Les Espagnols houssez devant Leucate
David Ferrand
Éléments contextuels
1637
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cette année 1637, il y eust une grande deffaite des ennemys devant la ville de Leucate,
ce qui servit de subject à l’Autheur de faire le present ouvrage.
Cant rial
Prinche, tu vais que dans ste compagnie
La plus grand part se rencontre endormie Vers parfois manquant. ;
Ma Muse veut les mettre « métre ». tous en train.
De ly permettre, humblement a t’en prie,
Aveuque may admirer « admire ». sen dessein.
Derrainement a fut toute estonnée,
Quant a liset les papiers de st’année,
Que l’Espagnol venait batre nos gens ;
Mais, coume rats dans les gris d’une catte,
Fure « Furent ». attrapez par nos chefs diligens
Les Espagnols « Hespagnols ». houssez devant Leucate « l’Eucate »..
Ches meurs de faim de l’Espagne allouvie,
Qui dans « sur ». nos camps « champs ». viennent chercher leu vie,
Viennent ichy pour attraper « Nous viennent vair pour étraper ». du pain ;
Mais à su coup notte « not’ ». armée en furie « assouvie ».,
Les chiquetant, leu z’a osté leu faim « Les dénichant leu fait perdre la faim »..
Quand y tenest notte « note ». Ville assiegée,
Y l’esperest « I l’esperet ». bien tost faire curée ;
Déjà le cœur leu battet dans les flancs ;
No les vayet dancer comme en la Gatte « On le veyet danser devant la gatte ». ;
Mais les Franchais cachent coume quaymans « quaymans ».
Les Espagnols « Hespagnols ». houssez devant Leucate « l’Eucate »..
Ches alterais beuvaist la gourde pie « refirent bien leu pie ».
Lors qui l’avest la Capelle et Corbie ;
Y « Ils ». venest gras du sair « seir ». o l’endemain ;
Mais furent « Mes y sont ». blancs coume foure de pie
Quand o leu dit : « Faut desloger demain ».
Ils sortent tous la panche desolée,
Pensans l’aver ailleurs tousjours saulée ;
Mais de mal-hur n’y avet rien o « aux ». champs
Qu’un ptiot de laict, de fromage et de matte,
Coume en feront ceux qu’on va « qui vont ». denichans
Les Espagnols « Hespagnols ». houssez devant Leucate « l’Eucate »..
Ainchin « Ainsi ». ces gueux que la faim estropie,
Tirant leu nez rouge et bleu de roupie « Tirans leur nez tout havy de roupie ».,
Sans rien tenir ferment tretous la main,
Et, pus « plus ». croquans que griffes de Harpie,
Glument o champs ce qu’il y a de grain « Ils vont pillans ce qu’ils trouvent de grain »..
Une autre fois, Nation affamée,
Ne revien pas attaquer notte « note ». armée
Et ne prens pu les arme à tes despens,
Si tu ne veux que par tout on te batte
Et que par tout on aille debindans « on no zoye chantans ».
Les Espagnols « Hespagnols ». houssez deuant Leucate « l’Eucate »..
Qu’il fait biau « beau ». vair apres tieulle « ste ». tuerie,
Ces Capitans, ces Fracasse en furie,
Qui tant de fais se sont painez en vain,
Et qui sans doute eussent craint leu patrie
Si i’eussions prins la ville de Louvain.
Mais ch’est tout un ; beuvons toute à journée
Pis que su say l’engeance est retournée ;
Beuvons, rions, en nous resjouyssans,
Et, jusqu’à tant que le vin nous abatte,
Chantons tousjours, pour réveiller nos sens,
Les Espagnols « Hespagnols ». houssez devant Leucate « l’Eucate »..
Envay
Prinche, tu vais avec grande risée
Des Espagnols « Hespagnols ». la gloire eternisée,
Qui ont ozay nous tenir assiegeans ;
Mais su grand Dieu, qui les met en nos pate,
Veut que no chante, en nous encourageant « encourageans ».,
Les Espagnols « Hespagnols ». houssez devant Leucate « l’Eucate »..
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Treiziesme partie de la Muse normande ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand, presentez aux Palinots, 1637, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 148-151.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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