La nouvelle des nouvelles


Anonyme

Éléments contextuels

1642

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

La nouvelle des nouvelles

nouvellement arrivez à Jeremie Fripelart, fils aisné de Guillemette Rude-en-Soupe


En foüillant hier o sair dedans me n’esquerchelle,

J’y trouvis o fin fonds un morcel de papier ;

Vous qui venez ichi pour ouyr des pu belle,

Tendez tretous le bec, je les vois raconter.


Mais su tout chependant pensez à vo pouquette,

De pur que no n’y fique o dedan de l’argent « argen ». ;

Si vo y arrivet que queuque chose on mette,

Vos en este avertis tout yaupavant.


Je ne proneray point chete affreuse nessanche

Que no dit qu’arrivit il n’y a pas longtemps ;

Car si su moustre là fait pu à se n’enfanche,

Que ne fera-t-’y point s’il devenet pu grand ?


S’il a les yeux hagars ainchin qu’une choüette,

Si sa téte resemble ainchin qu’à un toupin,

Si se n’oreille d’asne est pu haut que sa téte,

A su conte-là donc ch’est un affreux mastin.


Je n’en veux point paler non pu que de st’iloque

Qui s’en prendret à may si je palez à ly ;

Je n’en diray pas mot, point je ne m’y affroque,

Car peut estre y viendret pour me cacher d’ichy.


Mais pourtant, si j’entrez un ptiot su sa loüange,

Il en seret jaloux et s’en glorifiret ;

Ch’est le mileu garchon, sans que no le calange,

Que no z’et jamais veu depis que Roüen est.


Il en rit dans sa barbe à st’eure que no le louë.

Je n’en veux pu paler, yen « ven ». vela assez dit ;

Asteur qu’il tient bouticle, il faut que nos advouë

Qu’il tache en tous endrez de gagner du credit.


Je ne proneray point oncor st’autre nouvelle

De stilla qui perdit sen gigot de monton,

Gagnant les gigotiaux o coin d’une ruelle,

Craignant qu’o ne drapit dessus sen hoqueton.


Je ne proneray point chez nouvelles d’Espagne,

Comme dans Perpignan no n’avet pu qu’un cat,

La téte de deux quiens, un ptiot de catagne,

Dans un baril salley deux souris et un rat.


En fin no les z’a prins par où no prend les autre,

Car ils sont attrapez justement par le bec ;

Il peuvent bien à st’eure se retirer o piautre

S’il ne cherche o putost la grace qu’o leu fait.


Je les lesseray là pour paler d’autre chose.

Levez tretou le nez jusque à su Coquet :

Ch’est [de] su sujet là qui faut que no vo cause

Pourveu qu’ou reteniers un ptiot vostre caquet.


No z’avet preparay un si grand tabernacle

Pour l’aller déjuquer jusque là où il est,

Que les plus ébaubis criest tretous miracle,

Veyant chez instrumens qu’o z’i avez drechez.


Les z’uns disest : « Il faut l’aver par escalade

Ainchin que les Titans vouletz aver les chieux » ;

Et les autre « autres ». : « Il faudra l’aver par ambuscade

De pur qu’il ne s’envole et n’alle en d’autre lieux. »


Les uns prenetz pour veir des pere de lunette,

D’autre su leu maisons grimpest comme des cas,

Les autres o fin coupel y fesest l’échauquette,

Sans craindre de tumber la téte haut en bas.


D’autre pu crevieux grimpent o Piramide,

Témoin chez chabrenaux qu’o z’i voulet fesser ;

Mais il avez biau là crier : « A l’aide, à l’aide ! »

Si fallut-il pourtant leu z’aprendre à dancer.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La xvii. et xviii. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs Ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1642, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 259-261.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique