Le cuit canger en cabots et galoches
David Ferrand
Éléments contextuels
1642
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
La grande imposition qu’on a mise sur toutes sortes [de] cuirs a donné subject « subjest ». à ceste complainte, d’autant que les pauvres gens sont reduits à porter des sabots
et galloches.
Cant rial
Embreloqué d’une melencolie,
Mille agios sont à ma fantazie ;
Pirs qu’escolier, je n’ay point de campos.
Ne day-je pas entrer en frenaisie
N’ayant queu may une heure de repos ?
Ma femme, qui a l’œil et la langue franche,
De sair en sair me prosne en doulianche :
« Qu’espere-tu, dit-elle, garnement ?
Faute de gain, tu me bas et machoque,
Depuis que tu as appercheu « apercheu ». dans Roüen
Le cuit « vin ». canger en cabots et galoches. »
Tout estourdy de oüyr sa piaulerie
Je ly prononche : « Anais, ma douche amie,
Va t’en coucher, que personne ne t’os. »
Elle qui craint « crains ». qui n’i ait de batterie,
S’en va plaquer su sen lit en repos.
May qui sait bien tous les mots qu’a me lanche,
Pu estonné qu’un batteux dans sa grange,
Je les rumine et approuve « approuvent ». souvent
Les raisons qu’on les femme « femmes ». en leu caboche,
Et me doulouse à vair « veir ». journellement
Le cuit « cuir ». canger en cabots et galoches « galoche »..
Je dis : « Bon Dieu, que tout le monde prie,
Faut-il qu’il l’y ait chy tant de broüillerie,
Et que des « de ». gens de rien fachent migots
Du ptiot de gain dont tu me gratifie
Qui serviret à nourrir mes linots « lignots ». !
Que ta bonté nous donne patienche !
Tu veux qu’ichy je fachions penitenche ;
No va nuds pieds, no maque équerchement ;
Mais oncor rien d’aintieulle hanicroche,
S’on ne veyet par tout, faute d’argent,
Le cuit « cuir ». canger en cabots et galoches.
Lors que j’allon pour gagner « gaigner ». notte vie
Avant ces « ses ». rües criant par melodie
Des vieux souliers, la pouque su le dos,
Je ne trouvon chavatte ny demie
Pour aver pain, candelle « candalle ». ny fagots.
Si no z’en trouve un lot par equianche,
Y n’i erra pas pour un niquet de canche,
Tout y est usé, le rivet seulement
Era recheu chinq cens milles « mille ». entoches.
Pouvons-je pas pleurer à bon escient « escien ».
Le cuit « cuir ». canger en cabots et galoches ?
Où est ste saison que dans la tanerie
Que no z’avet le cuit de Barbarie
A mains « maint ». d’argent qu’on n’en « qu’o n’en ». paye d’imposts ;
Les vieux souliers, dans la chavaterie,
Su no z’estats « z’estas ». no z’avet pour chinq gros.
No n’entendet tant chaboter en Franche.
Les vieux souliers n’estaist « n’estais ». mis par souffranche « soufranche ». ;
Aux souliers neufs « neux ». on couret vitement ;
Mais à steure-chy, fut-on prié des noches « prier des Nopches ».,
Les pu hupez font vair journellement
Le cuit « cuir ». canger en cabots et galoches.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La xvii. et xviii. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs Ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1642, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 237-239.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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