Corbie, haguay à grands coups d’allumelle


David Ferrand

Éléments contextuels

1637

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

En 1636 « 1635 »., le Roy ayant repris sa ville de Corbie sur l’ennemy, quelque jeunesse de Roüen, estant en garde à la Porte de Beauvoisine, firent construire une figure de la dite Ville de perches et papier peint dans le Champ du Pardon hors la dicte Porte, où ils firent lignes de cirouvalation, sorties, assauts de canons et autres niaiseries avant sa prise ; ce qui donna sujet à l’Autheur se mocquer de leur joberie, et des frais qu’ils y avaient faicts Parfois ajouté : « 1631 »..

Dialogle d’Alizon Baufremie

Faict en double Cant Ryal par Alain Calleuvre sen ptit fieux, poüette et chavetier, su chen qui ch’est passey derrainement parmy ces beaux soudarts qui yeuxcrimaist contre des chastiaux qui estaits drechais tout yeuxprais, et painturais de la mesme fachon que sont les falots des Reix quand no z’i fique des candelles allumais pour crier Adiev-Noüel Phrase parfois manquante..

Cant ryal

Ch’est asteur’ chite, Alain, ma ptite « petite ». broque,

Que j’avon biau no terquer le musel.

— De quay, ma grande ? est-che du « de ». vin nouvel ?

— Ouy, ouy, men fieux, car j’en avon en broque

Qui m’a coustay « coustey ». quinze escu le tonnel.

Ch’est bon marchay ; quay ! che n’est pas la biere

Que lo no brasse à la triboüil-caudiere ;

Teton z’en bien. A prepos, men bedon,

Ne vis-tu brin, comm’ te n’ante Rachelle,

Derrainement à su Cam du Pardon,

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.


— Ouy, ouy vramen ; je les fu vair illoque « en choque ».

Ces batailleux de gazon à mouchel.

Grezenébleu ! j’y laissis men mantel.

— Nonfet « Noufet »., Alain « Noufet Alain ».. — Dieblenport « Diesblenport ». qui se moque !

Qui sait où il est entier, ny en « Qui sait oüil est (ma grand mere) au », « Qui sait oüil est (ma grand mere) au ».. morcel ?

Ch’etet « Chetait ». bien pis, si je n’euche en arriere « catiere ».

Men bon capel fiquay « fiquey ». dans ma bresliere,

J’estais glumé, et pu niais qu’un « q’un ». n’oizon.

— Bien, chen est fait ; éguchant ta chervelle,

Vien donc « don ». pourtraire à ta grande Alizon

Corbie, haguay « haguey ». à grands coups d’allumelle.


— Pi qui faut doncq qu’aveuc vou je m’affroque,

Draglant su baire et baufrant su tourtel

Dans le cornait de notte queminel,

Je vo dierray en tournant vote « note ». broque,

Ainchin qu’allait « qui allait ». en ordre su troupel.

Fiquais debout comm’ t’une « comme une ». pupiniere,

No les vayait « veyait ». tant devant que driere

A la ranglette, écouter la lichon

D’un qui leu montre à la fachon nouvelle,

Che n’etait pas comme au calimachon,

Corbie, haguay « haguey ». à grands coups d’allumelle.


Si va sçaviais « Si tu sçavais »., aga ! par notte « pa notre ». doque,

No chent soudars n’y fesaist rien d’aintel,

Mieux attifaits chent fais qu’un damerel,

A leu queveux « Ne-vis tu pas ». pendait « pendoit ». une freloque,

Que chais merciais « merciers ». plaquent à leu z’otel « z’ottel », « zottel »..

Un dos de cuit « cuir ». ainchin que la Carriere,

La pique aux gris, au flanquet la rapiere,

L’escherpe au cul, en téte un morion,

Ch’etait ainchin qu’o veyait leu harchelle

Faire gremir de pur du horion

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.


Un autre avet se n’erquebuse à croque « se nerquebouse à crocque ».,

Creuse de fer ainchin qu’un « q’un ». calumel ;

De pur qui n’eut « n’ut », « n’ût ». trop sergé le chervel,

A sa caboche il avait une tocque,

Faite en Anglais, qui servait « servest ». de capel.

Tou les plumarts dessu la plumachiere,

Fiquais en rond entour la cordeliere,

Y baloquaist jisqu’ « jusque ».au prés du rignon ;

En ste fachon l’avait poacré « poecré ». Miquelle,

Pour vair des croqs d’un aintieul compagnon

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.


Un pesme avet la barbe en salicoque,

Les peux drechais comme sois de pourchel ;

Un caquitraine à tou sen biau drapel

S’entorquillit, ainchin que dans sa coque

Le ver à sois apres le renouvel.

Un baudrier fait d’aintieulle matiere

Du gras de beuf « Que su bouyel ». que no vent la tripiere

Dedans sa gatte, en lieu de chainturon

Feset l’escherpe au fieux à Gallumelle,

Qui menaçait, pu fier qu’un croupion « scroupion ».,

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.


Che n’est pas tout ; parmy tout chenneloque

D’équermouquer che fut bien le « de ». pu bel ;

Hors leu breteüils saillait comm’ t’un « comme un ». flambel

Le feu gregais qui feset ticq tocq tocque ;

Pi leu z’epais y saquaist du fourrel.

Che fut apres que ches porte-bouziere

Eur’ en boutant le mousquet en viziere

Bruslé leu barbe et cassé leu menton ;

D’équilbourdie entour ste chitadelle

Y camaillest tretous en un ploton,

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.


Dans su cabeuil on n’ut su oüir « on nu su ouyr ». la cloque

De Jordanboise atout sen gros martel.

Raux qui rechut au nais un chifrenel,

Me dit : « Alain, de pur qu’on ne t’embroque,

Pou « Pour ». les mieux vair monte à su grimperel. »

Je m’y trainis aveuq « avecq ». Vinchent Croupiere,

A reculons, en « ou ». ouvrant la paupiere

Pou « Pour ». y lucquer, élongnais du canon,

Ce z’endieblais qui graimpaist sans équelle,

L’espaye aux crocqs, pou « pour ». rendre en grand renom « renon ».

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.


Jens ! si no z’ut, aveuq « avecq ». des gaux de rocque,

Ces biaux chastiaux machonnez « machonnais ». par carrel,

Les z’emouleux « Le zemouleux ». en n’erest à huvel

De leu z’épais pour « pou ». radouchir le z’oque,

Comm’ ty haguaist dessu leu parapel.

Y s’en servaist tout d’aintieulle maniete

Qu’à Dieppedalle à ste grosse carriere

No fet « fait ». servir un martel à machon.

Pou « Pour ». se gaudir de ces Jandenivelle,

Ne dait on grain « point ». bouter dans la canchon

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle ?


No les prenait pour des Raix de Marroque,

Vestus en prinche, et non pas de cresel.

L’equatrelatte ennoblit un mezel,

L’auchequo d’or le fait connaistre en troque,

Sans qu’à sa téte on boute un écritel.

« Ch’est un mion, disait la chambriere

D’un Portungais « Portugais ». à n’une flagorniere ;

Y vaudrait mieux que tout sen « son ». ptit michon

Y l’épergnit dedans se n’équerchelle,

Que d’assister « d’aller vair »., pu joly qu’un cochon,

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.


« Veyais un ptiot ste gambe qui baloque,

Se disait ell’, atout leu vieux fratel,

Ch’est su la Gobe, aga ! su triquerel,

Dessu su mur comme diantre y machoque,

Ch’est ly qui fait Galas dans su catel.

Le veyais-vou, su marcou de goutiere,

Les gris dret haut, le cul dans ste gatiere,

Faire le mort ainchin qu’un morpion ?

Vay-tu stilla qui ste troupe amouchelle ?

On n’eret point, sans se n’avision,

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.


Aux biaux desseins toujou queucque « queuque ». anicroque

Met du desordre à la tour de Babel ;

No z’en voulait mettre dans le panel,

Mais un quiden craignait au jeu de crocque

Que les chinq dais n’euchent fait le harpel.

Dehors su pont, illocque à ste briere,

Dans un planitre, en fachon de barriere,

Y devaist faire vu chastiau de gazon,

Que no z’ut prins pour Dole ou la Capelle,

Et le forchant, mettre en comparizon

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.


Envay

Prinche, alons baire ; y faut que je me tocque

De ste bechon qu’eschauffe le boüyel ;

De vote rost et de vote gatel

N’ieustimez « Nieustimay », « N’ieustimez ». grain « point ». qu’à su sair je pignocque,

Car j’ay les dents pu longue qu’un ratel.

Note bon Ray, dont l’adraiche guerriere

A déniché hors de note frontiere

Ce Yeuspagnols sans les prendre à ranchon,

A bien mieux fait dans juste querelle,

Car il n’a pas d’une aintieulle fachon

Corbie, haguay à grands coups d’allumelle.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Douziesme partie de la Muse normande, 1637, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 123-129.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique