Stanches


David Ferrand

Éléments contextuels

1644

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

L’Autheur fit cet ouvrage contre des calomniateurs qui avoient fait quelques vers sur luy, touchant sa vieillesse.

Stanches

Faictes par vis suppost du corps de la Chavaterie Indication parfois manquante..


Vous vela en un tas et en grande assemblée,

Bonnes « Bonne ». gens qui venez pour rire o Palinots ;

Dites ! n’aviez-vous point hier la tete troublée

De beller apres may ainchin comme des fos ?


Oncor, respondez-may, sis-je sujet d’escrire,

Et de faire des vers tout à votte « vostre ». desir ?

Non, vous devez songer que si je vous fais rire,

Je le fais seulement pour me donner plaisir.


Que ne requerez-vous ces enfans du « de ». Parnasse

Qui jeunes vous feroyent chennela mieux que may ?

Ils vous contenteroyent « contenteroient »., s’estant mis en ma plache,

N’estant incommodais de quatre yeux coume j’ay « may »..


No dit qu’il y en a un qui a prins la hardiesse

D’escrire contre may en vers injurieux,

Qui reprend, ce dit-on, mes deffauts de vieillesse,

Et que je n’ay mot dit du depis les fesseux.


Je ne sçay d’où ly vient cette folle pensée :

Ces gens furent cachez il y a plus de trais ans ;

Je leus mes Cants Ryaux oncor « encor ». l’année passée ;

J’en appelle à tesmoin « tesmoing ». les petits et les grands.


Fache chen qui voudra ; y faut bien qui s’attende,

S’il me taxe à l’honneur, je luy rendray le choq,

Je ly feray des vers, vers qui le feront pendre,

Ainsi que fit Licandre oyant ceux d’Archiloq.


Je ne battray mes flancs pour me mettre en colere ;

Je seray quel il est, et de quelle maison,

Qui l’a fait et forgay, quelle a esté sa mere ;

Il ne faut offencer un homme sans raison.


« Ce sont les chavetiers, dit-il, qui l’yont fait faire. »

Y ment, ces gens et may je vivon en repos ;

Lors que j’ay besoin d’eux, y me font me n’affaire

Et me baillent du cuit « cuir ». où je sauve l’impost.


Je vo dierray quement un bout à ma sumelle

Me dure pu d’un mois sans qu’on z’y fache rien ;

Qui les émouquerait à me cercher querelle

Puis que, ne disant mot, y me font tant de bien ?


Ch’est un perturbateur, un menteur execrable,

Qui voudret en discord no mettre volontiers ;

Il ne faut l’innocent punir pour le coulpable,

Je seray bon amy tousjours des chavetiers.


Ce sont de bonnes gens vivant en leu boutique,

Aveuques les bourgeois tousjours doux et humains ;

No ne les vait jamais mouques de republique ;

Ils vivent douchement du labeur de leu mains.


Ils hantent en tout lieu aveuq toute franchise,

Y n’entreprengnent « n’entreprennent ». rien qui n’en viennent à bout,

Y ne font point jamais boncroute en marchandise,

Et bref le chavetier est propre à faire tout.


No dierra que Gros Cu « gro cu ». o queuque bon confrere

Era sans y penser fait queuque acte vilain,

Mais quay ! en su cas là, quesqu’un corps y peut faire ?

Nous n’avons pas les dais tou z’unis à la main.


Toute faute, dit-on, dait estre personnelle.

Et bien ! si par meschef ou par des trahisons

Queuqu’un a eu le foüet, vla « vela ». de grandes nouvelles ;

Y vient bien des defauts o pu grandes Maisons.


Dans un nombre si grand il est presqu’impossible

Qu’on ne veye tousjours queuque malencontreux,

Mais de faire à cela y ne leu z’est possible ;

Vous diriez que l’enfer set animé contr’eux.


Courage niomains, mes bons compatriotes,

Les guespes n’en ont point jamais qu’o belles fleurs ;

Ces blasmes ne vous sont que de simples riottes ;

Je promets que mes vers combatront ces malheurs.


J’escoutais bien essair si en notte langage

No z’eut blasmé l’Estat hors du point limité ;

Je me promettais bien ste nuit faire un ouvrage

Qu’eut deffendu le corps comme il a merité.


Vivez doncques en paix assis su vos sellettes,

Asseurez qu’à tousjours je vo seray loyal.

Mais ch’est par trop stanché ; sonnez un peu, trompettes !

Car je veux m’apprester à lire un Cant Rial.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La dix-neufiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1644, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 297-300.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique