Cheu grand papier qui deffend la Dentelle
Anonyme
Éléments contextuels
1640
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant Ryal
Haga ! Thibaut, vais tu, par nostre doque,
Plaquer partout l’effriable cartel,
Qui nos deffend que l’o ne s’i affroque
De porter plus du passement nouvel,
De la dentelle sur temor imperel ?
N’estant assis, dis may et pronostique :
Ce beau garchon qui carloit en boutique,
Espapelourdy comment un chou « chon ». frisay,
Ayant trois sols tapis en l’escarcelle,
Luysit o pos o qu’on avet boutay
Cheu grand papier qui deffend la Dentelle.
J’ay souvenanche, encor « eucor ». que l’on s’en moque,
Que st’Alison, la femme de Miquel,
Qui va cryant : « Qu’est che qui veut en troque
De mes lachets m’estorer de drappel ? »
De fiertey print cheu chan aiz chen coutel ;
En se viautrant ses gambes elle étrique,
Comme un oysel dans la patte l’on fique,
C’estait au mains tout du long de cheu quay,
Ches grands moucheus de col elle amoncelle,
Et depichant elle a executay
Cheu grand papier qui deffend la Dentelle.
Que ch’est bien fait ! La dentelle on revoque ;
Cela ruinet les servantes d’hostel.
Aller au pain presque tous les jours à l’oque,
N’avair chez say à brusler un coipel,
Ou à mettre dans la gave un morcel,
Et s’estriquer en dame magnifique,
Ch’est un abus plaisant et drolifique
Que l’on vayait « vayoit ». si bien encommanchay,
Qu’on engagait souliers, corsets, vaisselle,
Pour se braver, si n’eust remediay
Cheu grand papier qui deffend la Dentelle.
Jenne, qui filait de la layne à sa broque,
Qui n’eust jamais de froment un boissel,
En limachon se brave dans sa coque,
Et monstre au vent sa gorge et sen musel
Au gros lugan qui conduit un batel.
A sçait des cats la game et la musique,
Ly mit au sein afin qu’elle s’estrique
Un quart d’escu qui n’estait pas roignay ;
Cheu vieux cagou la dit estre puchelle,
Mais elle craint en l’ayant emplyay
Cheu grand papier qui deffend la Dentelle.
O grand Colas Margotton qui s’affroque,
Cheu ravandeur de sur le petit Rissel,
Contre st’edit d’engangne le suffoque
Que sans dentelle on a fait sen troussel :
« Fut-il, dit elle, au fin fond du canel
Ce beau plaquart qu’on guingne pour cronique ! »
Mais sa Mamman sur le grouin luy fique
Un coup de poing pour sa grande fiertay :
« Veux-tu payer st’amande ? luy dit elle ;
Cheus gros Monsieus n’ont il poin prononchay
Cheu grand papier qui deffend la Dentelle ?
Envey
Prinche, en chu temps que des marrons l’on croque
A ses carbons, luysez chet écritel.
A tous hazars je m’en viens tapper loque,
Droit devant may, sous men bras men capel ;
Je l’ay cachay comme un nid à corbel,
L’ayant trouvay au bonnet à la Crique.
Cheu Chant Rial fait au povres la nique
Qui sans dragler n’ont jamais rimaillay.
Cheu beaux soularts ne font que traisner l’aisle,
Et ne sçauraient « sçauroient ». vous avair presentay
Cheu grand papier qui deffend la Dentelle.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Saiziesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux, en langue Purinique, ou gros Normand, 1640, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 204-206.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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