perrots, navette et devantel.
Je veux asteure esgucher ma chervelle
A estre pouëtte ; essair à la candelle
No m’en prijt veyant men naturel.
Ne pensez point que j’oige faire illoque
Comme cheux la « cheux lo ». qui veulent qu’o « qu’on ». z’invoque
L’iau du Pegaze ; a rend le fraid o pieds ;
Nen pu qu’un cat iamais je ne m’y jette ;
Et ch’est pourquay je boutte en deux godets « gobets ».
L’iau pour la Muse et le vin pour le poüette.
Laissons « laissont ». donc là ste muse « là la Muse ». tout aintelle
Que no la dit oprez de sen rissel.
Je prends Bachus ; alons, fils de Sumelle,
Men petit troignon « trognon »., cha vien t’en, je t’apelle ;
A te n’onneur j’ay fait chet escritel.
Lors que sieu may « sus may ». no met ten jus en broque
Et qu’une fais pres men feu je m’en toque,
Je sis meilleur pouëtte que tous les Grais.
Hay ! aprenez, biaux rimeurs que vos este « estes ».,
Qu’Anacrion laisset comme je fais
L’iau pour la Muse et le vin pour le pouëtte.
Su Bromien par sa forche desmelle
La fraide hymeur « himeur ». qui se fourme « forme ». o chervel.
L’iau ne rend point la verve naturelle ;
A fait les vers pu plats que l’esquerchelle
Qu’à sa chainture avet l’abbé Carrel.
Mais, quant j’avon deux coups dessous la toque
De su bon jus « just ». qui crait sur une « sous une ». roque,
Les chants « chant ». riaulx sont à la maitié faits ;
No n’arte brin, no ne iaint, no ne pette
A faire vair en stanche et en sonnets
L’iau pour la Muse et le vin pour le poüette.
Regardez may le cul dessus sa selle
Un chavetier « cavetier ». qu’est saux de vin nouvel,
Si l’y a quanson « chanchon ». tant vieille que nouvelle
Qui ne desrangle, ainchin « ainsi ». que fait Noüelle
Qui vend de l’oüitre o coing de S. Michel « saint Michel »..
Confesson donc qu’un chervel dans sa coque,
Cauffé de vin, mieux o sçaver s’acroque
Qu’un beuveux d’iau des pindiques marais ;
Et ch’est pourquay j’arrouseray friquette
Et bouteray « boutteray »., comme les chavetiais,
L’iau pour la Muse et le vin pour le poüette.
Un advocat jamais mieux ne chrestelle « crestelle ».
Qu’alors qui vient d’avec un gris mantel
Trinquer friand trois coups de mouscadelle,
Vin d’Orleans ou bien de la Rochelle
Dans les beuvette où se tient sen burel.
Et le marchand à debiter se mocque « moque ».,
Car tout « tou ». joyeux les chalans il affroque,
Lors qu’il a prins deux coups de bon vin frais ;
Ch’est le moyen de vider sa banette.
Suiet pourquay je dierray « diray ». pour jamais
L’iau pour la Muse et le vin pour le poüette.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La Premiere et seconde Muse normand ou Recueil de plusieurs ouvrages facetieux en langue purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers autheurs, s. d., Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 19-21.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
La ligne palinodique de ce poème a été donné par Pierre Blondel, prince du Puy des Palinods, en 1623, ce qui date donc le texte.
Commentaire linguistique
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