A superlicoquentieusement pissante Jeanne


David Ferrand

Éléments contextuels

1644

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

A superlicoquentieusement pissante

Jeanne

Jeanne Bristoc, veufve du bonhomme Gratignon bourgaise de la Bretesque, etc.


Ma mere, je ne sau qui a inspiré men pere

De me jouquer ichy pour estre latigneux.

De Clenard et Nicod je teurque men driere

Quand ayant fait caca je sens qu’il est morveux.


J’endeue de bon hait m’embroüillant la chervelle

Apres des mots nouviaux qu’o vait dans nos lichons ;

Oni viergo loti m’a coutay chent candelle ;

J’ayme mieux vous servir à garder des cochons.


Pis j’avons un Regent, un gratte poux, un here,

Un…, je demeure là, pur de z’accusepaix ;

Il a, cray je, juray la mort à men driere,

Car le sair et matin il y a toursjours le nais.


J’ay su maudit fesseux donnay pour erivieres

A su grand Lucifer pu de chent mille fais ;

Ch’est un vray diablotin donnant le z’etrivieres

Qui n’a rien que deux corne, et men maistre en a trois.


Voula un biau matin faire esterdre mes fesse,

Pour ce faire il appelle un arragey fesseux ;

Et may, je m’aprestis aveuq quatre ou chinq vesse

D’encenser pour bon jour fessard et correcteux.


Il vient, je sieux happay, on me halle à la porte

On detaque mes brais, y commenche à toucher ;

Men ponant courrouchay tonnit de telle sorte

Qu’on crayet que l’hostel s’en allet tribucher.


Mais le malur pour may, et qui me desespere,

Ch’est qu’en carillonnant je safranis mes brais,

Et le Regen gueullait bouchant sa muzeliere :

« Sors d’ichite, quieux, et ne revien jamais. »


Si men maistre est movais, me n’oste est encor pire ;

Je crais may qu’il est fos, ou bien poy ne s’en faut ;

Il happit « sappit ». l’autre jour men papier à escrire

Qu’il allit mestre en gage opres se z’erchefaux.


No l’ameine si saux, qu’ainchin qu’une espousaye

Le fallut entraisner souz les bras à l’hostel,

Où devant que d’entrer li fit deux chens posaye

Et en degobillit du plain que men capel.


Orains il s’en revint, tout ainchin coume un pesme,

Sans capel, sans pourpoint, sans cauche, sans souliais ;

Il avait engagay jusques à ses brais mesme

Sur lesquelles y devait queuque dix-huit deniais.


Dedans sa belle ymeur il me prendra la teste

En me plaquant le nais tout dret à sen fessier,

Et, teurtillant du cu coume une vieille beste,

Quatre ou cinq pais de floc y m’envaie o gosier.


Pis, aiant fait su coup, y se mettra à baire

Et demenant sa teste, et ses pieds, et ses bras,

Il sera pu retif d’aver fet chette affaire

Que s’il avet happai La Rochelle ou Arras.


Pu de deux mille fais je me sis mis en paine

Avec un gros tapon qui roulle à se n’ouvreux

De ly boucher le trou d’om sort aintelle aleine,

Car n’estant pas punais, je sens bien les vesseux.


Basire du Cliquet, le fils de su bel hoste,

Bindit derrainement aveuq may o noix,

Où en dieble et demi je ramonnis sa coste

Pour aver mis en jeu un double aiant deux croix.


Y me dit par engain que j’estais fils de prestre ;

Pour may je m’en sçay rien, je m’en rapporte à vou.

Si chla est vrai ou non, faites le mai parestre ;

Je ne sçai si men pere est appellé coucou.


De che qu’on fet ichi il n’ai brin de nouvelles

Dignes d’estre fiquais dedans cét écritel,

Si che n’est que Naudin ne mouque les candelles

D’otant qu’il y a deux ans qui perdit sen capel.


Requemandez may bien à me n’ante Gervaise

A men neveu Colas, et à notte porquier.

Men ventre desruné me met fort à mal-aise ;

Je fine aiant besoin du reste du papier.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La dix-neufiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1644, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 300-303.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique