Adieu, bon temps, la pienche est conie
David Ferrand
Éléments contextuels
1640
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cette année, bien qu’elle fut d’une grande apparence en son commencement, la vigne
apporta fort peu de raisin, et si peu qu’il y en eust estoit fort verd, et fort cher,
ce qui donna subject à l’Autheur de faire cette complainte pour les enfans de Bachus.
Cant Rial « ryal ».
Aprechez-vous, doubles « double ». nez à pompette,
Nez ennoblis de couleur de rozette,
Nez en bourion jyqu’o fond des naziaux ;
Y n’est ichy question de trompette
Pour vo semondre à creuser des tombiaux.
La lerme à l’œil et la langue alterée,
Venez viper avec notte assemblée ;
St’an ichy qu’est le fliau des buveurs,
Vo ne devez pus aver d’ermonie
Que ce ne set pour crier avec pleurs :
Adieu, bon temps, la pienche est conie.
Où est le temps qu’aveuque « avecque ». ma canette
J’allais par tout courir la bouguenette
Pour m’enquerir du prix des vins nouviaux,
Que je luquais aveuque mes lunettes
Su ses Monsieux qu’estallest « estallests ». leu houssiaux ?
St’ennée chy s’est de bonne heure hyvernée « Stannée chy t’est de bonne heure yvernée ». ;
No ne vait pu de verdure attaquée
O long leu z’huis « zuis », « huis »., a l’a d’autres couleurs.
Quand a sera queuque jour reverdie,
Je ne dierray comme asteure en douleurs :
Adieu, bon temps, la pienche est conie.
Il me souvient qu’o coin de ses rulette
Robert de Ros, ainchin qu’une leurette,
Le nez o vent enseignet les drapiaux ;
Le pot de vin vallant demie guenette,
Chacun y allet pour yemplir ses vaisseaux.
Su siecle là, Dieu sçait, à la serée
Comme on trinquet devant sa queminée,
O ne fezet la musique à trois cœurs,
L’esprit content, la bedaine guernie.
Qu’est qu’ut crié, dans aintelles hymeurs :
Adieu, bon temps, la pienche est conie ?
Asteure ichy j’avon de la piquette,
Que no no vent autant que la rozette ;
Sydre et vin sont niez de malle z’iaux ;
No ne les sent monter à la canette ;
Y vont tumbant tout dret dans les boyaux.
Tous les deniers qui paye à l’arrivée
Causent souvent que sa force est levée ;
Les taverniers, qui sont de vrays brasseurs,
Font d’une pieche une pieche et demie.
Pouvons-je pas crier dans tels malheurs :
Adieu, bon temps, la pienche est conie ?
Dieu seul, sur nous qui commande à baguette
Et qui contraint de faire une retraitte
A tous pecheurs qui vivent en pourchiaux,
A pu causer une tieulle diette,
Afin qui l’est empraint dans leu cherviaux.
Qu’on ne m’objecte ichy qu’on fait levée
De maints deniers pour en faire curée ;
Contre le Ciel no crache ces clameurs ;
Quand Dieu aura sa colere assouvie,
No ne dierrons, supposant des flateurs :
Adieu, bon temps, la pienche est conie.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Saiziesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux, en langue Purinique, ou gros Normand, 1640, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 210-212.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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