Su Biau-regard qui a déniché nos nippes
David Ferrand
Éléments contextuels
1644
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant Ryal « rial ».
Le subject « suject ». est qu’un nommé Beau-Regard qui enseignoit la jurisprudence en cette ville, comme
il avoit de grandes cognoissances, il fit emprunt de plusieurs bagues, joyaux et coliers
de perles, pour orner son fils qui representoit quelque personnage en une tragedie
qui se faisoit aux Jesuistes ; il s’enfuyt de nuict, emportant avec soy grand nombre
de richesses, et ne s’est veu depuis.
Su monde ichite est un certain estage
Où biaucoup font coume les « le ». bateleux,
Si ojourd’huy y contrefont les gueux,
Le lendemain, changeant de personnage,
No « On ». les verra en habits somptueux.
Le seul point est d’aver bonne chervelle
Pour bien saver où plaquer sa merelle,
Et yatrapper « yattraper ». les biens si dieuxtrement
Qu’on n’oze pas pres qu’en bransler les lippes « branler les lipes ».,
Ainchin qu’a fait ichy, dedans Roüen « ichy dernierement ».,
Su Biau-regard qui a déniché nos nippes.
J’ay ouy noumer « nommer ». par un quemun langage « coumun langage ».
Un biau-regard « beau regard ». cet astre lumineux
Dont la vertu de ses raiz qualureux
Les mineraux figit pour nostre « noste ». usage,
Rubis, diamants, et tout ce qu’est gemeux.
Su Biau-regard ichy qui fait velle,
Et qui a z’u no joyaux par cautelle,
Fait o rebours du « le ». sien du firmament ;
Coume une austruche « autruche ». il les mange et dissipe.
Qu’on nomme donc un chimiste yeucellent « excellent ».
Su Biau-regard qui a déniché nos nippes.
Y no z’a fait un yeuxtresme « yeutresme ». doumage « dommage ».,
Car no z’enfans ne seront pus « feront pu ». pompeux
Coume y l’estest quand y l’allest o jeux ;
Su z’un autruy un chequ’un se rend sage ;
O dieble set tout aintels affronteux.
S’on veut vestir nos brus en damoiselle,
Coume no fait, la fille estant puchelle,
Que no z’emprunte « emplunte ». ainchin qu’o « qu’on ». fait souvent
Queuques joyaux « jouyaux ». à plaquer su « ploquer sur ». leu trippes,
No ramentet « romentet ». ossi tost librement
Su Biau-regard qui a déniché nos nippes.
Y l’empruntit sans cedulle ny gage
Bagues, joyaux, mais bien à trente lieux,
Pour se n’enfant rendre pu somptueux,
Qui n’estet prins que pour servir de page
Su le tiatre o Colliege fameux.
Coume « Comme ». on portit par un amoureux zelle
O mains d’Aron or, carquans et vaisselle « vesselle ».
Pour le viau d’or, les femmes librement
Ly apportest leu joyaux dans ses griffes,
Sans soubçonner « penser ». qu’eust fait si meschamment « meschantement ».
Su Biau-regard qui a déniché nos nippes.
Lors que queuz ly y l’eut tout su mesnage,
Un dieblotin le rendit curieux
De convoiter ces joyaux precieux,
Ly conseillant d’entreprendre un voyage
Et que pour vivre il ne peut faire mieux.
Ayant un ptiot d’argent à l’esquerchelle,
Sans se servir d’ocune haridelle,
Il sort de nuict « nuit »., mais si subtillement
Que sen vezin qu’o z’appelle Philippes « Phlippe ».
N’oüyt tinter ny branner « bransler ». seulement
Su Biau-regard qui a déniché nos nippes.
Envay
Pour ne vou point ennuyer davontage,
Si vo « vous ». creyez le conseil du « d’un ». rimeux,
Dames, cachez votte « vostre ». mal douloureux,
Car, coume « comme ». o dit, chla donne un ptiot courage
Quand coume « comme ». say no vait un malheureux.
En vos traictez « traitez ». si la clause est aintelle
Qu’emporterez, venant la mort cruelle,
Bagues, joyaux, dites qu’avant le vent
Ils sont passez dedans l’Isle des grippes,
Et qu’en joüyt, sans laiz de testament,
Su Biau-regard qui a déniché nos nippes « les grippes »..
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La vingtieme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1644, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 8-10.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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