Le z’Espagnols devant Roüen


David Ferrand

Éléments contextuels

1639

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Les Hollandois ayant pris nombre de soldats espagnols sur mer, [ils] furent envoyez en Flandres, en eschange de quelques soldats françois qui y estoient prisonniers, passerent par Rouën, et furent amenez dans trois grands basteaux pris à la Boüille, ce qui donna subject à l’Autheur de descrire le deplorable estat où ils estoyent lors de leur arrivée.

Balladre « Ballade ».


Etriquez à ce coup, Purins,

Roüets, perrots, pignes, navettes,

Et criez à tou vo vezins

Le Raux, Raux, Raux, saillez mouquette !

Que chequ’un coure coume « comme ». Aubette

Et voige « voy-ie ». vair hastivement

Souz l’estandart de la souffrette

Le z’Espagnols devant Roüen.


Dans le fond de trois vieux bastiaux « batiaux ».

Est toute ste gendermerie ;

Le fred o rebours des fourniaux

Rend leu nez fezeux de roupie ;

Leu cher d’escroüelles pourrie

Fet confesser tout hautement

Que ne sont pas sans centurie

Le z’Espagnols devant Roüen.


Presque tous nuds y font servir

Un ramas de mille « milles ». chiquettes,

Pour à ceste « celle ». fin de couvrir

Chen que ne veut vair les fillettes ;

Une ermée de sapinettes

Orne ce noble accoustrement ;

En st’etat là font leu retrettes

Le z’Espagnols devant Roüen.


Alors qu’à force « qu’a grands coups ». d’aviron

Arriva la prumiere « premiere ». barque,

Y m’est souvenu de « J’ay luqué la ». Caron

Stila « Stilla ». qu’est le vezin des Parque « Parques »..

Je m’imaginais des monarques

Passer tout « tous ». nuds sans vestement,

Mais estoient sans de nobles marques « Mais apres je vis sans ces marques ».

Le z’Espagnols devant Roüen.


Ces circoncis « bazanez ». qui ont le dequay

De faire ichite les bravaches,

Qui se pourgaudent su su quay

Levant les croqs de leu moustaches,

Sont accourus vair ces gavaches,

Aveuq un grand marrissement

Qu’on ne tretest comme bravaches

Le z’Espagnols devant Roüen.


La Ville de pain fit amas

Afin de rembourrer leu trippes,

Aveuq un poinson de froq ras

Dont y lequest tretous leu lippes.

Y recheurent ossi queuques nippes

Des bourgais de Jerusalem,

Qui reverest coume dom Flipes

Le z’Espagnols devant Roüen.


No les fit sortir fil’ a fil

Tout otour les murs de la Ville.

Che n’estet partout que babil,

En contemplant ceste soudrille.

Il n’y avet femme ny fille

Qui ne s’escriquit hautement

De vair s’en aller sans roupille

Le z’Espagnols devant Roüen.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Quinziesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux, en langue Purinique, ou gros Normand, 1639, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 189-191.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique