Ste missive set donnaye à Colin Hougnou
David Ferrand
Éléments contextuels
1637
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Ste missive set donnaye à Colin Hougnou, fieux de Girome Hougnou, yeucolier, yeutudiant
à Roüen, demeurant queux Jeremie Grimaux, carleux, à la ruë par o no passe quan no
va o Cam du Pardon, un ptiot pu haut « hau ». que le Coq.
Stanches Indication parfois omise.
Colin, men petit fieux, ma petite courtelette,
Que j’ayme pu chen fais qu’une vaque sen viau,
Je t’enveye un libel par te n’ante Perrette
De chen qui s’est passé ichite de nouviau.
Ch’est que derreinement je fumes d’une neuche,
Ten pere et may « moy ». ossi, et ten cousin Vinchen,
Et ten frerot Girome, et ta petite nieuche,
Et biaucoup « biacoup ». d’autre oncor, car j’étions pu d’un chen.
Aga ! ch’etet, cray may, ta cousine Massaye
Qui espouset le fieux à ten parrain Colin ;
Vn caqu’un diset bien qu’a ne seret trompeye « trompée ». :
Ch’est le milleu garchon qui set o Bourbaudoüin.
A l’en aimet un autre appellé Tête-plée,
Qui est fieux (che dit-on) d’un riche laboureux ;
A ne le voulut point, quay qu’a l’en fut fianchée,
A cause qu’il avet le nez tourjou « toujou ». morveux.
O samedy o seir « soir ». no z’en fit les fianchaille ;
Fut Monsieur le Curay qui les fianchit tou deux,
Et py « pi ». dans leu maison je fime la gogaille
Aveuque du tourtel qu’estet petry o z’eux.
Lendemain o matin ch’est que no les marie.
La bru se maranet aveu ses biaux z’abis ;
A l’avet le colier à Jane Fessemie ;
No z’ut dit à le vair que ch’etet des rubis.
Je ramenon la bru tou dret queu sen biau-pere,
Là o no z’avet dit que no devet disner ;
Mais, tout auparavant que de faire la chere,
Ch’est qu’un cacun de ren se met à estrener.
J’estrenime un gresset et une gran marmitte,
Et ten cousin Pernot un grand pot à pisser,
Ma commere une gatte et une lechefritte,
Te n’oncle deux chabots, et deux quenets de fer.
Pour te n’ante Alizon, estrenit sa caudiere,
Et chin sou et demy pour aver un gredil ;
Sa « Ta ». marraine Lorenche estrenit sa sanniere,
Un pot, un plat, un siau, une broque, un fuzil.
Quand « Quan ». no z’vme estrené, je fime la ripaille ;
Il y avet des poix et du lard o poriaux,
De grands « grans ». morciaux de bœuf ; n’y « ni ». avet « avoit ». point de volaille ;
Il y avet de z’œufs « zeux », « œufs »., des féve et des naviaux.
« On hon, se dit le fieux à Phlipin de la Branche,
Est-che ainchin que no veut à ste neuche treter ?
De féve et de naviaux je remplirais ma panche ?
Dieble en por qui en veut ne maquer, ne tater ! »
A su gouliffre là no z’apporte une tarte
Aveuc un grand patay qu’o z’avet fait yeuxprés ;
Mais, quan su gran panchart y eut jettay la patte,
I happit quasi tout san qu’o le vit apres.
Te n’oncle Sebastien se tocquit bien sa téte « la tète ».
De su bon peray doux qu’o tiret dan des bros.
Vraman, vraman, vraman, il estet pou ly féte ;
I « Il ». n’en fit que dragler sans « san ». prendre de repos.
Et pou no relouyr j’avion prins une vieille,
Qu’o z’avet ramenay « amenay ». d’emprés le Meny « Meni ». Raux,
Qui no fezet danser des courante nouvelle
Des gavotte et des brans su des cants « cans ». tou nouviaux.
Ta gran seur Marion eut la premiere danche ;
Che fut su grand « gran ». Colas qui la menit danser.
O je dansion tretou, ch’etet dans « dan ». une granche,
Afin que no pu mieux gambiller et sauter.
Ten pere, qui avet bien remply sa bedaine,
Print « Prin ». la bru pour danser, et, pensant faire un saut,
I « Il ». s’en allit tou dret fere gamblaridaine,
Et tumbit sur le cu, drechant les gris en haut.
Ce fut bien le pu biau dansant une courante,
Te n’oncle vint danser, qu’estet un ptiot roquet ;
Mais, en fezant sauter ste Perrette te n’ante,
O mitan de tretous y lachit un gros pet.
Janeton en sautant tumbit platte emmy l’aire ;
Un cacun vit sen chose, assez no z’en rijt,
Et no riet si fort que, pour no faire taire,
Y « Il ». fut dit o vielleux que la « sa ». vielle y quittit.
Apres aver dansay, no se remit à baire.
Les garchons de la neuche y firent du cabeüil « cabueil ». :
Phlipot « Phlippot ». le besacher, et Guillemin sen frere
Eurent tou deux caqun un chifrenel à l’œil.
Quand y fure écaufez, che fut la dieblerie ;
Cardin et su dobleu s’entre-voulest tuer.
Helas ! men fieux, j’estais toute épapelourdie
De les vair se dauber et s’entre-capigner.
Qui apaisit « apésit ». su brit, fut commere Denise ;
En les boutant d’accord, apportit un gran broc,
Avec un gran patay dont la paste estet bize ;
Un caqun ossi tost y vint jetter le croc.
Apres tout chennela, ch’est que la bru no couche
Aveu se n’espousay en chambre en galatas « à galetas »..
Quan y fure couchez, no z’entendit la couche
Qui en se defonçant les plaquit tou dret « deux ». bas.
Men fieux, vla tou la ioüez que no z’ume à ste noche.
Je t’enveye « t’envoye » ta part que je gardis pour tay :
Un morsel de tourtel, un gobet de brioche,
La metié d’un groüin, la croste d’un patay.
Tu recheveras chela de te n’ante Perrette,
Avec trente deux sous : ch’est pour poyer ten « tes ». mois.
Recommande moy bien o mary de Colette,
Et à te n’oste ossi, et vien no vais « vair ». o Rois.
Ta mere, femme de Girome Hougnou ten pere, demeurant o Bourbaudoüin, su quarante chinquiesme de janvier, mil chin chens chinquante-chinq.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Treiziesme partie de la Muse normande ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand, presentez aux Palinots, 1637, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 154-158.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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