L’Antechrist né opres de Babylone


David Ferrand

Éléments contextuels

1642

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cette année, il courut un certain bruit entre le commun peuple, que l’Antechrist estoit ès environs de Babylone, et mesmes il y en eust quelques cayers imprimez qui furent vendus en public, ce qui donna suject au Poëte de faire l’ouvrage suivant.

Cant rial « ryal ».


Bon seir « soir »., bon an, toute la compagnie ;

Je viens ichy passer ma fantasie.

Qu’es che qu’on dit asteure en su burel ?

Car volentiers dans notte draperie

Il y a tousjours queuque cas de nouvel.

— Qu’est qui l’y eret, Denys, men bon compere ?

No n’entend pu paler que de misere,

No ne vit pu rien qu’en gemissement « gremissement ». ;

Les pu hupez sont reduits à l’aumosne,

Et, qui pier z’est « piers est »., on tient assurement

L’Antechrist « L’entechrist ». né opres de Babylone.


— L’Antechrist « L’entechrist ». né, ce sret la diantrerie.

Qu’est qui t’a dit aintelle resverie ?

Ne no z’eluge illoq de ten fretel.

— En bonne fey, che n’est point menterie,

Car je l’ay ouy luire en un ecritel.

No ne connet, dit-on, rien que sa mere ;

Il a les dents comme une fourquefiere,

Le nez camus ainchin qu’un cahoüen ;

Il est venu au monde sans matrone.

Peut-on juger sinon qu’il est vrayment

L’Antechrist « L’entechrist ». né opres de Babylone.


No dit qu’il a le don de prophetie,

Le Juif le tient quasi pour sen Messie ;

Stila qui hayt le vin et le pourchel

Tout effritay devrede qui ne die

Au grand Sulten qui le cret pour aintel.

Chen qui l’y pousse est chen qui ly vait faire ;

Y rend les morts vifs dans leu chimetiere,

Aux langoureux donne soulagement.

Qui ne le cret y le z’enveye à Cone.

Qui ne creret dans su triboüillement

L’Antechrist « L’entechrist ». né opres de Babylone.


Foudres, esclairs, gresle, tempeste et pluye,

Lorsqu’il nasquit, en l’air firent sortie ;

Les habitants, pu deffaits qu’un drapel,

Emmy les camps pensant perdre la vie,

Se doulousest tretous en un troupel.

Les monts tremblants à l’extraordinaire

Forchest les ours à quitter leur repaire ;

Les animaux, hurlant effriamment,

Firent sortir leur Roy hors de sen trosne,

Qui tesmoignest par sen rugissement

L’Antechrist « L’entechrist ». né opres de Babylone.


— Pere Denys « Denis »., a pus que je ne die

De t’ouyr conter aintieulle niaiserie,

N’adjouste fey à tout su vieux ratel ;

Tout chela n’est que pure joberie

Qu’on t’a voulu fiquer dans ten chervel.

Si l’estet « l’esteit ». vray d’un tel estrange affaire,

Comme tu dis, la chose est toute claire,

Qui l’en seret du brit bien autrement.

Il est bien né o z’impost qu’o no prosne ;

Mais y n’est pas comme tu crais vrayment

L’Antechrist « L’entecrit ». né opres de Babylone.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La xvii. et xviii. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs Ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1642, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 235-237.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique