La garde


David Ferrand

Éléments contextuels

1637

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

La garde

Sergens « Sergans ». et coporiaux, fiquez o croq vo z’ermes ;

Muchez tou vo fallots qui no servest le sair ;

Vo ne menerez pu vo glorieux Gendermes « Gendarmes ».

Qui fesest accourit tout le monde à les vair.


Quand ces godelureaux devaist entrer en garde,

O lieu de s’atiffer pour aller o grabus,

Y se fesest friser leu téte à la Guimbarde,

Et se ratintelest « ratinteler ». ainchin comme des brus.


Leu casaquins estest d’une aintieulle matiere

A nen pu « n’empu ». ne mains qu’est du gras double de bœuf,

Et, pour le déguiser du sien de la tripiere,

Y le z’avest dorais aveuq « avec ». du gaune d’œuf.


Leu capel et leu plume estet à la fantasque ;

De femme y l’empruntest « l’enprintest ». leu biau moucheux de cos ;

L’i avet de grands lizets à leu queuë de vaque,

Qui fesest balloqer jisqu’à « baloyer jusqu’à ». metié du dos.


Y s’allest piaflant aveuque leu dentelle,

La main dessu la hanque en esgraillant le z’ieux,

Et tieul n’oset queux ly allumer deux candelle

Qui bruslet des flambeaux « flambianx ». afin qu’o le vit mieux.


Ces mousieux « Ces monsieurs ». sans souliez allest tretous en botte,

L’esquerpe su le cu, et le biau hauche-cos ;

O no z’en veyet tel qu’eut mieux porté la hotte,

Que le bois qui feset « ezet ». vignoller sur son « su sen ». dos.


No le vayet que trop en fezant l’ieuxercice,

Comme y s’entrevequest sans saver leu lichons ;

Oncore voulest t’y paler de la milice,

Où il entendest « entendais ». otant « autant ». comme font des cochons.


L’y en avet qui estest si braves mousquetaires

Qui se bruslest les gris, la barbe et les cheveux.

Mais qui de tout « tous ». chela voudret le discours fere,

Le liure en sret « seret ». pu gros que Roulant l’amoureux.


L’y en avet qu’etest saux d’une aintieulle maniere

Que no le z’enfermet dehors « dehots ». aveuq les cas ;

Et le mal-hur ch’etet que fille, femme et frere

Les pleurest, les pensant desja pris de Galas.


Mais je reviens à vou, Coporiaux de la Garde,

Qui buviez aveuqu’eux comme Rogers Bon-tems ;

S’on s’en rit queuque fais, n’en fete de nazarde ;

La Garde vo fezet passer le movais temps « tems »..

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Douziesme partie de la Muse normande, 1637, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 136-138.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique