Richesse est prise et povreté laissée
David Ferrand
Éléments contextuels
1640
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
L’Autheur, considerant le malheureux estat du siecle, se complaint de ce que la pauvreté
est chassée, et la richesse suyvie.
Cant Rial
Sera-t’on toujours dans un temps aquatique !
Verron j’en point la fin de nos tracas ?
La loy de Dieu n’est pas mise en pratique ;
Le pu hupé desormais ne s’applique
Qu’à chen qui fet amasser du goumas.
Qui monte en banque est Madame Richesse ;
Checun ly rit, la baise et la carresse ;
La povreté no guigne de travers,
Et souz sa cherge est souvent oppressée ;
Chela me fait escrire dans mes vers,
Richesse est prise et povreté laissée.
No ne connet rien dans la Republique,
Des gens de bien no ne fet pu de cas ;
O brelinquet leu conseils no z’etrique ;
Hors de leu lieu checun leu fait la nique,
Faisant semblant ne les connestre pas.
Pour plaire o siecle y faut glumer sans cesse,
Estre sans foy, aver l’ymeur tygresse « tigresse ».,
Le cœur masqué et l’ame de travers,
A tous partis choquer teiste bessée ;
Ch’est chen qui rend comme o marchez ouvers
Richesse est prise et povreté laissée.
Tel n’a vaillant seulement une brique,
Qui s’imagine attaindre o grands z’états,
Pourveu qui l’ayt un chapiau fantastique,
Un mantel rouge, et un habit de crique,
Y s’estime estre ossi grand que Galas.
Ainchin qu’un poux nouviau remis en gresse,
Des lieux d’avis y va fendant la presse,
Et flagornant là queuques capiaux vers
Qu’eront ailleurs leu z’ecuelle drechée,
Y feront tant qu’en leu conseil divers
Richesse est prise et povreté laissée.
La povreté dans sen lieu domestique,
Benissant Dieu en ses petits repas,
A ses lieux là jamais sen nez ne fique ;
A ne se plaist qu’à sa povre pratique,
Tels bien ly sont ainchin que du broüas.
Si queuque fais a soupire d’angoisse,
Ch’est à steur’là qu’o la cherge et l’oppresse ;
En vain no vait ses membres descouvers,
Sa chair jaunastre et à demy perchée,
Sans s’apiter à vair qu’à z’yeux « qu’à yeux ». ouvers
Richesse est prise et povreté laissée.
Ses gros Milors montez su leu bourrique,
A qui la goutte enseigne maints hélas !
Guignent de l’œil la povreté etique
Qui les supplie en sa faim famelique,
Et font semblant de ne l’entendre pas.
Dieu, qui voulut l’éluire pour hostesse,
Tient en ses mains se n’ire vengeresse
Pour ceux qui ont voulu mettre à l’envers
La povreté « pauvreté ». de plusieurs embrassée,
Qui n’ont d’engain de vair qu’en l’uniuers
Richesse est prise et povreté laissée.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Saiziesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux, en langue Purinique, ou gros Normand, 1640, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 199-201.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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