Lettre plaisante de Tienote


David Ferrand

Éléments contextuels

1622-1625

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Lettre plaisante de Tienote « a Tienote ». nouriche demeurant o Tronquay à madame Alix.

La presente set adrechée à Monsieur Gautier, Proculeux à la Juridiction du Nid « Juridition du Nit ». de Quien opres la Panevere, demeurant o camp Herichon parmy chez Purins, pour bailler à sa femme.

À Rouen.

Note Maistresse Alix, ch’est men mary et may

Qui no recommandon à vote bonne grace,

Et vo faison saver qu’il est bien amenday

A vote petit fieux depis la sainct Eustache.


Quand su malur advint, y dormet à l’hostel,

Où de note solier y tumbit « tombit ». une brique,

Qui ly ebredoüillit tout sen petit muzel,

De quay y s’épaumit, pis à braire y s’ecrique.


J’eus si grande frieur « fryeur ». que tout men povre lait

Se triboüillit alors comme estant sammellée ;

Je l’eus bien pres « prez ». d’un mais tourjous « tousjours ». en grumelet,

Tant je me gremissais et estais desolée.


Jan Bisnez « Jan bis nos ». apportit d’un empoitronnement « ompoitronnement ».

Qui l’eut d’un medechin qui pronet su des planques,

Asseurant que ch’etait un chertain oignement

Pou les plais, pou la tous « toux ». et pou le mal des « de ». hanques.


Mais chela n’y servit à nen pu « à rien pu ». qu’un criquet ;

Et, quand je vis chela le deuxiesme dimanche,

La boüette aveu l’escrit je jette o brelinquet.

Et pis « Et pir ». j’allis trouver ma vesine Climanche.


Quand a vit su petiot, sans se mettre en esmay,

Ly fit du premier coup reprendre sa fendache,

Et n’y bouttit jamais que du beurre de may,

Un ptiot de pain maqué aveuq « aveu ». de l’écopache.


Je vo eusse enveyé notte homme pour vo vais,

Mais je crains qui n’eut fait d’ossi belles besongnes,

Comme y fit à Roüan à la derraine fais,

Quand y fut desbauché de ses diantres d’yvrongnes.


Car o pas de votte « votre ». hus y rencontrit Hiaumet « Hiaumer ».,

Qui l’embrache et l’entraine opres de ses navires

Chucher d’une herbe secque aveuq un calumet,

Et brevotter d’un yau qui cauffe la tirlire.


Y burent tout le jour sans vair miette de pain,

Et tandis que men gueu se donnet la carriere,

Se n’asne estet en bas qui glemissait de fain,

A qui no desrobit le bas et la croupiere.


Pis no z’ut le bissac de Marguerin Guillot « de Maturin Petiot »..

Dans quay je vo z’avez « vos avez ». enveyé ste galette,

Avecq trais quarterons de paire de quiot,

Pou vos petite gens parfais à leu nonnette.


Mais rien pou « ponr ». le bissac, mais y perdit étout

Chan que nous enveyez : trois livre de candelle,

Deux gobets de sallé, des souliez à Maclou,

Le ptit linge à l’enfant et la coëffe à Michelle.


Enfin y print se n’asne par le bout du licos,

Et quand il ut le vent une fais dans la téte,

Y cudit deux chens fais s’ebredoüiller le cos,

Quechant à tou les coups sous les pieds de sa bete.


A la fin y montit « A la fin montit ». dainla mal achitray,

Et, quand su grand begaut fut à caillifourquette,

No z’eut « Nos eut ». dit, à le vair ainchinte engilbatray « engilbatrai ».,

De tenaille affourquez dessu une leurette.


Quand y fut revenu, y buquit à l’hostel,

Mais no gens le prenest, à vair sa povre mine,

Pour queuque pionnier revenu de nouuel,

Du siege de Breda, ou de la Valtorine.


Mais pour votte « votre ». petiot, il est sain et dispos,

Vretillant et replet et d’une imeur viouge.

Je vo le porteray pour vair à la S. Pos ;

Ossi bien ly fait t’y aver un bonnet rouge.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La Premiere et seconde Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages facetieux en langue purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers autheurs, s. d., Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 45-47.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique