L’argent o poids à cause de la rongne
David Ferrand
Éléments contextuels
1640
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
L’Autheur descrit contre les rongneurs qui alterent la monnois, apportent une grand
perte et du retardement au trafic. 1640.
Cant Ryal « rial ».
Fait sur un grand placart
Affiquay en toute part ;
Là, l’Ordonnanche escrite
Fait prendre l’argent o marc
Rabatant les grains et pites Ces cinq vers sont parfois omis..
Que fais-tu chy « chi »., commere Guillemette
Dessu st’étal aveuq « avec ». un tribuchet ?
— Jens ! je reviens de faire me n’emplette,
Où pour trois blancs de naviaux que j’achette,
J’ay bien pensé jamais n’y aver fait.
No z’en radotte aveuque leu balanche,
No n’a pas fait qui faut qu’o recommenche ;
Trafique t’on pour un double ou un liard,
Reporte t’on se n’œuvre ou sa besongne,
No y rechet, si che n’est par hazard Les huit vers ci-dessus sont parfois remplacés par :« Je revenés maintenant de l’empletteO pour trois blans de navés que j’achette,Entour stargent je n’eray jamais fait. Jens ; j’y radotte aveuque ste balanche,No n’a pas fait qui quo recommenche,Car baille ton un double o un liard,Reporte t’on se neuvre o sa besongne,A rechever ce n’est pas sans hasart ».,
L’argent o poids à cause de la rongne.
Lors dit Sarra : « Ch’est chose fort bien faite,
Car asteur chy « chi ». ces rongneux en secret
De leurs ciziaux « siziaux », « cizeaux »., et de leu grand forchette
Ne pourront faire une barbe secrette,
Entour l’argent joüant du tourniquet.
Leus « leurs ». fortes z’iaux n’eront pu de pissanche « pissance ».,
Ny tireront de l’or la quinte-essenche « quinte essence ».,
Car y « ils ». craindront chy « chi ». en apres la hard.
Un grand esprit, qui o bien public songne,
Fait que no prend par un nouveau placard
L’argent o poids à cause de la rongne.
« Si no z’eut fait dancer la casquarette
A ces gens là, estant prins sur le fet,
Le reste eut craint, et la bouche muette
Il se fut tins dans sa sombre cachette,
Craignant de rendre un tribut o gibet.
Mais no z’a veu que le trop d’indulgence
A leurs desseins a donné la licenche « licence ». ;
Che qu’o « Ce quo ». z’a fait no l’a fait un ptiot tard ;
Mais toute-fais, mogré « maugré ». que no z’en grongne.
No recheura à st’eure à se n’apart
L’argent o poids à cause de la rongne.
« Qu’ils estoient fins pour attraper minette,
Oparavant que su derrain arrest
Eust « Eut ». deffendu leur pratique mal faite,
Car ils allest ainchin qu’en une trette « alloient o Dimanche et o Feste ».
Cueillir l’argent de poids que no z’avet.
Ils pratiquest leu naire « leur neire ». intelligenche « intelligence ». ;
Mais asteur-chy « chi ». que vela la deffenche « deffence ».
Ils ne pourront plus rien faire à l’escart ;
Coume monniers « Comme palots ». se blesmira leur trongne,
Ne pouvant plus trouver « rongner ». en nulle part
L’argent o poids à cause de la rongne.
— Mais quay ! Stilla « quoy stila ». courant la bouguenette
A trois chens lieux « chans lieus ». dedans su Vivarest,
Ste suchession « succession ». ly tourmentant la téte « tette ».
Remportit t’il encor queuque chosette
O bien d’argent remplit-il « remplit t’il ». sen buffet ?
— Che fut en vain qui fit « qu’il fit ». grand diligenche « diligence ».,
Car ses parens n’avest « parents n’avoient ». point grand finanche « finance ». ;
Quand il fut là, qu’il eust « eut ». le nez camard !
Et tout penaut et rouge de vergongne,
Ne recheut point de ses mains de hommart
L’argent o poids à cause de la rongne.
Envay « Envey ».
Ch’est à steur-chy « a steuchi »., Prinche plein « plains ». de clemenche « clemence ».,
Qu’il faut tenir cette « ceste ». bonne Ordonnanche « Ordonnance ».
Qui a privay les rongneux de leu « leur ». z’art ;
Et que Dieu gard cil qui pour nous besongne,
En reduisant o grains, o pite, o marc
L’argent o poids à cause de la rongne !
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Saiziesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux, en langue Purinique, ou gros Normand, 1640, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 201-204.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
–
Commentaire linguistique
–