Perpinien agripé par famine
David Ferrand
Éléments contextuels
1642
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
L’Espagnol, malgré ses rodomontades ordinaires, est assiegé par l’armée françoise dans Perpinien, et, apres
un long siege, disette et famine, est contrainct se rendre par composition aux mains
du Roy de France en l’année 1642.
Cant rial Titre parfois manquant.
Nostre bon Roy inesgal en vaillance,
Voulant morguer la superbe arrogance
Qu’encontre ly monstrest se z’ennemis « ses ennemis ».,
A bien peu mettre au dessu leu croyance,
Leu piau dorée au dessous « desous ». de ses Lys.
Depis qui l’eut posé sen diademe
Sous le vouler de la bonté supresme
Et sur l’autel de la « le ». Royne des Cieux,
Tout le bon-heur de sen costé s’encline,
Et ch’est pourquay no z’a veu en ces lieux
Perpinien agripé par famine.
Ces bazanez avest bien la criance
De limiter la course de la France,
Qui n’a de borne en ses faits inoüys.
Lorsque le Coq chante en rejouyssance,
Le Lyon « Lion ». tremble o moindre de ses cris.
Mais les François, qui avest bien prins leur « leu ». esme
O paravant qui le sceussent en leu cresme,
Par le conseil du pu judicieux
Qui jamais a roulé cette machine,
Ont fait connaistre aux gens bien curieux
Perpinien agripé par famine.
No leu z’avet, mogré leu z’esperance
Apetiché leu milleure pitance,
En ravageant tout otour « tout à tour ». leu pays,
Et leu suposts où y l’avest fiance
Ainsi comme eux en furent estourdis.
Y s’atendest tretous, selon leu tiesme,
Aver du bled pour passer leu Coresme,
Qui a duré pu qui n’estest pieux,
Car leu maquaille empesché par marine
Fait qu’on z’a veu, mogré les z’enuieux,
Perpinien agripé par famine.
Lors que je pense à leu grand douliance,
Pour aver eu une trop grand’fiance
A tous les gens qu’on leu z’avet promis,
Ils ont gobé pour faute de sustance,
Chevaux, mulets, chiens, chats, rats et souris.
La faim entr’eux a esté si extresme
Qu’ils se portoient à se manger sey « soy ».-mesme ;
Queuques enfans, par un acte impieux,
Ont de leur chair engraissé leu cuisine ;
Sans ces horreurs l’on n’eust veu à ses yeux
Perpinien agripé « agrippé ». par famine.
Il monstrait bien malgré luy, par souffrance,
L’instinc qu’on dit qu’il a dés sa naissance ;
Car tout farçy d’oignons, rave « raves ». et pain bis,
Il dit, estant devant quelque assistance,
Qu’il est remply de cailles et perdrix.
Pauvre Seignor, que tu as la fache blesme
D’estre caché ainchin hors de ten cresme !
Vela que ch’est de gens ambitieux ;
No les vait quair dedans leu propre ruine.
Set que s’en set, j’avons industrieux
Perpinien agripé par famine.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La xvii. et xviii. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs Ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1642, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 227-229.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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