Reponse de Drien Roquelore


David Ferrand

Éléments contextuels

1644

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Reponse de Drien Roquelore

à sa bonne mere Macette en sa maison et domicile de Mare au puis.


Ma mere, j’ay recheu vote biau mot d’escrit

Où, Dieu mercy « merci ». et vous, vous faicte assez de brit.

Je cray que tous les quiens et les cas du village

Sçavent asteur men nom, et qu’en leur jergonnage

Ils m’appellent caheutre et batteux de pavay.

Ossite vo m’avais si rudement lavay

Depis le z’erigots tout ijsques à la tete

Qu’on dierra astheurchi que je sis queuque bete,

Qui n’a brin de sçaver, qui n’a brin d’entregent,

Qui ne faict que donner de la poüaine au Regent.

O cha ! je vo veux mettre au bout de vos unettes ;

Luisez bien ste missive, et cauchez vos lunettes

Affin de vais pu clair, et de ceste fachon

Vo verrez que je sis un assez bon garchon,

Que je ne sis pas fos, mais que je sis pu sage

Que cheux-là qui vo z’ont deranglé su langage.

Dans la fougue où je sis, si je schavais cheux-là,

Ces menteux, ces bourdeux qui vo z’ont dit chela,

Je leu casrais le nais d’un coup de ma galoche,

Ou bien je leu baudrais une tieulle « tieule ». taloche

Qu’estourdis à la plache, ainchi que des pourciaux,

Il faudret les porter quieux eux dans des beniaux.

Je ne sis point stila qui fait tant de debauches « bebauche ».,

Qui va dessu su quay pour chendorer ses cauches,

S’affourquant brusquement sur des poinçons « poinsons ». de bray ;

Vote thieme est mal prins, ch’est un autre que may.

Il est vray que j’allis à ste faire derraine,

Quasi tout vis à vis de su Pontaritaine,

Dans un batel de vin, mais il estait campos,

Et si, ch’etait aussi pour m’écaper des bos,

Et pour me degager des reux d’une broüette ;

Mais je ne sis point homme à faire la trempette « trompette ».

Aveuque « avecque ». les gourmets qui tous en un mouchel

Ennivrent les pu fins aveuque « avecque ». leu fratel.

Pour che qui est astheur des lichons du Coliege

Je me moque de cha ; ch’ez un povre maneige

Bien pietre et bien pesqueux ; les pauvres escoliais

Ne sont pas si sçavants qu’il estait autrefais.

Si queuqu’un me veut vais, qui vienne aux grands z’escoles

Exempte de fesseux comme de monopoles ;

On y va rondement ; il n’y a point d’abus.

Aussi su grand Prelat qui en est le Phœbus,

Flatant les nourrichons « nourichons ». d’un douche influenche,

Y faict luire les traicts de sa grande prudenche.

Je sis ichy « ichi ». prumier « premier »., et dans l’autre atelier

Je n’estais que deuxiesme, et m’eust fallu bailler

Pour l’impos de « du ». nouviau boutay dessus les selles

Pu de quatre-vingt sous, quatre pour les candelles,

Douze pour le mouqueux ; on happe tous « tou ». le z’ans

Sur tous les escoliais bien vingt et chinq chens francs.

Mais qu’est che qui peut vais sans une grand « grande ». tristesse

Qu’on paye là dessus un esterdeux de fesse ?

J’ay palé depis peu à de braves Monsieux

Qui l’an mil six chents dix ont esté balieux « ballieux ».,

Qui m’ont dict qu’ils avest alors chet avantage

Que personne avec eux ne quechet en partage.

Ils estais « estaint ». à leu gosse, et avaist « avaint ». un mouchel

De doubles qu’on fiquet au fond de leu « ten ». capel ;

Et ch’est che qui m’a fait quitter l’estat au piautre,

Relenquir le Coliege et en tracher un autre.

Je pense astheur’ichy « astheurichi ». que vo deprescherez

Ce qu’o z’auer presché, et si que vo dierrez,

En fesant la serie, aux garchons de village

Que je ne sis pas fos, mais que je sis bien sage.

Je m’erquemande à vous : enveyez may du rost

Des neuches de ma sœur ; j’iray vo vais « vair ». bien tost,

Mais je n’y « ni ». peux aller devant la Pentecoute

Car je sis rebrachay ichi ijsques au coute Les vers qui suivent jusqu’à la fin sont parfois manquants.

A bien polir men thiesme et bien brasser mes vers,

Pour elinguer men nom par dela l’univers.

Pour le vezin Rivet qui va au ptit Coliege,

Soit qui fache biau temps, qui vente, pleuve ou neige,

Il s’en ira vos vais ces festes de Noüel

Pour recaper sa part du rost et du tourtel.

Faicte ly declamer ste belle poüesie

Qu’il devet derangler dans une trageudie.

On dierra le veyant : Ch’est le fieu de Paquet

Qui apprint avant hier à danser un ballet,

Qu’il danse le prumier, car il faict feu et flambe,

Et semble que sen pied ne tient point à sa gambe.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La dix-neufiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1644, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 284-287.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique