Le Capiau neuf du mouqueux de candelle


David Ferrand

Éléments contextuels

1640

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Le Puy de la Conception estant clos cette année, le serviteur nommé Naudin ramassant les chandelles fut accueilly d’un petit amas d’escolliers pour avoir de ces lumieres, et sur leur contestation, un d’iceux prend son chapeau, le jette dans le parterre, et fut perdu : ce qui donna occasion à l’Autheur de faire ce Chant Royal sur le champ qui fut leu le l’endemain apres le jugement des prix.

Cant Rial


Prinche du Pis et votte Compagnie,

Poëtes plachaiz « plachez ». pour juger la Poësie,

Graves esprits, doctes, religieux,

Ch’est à su sair qu’instamment je vous prie

D’aver esgard au rap fait en ces lieux.

Si ste maison a esté destinée

Comme un lieu sainct à ste feste ordonnée

Par no z’ayeux vivant pieusement,

Où ne se dait faire vol ny querelle,

Pourquoy a t’on gripé publiquement

Le Capiau neuf du mouqueux de candelle ?


Vo z’entendrez sans nulle menterie

Comme a esté faite ste vollerie ;

Vous voyez bien comme il est curieux

De ramasser la candelle et bougie

Alors qu’on sort de su Pis glorieux.

Y l’y yeust un tas de petite genée

Qui vint glumer ste candelle allumée ;

Y s’y oppose assez modestement ;

Mais un pendart d’entr’eux prenant sa belle

Happe et jettit en bas impudemment

Le Capiau neuf du mouqueux de candelle.


Chela le fit pres qu’entrer en furie ;

Y déchent bas de grand équilbourdie,

En prenonchant maint mots injurieux

A ceux qui avest fait ste friponnerie,

Et qui en fesest oncore les rieux.

Il a par tout la plache visitée,

Couru, cerché o bas de la montée ;

Mais sen cercher fut inutillement ;

Qui l’avet pris avet desja fait velle.

Par ainchin fut perdu « peru ». bien povrement

Le Capiau neuf du mouqueux de candelle.


Chen qui le mit en grande resverie

Est qui l’etet de laine Chigovie ;

Il l’avet z’u d’un qui les fet des mieux ;

Y n’eret pas aintelle facherie,

Si ch’eut esté queuque z’uns de ses vieux.

Messieurs, pour ly j’en fais chy la criée :

Si queuqu’un l’a enlevé par risée,

Et qu’on le rende o moins secrettement ;

Ch’est tres-mal fait à stilla qui rechelle

Ou qui retient queux ly à se n’escient

Le Capiau neuf du mouqueux de candelle.


Mais ie reviens à st’action « l’action ». hardie.

Quay ! d’affronter chite sa signeurie « seigneurie ».,

Ch’est entreprendre un fait audacieux,

Ly qu’est sous clerc de cette confrerie,

Et qui s’y rend humble et officieux.

Messieurs, Messieurs, la chose est asseurée ;

Si se n’Estat sçait qui a fait la havée,

Y ne mourra sans aver quatiment ;

Garde qui n’ait chinq chens coups de sumelle « semelle »..

Faut il ainchin gripper insolamment

Le Capiau neuf du mouqueux de candelle ?


Envay

Yexcusez may, Prinches de la tablée,

Si je ne peus hier luyre à st’assemblée ;

Chenne chyt’est le recompensement.

Mais, comme may, empliez vous d’un zelle

A recouvrer par force ou autrement

Le Capiau « chapiau ». neuf du mouqueux de candelle.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Saiziesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux, en langue Purinique, ou gros Normand, 1640, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 207-209.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique